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DISCOURS DE M. E. DIND

Recteur entrant en charge.

MONSIEUR LE CHEF DU DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, MESSIEURS ET HONORÉS COLLÈGUES, MESSIEURS LES ÉTUDIANTS, MESDAMES ET MESSIEURS,

Ainsi que plusieurs de nos prédécesseurs, avec plus de raisons encore, nous nous excusons auprès de vous d'avoir accepté le très grand honneur que nous devons aux bienveillants suffrages de nos collègues et nous reconnaissons notre insuffisance à remplir le poste auquel nous sommes appelé.

Cet honneur, nous l'eussions même décliné si nous n'avions pu, pour remplir notre tache, escompter la bienveillance du Conseil d'Etat et le concours précieux du magistrat distingué qui préside au développement de l'instruction publique de notre petit pays et qui, si nous en croyons les voeux unanimes

des membres de l'Université, longtemps encore présidera à la marche progressive de notre Alma mater!

Confiant dans son inépuisable bienveillance, nous faisons, en toute quiétude, appel au concours autorisé du recteur descendant de charge. Vous avez conduit, M. Grenier, la barque universitaire avec une autorité qui a fait l'admiration de tous: votre talent, comme orateur, vous a permis de représenter brillamment l'Université de Lausanne dans des solennités de haute importance et, soit au dies academicus de Genève, soit dans la réunion — la première vécue — des recteurs des universités suisses, collège nouveau, qui vous doit son existence, soit enfin dans nos réunions plus intimes vous avez donné, à la charge qui vous fut confiée, un relief exceptionnel.

A vrai dire, notre vie publique, dans laquelle vous avez figuré au premier rang, comme adminstrateur expérimenté et comme financier habile, nous était un sûr garant de vos talents. L'histoire non écrite, il est vrai, mais discrètement contée, prétend — et nous l'en croyons — qu'il n'a tenu qu'à vous et à vos amis politiques de représenter la ville de Lausanne dans le sein du pouvoir exécutif de notre pays. Vous y auriez, certes, fait bonne figure et utile besogne, mais les événements qui surent définitivement attacher votre destinée à celle de l'Alma mater Lausannensis furent heureux et les amis politiques qui vous déconseillèrent l'accès du château épiscopal lausannois virent plus juste

— nous parlons en universitaire — que vos adversaires politiques, qui prétendaient vous y faire entrer.

Quoiqu'il en soit, Monsieur le prorecteur, nous faisons appel à votre collaboration permanente! Vous avez réorganisé les archives de l'Université et déployé dans votre carrière rectorale une fermeté grande quoique exempte de rudesse. Vous n'avez pas été «la dextre gantelée de fer» qui doit régir l'Orient et y faire régner l'ordre, — hélas, il n'y paraît guère! — mais la ténacité douce que vous avez apportée dans l'exécution de vos projets de réforme a eu des effets si heureux que notre mérite le plus grand, si nous y pouvons parvenir, sera de vous imiter.

La nécessité d'avoir une direction ferme et bien ordonnée à la tête de notre Université devient, avec son développement intense, surprenant même ceux qui ont poussé à sa création, une impérieuse nécessité. On pouvait, lorsque le nombre des professeurs était de soixante-un et celui des étudiants de trois cent vingt-un — tel était le cas en 1890 — admettre comme normales des relations directes entre les divers professeurs, chefs de laboratoire et le Département de l'Instruction publique: après expérience, vous estimez qu'il n'en doit plus être ainsi et vous invoquez en faveur de votre thèse la nécessité pour la Commission universitaire d'exercer sur la marche des différentes Facultés un contrôle effectif et régulier. C'est au Conseil d'Etat et à son représentant auprès de l'Université qu'il appartient

d'en décider, mais sous réserve d'une expérience à acquérir, il nous paraît, à première vue, que votre manière de voir est conforme aux intérêts de l'Université, de ses cent et quelques professeurs et de ses neuf cents étudiants.

Les progrès réalisés par l'Université de Lausanne relèvent de toutes les Facultés, témoignant ainsi de l'égal dévouement des maîtres qui y enseignent. Cet hommage rendu à tous nos collègues. vous ne trouverez pas extraordinaire, Mesdames et Messieurs, que notre situation dans le sein de l'Université nous conduise ici à parler de préférence de la Faculté de médecine, la dernière venue, si l'on fait abstraction de la période, brève d'ailleurs, où elle se confondait avec sa soeur aînée la Faculté de théologie. Vