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DISCOURS DE M. JEAN BONNARD

Recteur sortant de charge.

MESDAMES ET MESSIEURS,

Le nombre des discours que vous devez entendre m'impose le devoir d'être bref. Je passerai donc très rapidement en revue les événements les plus saillants de notre histoire pendant les deux années qui viennent de s'écouler, tout en regrettant que les circonstances ne me permettent pas de profiter plus amplement de l'occasion, trop rare à mon sens, qui s'offre aujourd'hui de tenir le public de notre canton au courant de la vie intime de l'Université vaudoise.

Mais auparavant je tiens à remercier tous ceux qui, pendant mon rectorat, m'ont accordé leur appui, Messieurs les conseillers d'Etat Virieux et Decoppet, qui ont géré successivement le Département de l'Instruction publique et auprès desquels j'ai trouvé le plus bienveillant accueil, mes chers collègues, les membres de la commission universitaire, dont les

conseils m'ont été extrêmement précieux, et enfin, notre dévoué secrétaire, M. Bonzon.

Depuis deux ans, la mort a fauché impitoyablement dans nos rangs. Au mois de novembre 1900, elle nous enlevait un homme qui, sans nous avoir jamais été attaché par un lien officiel, n'en avait pas moins rendu à l'Université des services éminents, tant pendant son passage au Conseil d'Etat, qu'il présidait en 1890 au moment du vote de la loi sur l'enseignement supérieur, que pendant les neuf ans où il donna des cours à la Faculté de droit, M. le juge fédéral Soldan. Le mois suivant elle emportait coup sur coup deux de nos professeurs honoraires: M. Herminjard, le savant éditeur et l'érudit annotateur de la correspondance des réformateurs, et l'un de nos magistrats les plus vénérés, M. le juge fédéral Morel. En juillet 1901, disparaissait à son tour un homme dont je suis mal placé pour faire l'éloge, M. Duperrex, qui consacra quarante-six ans de sa vie à enseigner l'histoire à l'Académie et à l'Université et qui, depuis sa retraite, continuait à porter le plus vif intérêt à notre établissement d'instruction supérieure, qu'il avait dirigé à deux reprises comme recteur. En novembre dernier, nous perdions un collègue au coeur chaud, à la parole vibrante, passionné pour toutes les causes généreuses. M. Henri Paschoud; en mai 1902, M. le Dr. Louis Secretan, un spécialiste distingué, dont le nom restera attaché à la fondation de la station climatérique de Leysin, et enfin, tout récemment, le poète délicat, le noble artiste dont vous

applaudissiez ici même, il y a deux ans, la parole empreinte d'un charme inimitable, M. Henri Warnery.

Les démissions aussi ont été nombreuses. Nous avons vu partir successivement M. Favey, dont les Chambres fédérales ont reconnu les mérites éminents en l'appelant à faire partie de la plus haute autorité judiciaire de notre pays, mais que nous n'avons heusement pas perdu tout entier, puisqu'il a bien voulu, avec son obligeance habituelle, continuer la tradition, si heureusement établie, qui veut qu'un juge fédéral se fasse entendre aux étudiants en droit; M. Gaudard, un savant dont la réputation a dépassé nos frontières, et dont l'activité féconde s'est déployée, pendant plus de trente-cinq ans, pour le plus grand bien de notre école d'ingénieurs; M. Schüle, qui, après un trop court passage à Lausanne, a accepté un appel à l'Ecole polytechnique fédérale; M. Charles Dufour, l'illustre astronome dont l'Université fêtait, il y a quelques années déjà, le cinquantième anniversaire de l'entrée dans la carrière de l'enseignement; M. W. Grenier, qui a résigné, trop tôt à notre gré, les fonctions de professeur de mécanique qu'il remplissait avec distinction à l'école d'ingénieurs, autrefois dirigée par lui; M. Rabow, qui fut successivement professeur de psychiatrie et professeur de thérapeutique, et qui désiré rentrer dans son pays, et enfin M. Erman, dont le souvenir restera lié au développement extraordinaire pris, depuis une dizaine d'années, par la faculté de droit. Le temps me manque pour m'étendre sur les services qu'ils ont tous, à des

titres divers, rendus à l'Université. Le Conseil d'Etat les a reconnus en conférant l'honorariat à MM. Favey, Gaudard, Ch. Dufour, W. Grenier, Rabow et Erman. Que tous ces anciens collègues reçoivent ici une fois de plus l'hommage de notre reconnaissance et de nos regrets!

En regard de ces pertes, il faut noter l'accession de forces nouvelles. Onze professeurs ont été nommés: un en théologie, M. de Loës; trois en droit, MM. André Mercier, de Tourtoulon et Kuhlenbeck; quatre en médecine, MM. Mermod, Aug. Roud, Jules Berdez et Strzyzowski, et quatre en sciences, MM. Dommer, Bosset, Maillard et Hahn. L'Université leur souhaite à tous la bienvenue, ainsi qu'aux neuf nouveaux privat-docents qui, depuis deux ans, ont reçu l'autorisation d'enseigner: : MM. Narbel, Niceforo, Ch. Berdez, Lutoslawski, Constant Dutoit, Arthur Bonard, Mercanton, Lossier et Reiss.

Si le corps enseignant continue à s'augmenter, le nombre des étudiants croît aussi. Les cours avaient été suivis, pendant le semestre d'été 1900, par 569 étudiants et 72 auditeurs, soit par 641 personnes; ils l'ont été pendant le semestre d'été 1902, par 606 étudiants et 115 auditeurs, total 721. Il y a donc eu, en deux ans, un gain de 37 étudiants et de 43 auditeurs, total 80. Nous avons malheureusement à mentionner la mort d'un étudiant, M. Paul Hirschmann.

Notons encore l'accroissement du nombre des grades offerts aux étudiants. Sur la demande de l'Université, le Grand Conseil lui a accordé le droit

de conférer le diplôme de chimiste-analyste, ainsi que la licence et le doctorat. ès sciences sociales. Les règlements relatifs à ces divers grades ont été élaborés; ils ont été récemment approuvés par le Département de l'Instruction publique. Le projet d'institution d'un certificat d'études françaises à l'usage des étrangers a obtenu l'approbation de la même autorité. La faculté des lettres rédigera très prochainement le règlement y relatif.

La question qui a préoccupé le plus souvent et le plus longuement la commission universitaire au cours de ces deux dernières années, c'est celle de l'assurance des étudiants contre la maladie et contre les accidents professionnels. Cette question était pendante depuis longtemps. Depuis longtemps aussi nous avions été frappés des inconvénients que présentait, pour les étudiants de diverses facultés, l'absence d'un. local où ils pussent se tenir dans l'intervalle de leurs cours. Après examen, nous avons reconnu que le seul moyen de donner satisfaction à ces différents desiderata, c'était d'y pourvoir à l'aide d'une seule et même contribution imposée à tous les étudiants. Il a donc été institué depuis un an, sous le nom de Caisse des assurances et de la salle de lecture, une caisse destinée à indemniser les étudiants malades, à assurer les étudiants en médecine et en sciences contre les accidents professionnels qui pourraient les atteindre et à subvenir aux dépenses de la salle de lecture universitaire. Cette caisse est alimentée par une cotisation semestrielle de cinq francs exigée de

tous les étudiants, et cela est équitable, car, si les étudiants en médecine et en sciences sont seuls admis au bénéfice de l'assurance contre les accidents professionnels — et cela pour la bonne raison que leurs camarades des autres facultés n'y sont pas exposés — ils ne peuvent en fait guère profiter de la salle de lecture, retenus qu'ils sont pendant la journée dans leurs cliniques, leurs amphithéâtres, leurs laboratoires ou leurs salles de dessin.

Tout étudiant malade peut se faire soigner gratuitement à l'Hôpital cantonal, jusqu'à concurrence de quatre-vingt-dix jours pour la même maladie. La caisse paie pour lui à l'administration de l'Hôpital la somme de deux francs par jour. Si l'étudiant malade préfère se faire traiter à domicile, la caisse lui rembourse ses frais de maladie (médecin, médicaments, garde, etc.) jusqu'à concurrence de deux francs par jour et de quatre-vingt-dix jours de maladie. Les étudiants en médecine et en sciences victimes d'accidents professionnels sont mis au bénéfice d'une police contractée en leur faveur par l'Université auprès de l'Assurance mutuelle vaudoise contre les accidents. Ils sont indemnisés par cette société en cas d'invalidité permanente. L'indemnité maxima est fixée à 10000 francs.

La salle de lecture a été installée dans un local très spacieux de l'ancien bâtiment de l'Ecole normale. Le mobilier en a été gracieusement offert par la Société académique. Les journaux et les revues, au nombre d'une soixantaine, qui la garnissent, sont fort appréciés par les étudiants. Les journaux

illustrés sont, après lecture, envoyés à l'Hôpital cantonal, à l'Asile des vieillards ou à l'Hospice de l'enfance. L'organisation de ces institutions nouvelles a présenté au début quelques difficultés. Aujourd'hui, après une expérience d'une année, nous pouvons affirmer qu'elles ont fait leurs preuves et qu'elles rendent aux étudiants les services que nous en attendions.

Deux nouvelles sociétés d'étudiants ont été fondées, et toutes deux sur une base nationale: la Minerva, association de jeunes Grecs, et la Romania, qui groupe les ressortissants de la Roumanie.

L'intérêt porté par le public à l'Université s'est manifesté à deux reprises par des dons importants. M. Ch. Pasche, ancien président du tribunal d'Oron, a légué, en souvenir de ses études, mille francs au fonds universitaire. M. Ch. Bessières a laissé par testament dix mille francs au même fonds et dix mille francs au Dispensaire central, qui les a versés au fonds de bienfaisance de la policlinique. Nous garderons un souvenir ému et reconnaissant de ces généreux donateurs.

L'Université a pris part, l'an dernier, à l'exposition cantonale vaudoise. Nous avons fait imprimer, à cette occasion, des tableaux indiquant la répartition de l'enseignement et les titulaires des diverses chaires à l'Académie et à l'Université de 1878 à 1901. Ces tableaux font suite à ceux qui ont été établis par M. le professeur Vuilleumier pour la période de 1537 à 1878. Divers graphiques, des plans, des cartes, des collections scientifiques, des

recueils de travaux ont complété notre exposition, sur laquelle les drapeaux, les casquettes et les rubans multicolores de plusieurs sociétés d'étudiants ont jeté une note pittoresque.

Nos rapports avec les universités suisses se sont bornés à la collation du doctorat ès sciences, honoris causa, au distingué professeur de zoologie de l'Université de Berne, M. Théophile Studer, qui a célébré récemment le vingt-cinquième anniversaire du début de son activité professorale.

Nos relations avec l'étranger ont été beaucoup plus fréquentes. Si nous avions cru devoir accepter toutes les invitations que nous avons reçues, nous aurions envoyé des délégués à Czernowitz, à Montauban, à Glasgow, à Turin, à Newhaven (Etats-Unis), à Oxford, à New-York, à Christiania, à Budapest, à Paris, à Hambourg et à Eutin (Oldenbourg). En fait, nous avons été représentés à Glasgow par M. le professeur Rossier; à Montauban et à Paris par M. le professeur Emery; à Hambourg par M. le professeur Spiro, et à Oxford par M. le professeur Maurer.

Nous avons fait des démarches auprès des universités allemandes en vue d'obtenir que les semestres passés à Lausanne dans les facultés des lettres et des sciences fussent comptés en Allemagne pour les candidats au doctorat en philosophie. Nous avons obtenu gain de cause auprès de la majorité d'entre elles.

Et maintenant, Mesdames et Messieurs, je devrais, selon l'usage, vous présenter celui qui, pendant

deux ans, va présider aux destinées de l'Université vaudoise. Ma tâche se trouve singulièrement abrégée par le concours de circonstances, unique dans notre histoire, qui fait que M. Louis Grenier est installé aujourd'hui à la fois comme professeur ordinaire et comme Recteur. Aussi bien une présentation, et surtout une double présentation, n'est-elle guère nécessaire pour une personnalité aussi connue que celle de mon successeur, qui, depuis un quart de siècle, a marqué sa trace dans notre vie lausannoise. Rompu aux affaires, grâce, en particulier, à son passage à la municipalité de Lausanne, M. Grenier possède à un haut degré les deux qualités qui devraient être l'apanage de tout Recteur, les talents administratifs et le don de la parole. Sa culture juridique et son expérience lui permettront de traiter avec compétence les affaires. parfois compliquées, qui incombent au Recteur. L'Université est assurée d'avoir trouvé en lui le guide éclairé dont elle a besoin. Puisse-t-elle sous sa direction, continuer à marcher dans les voies de la prospérité et du développement, pour le plus grand bien de la patrie!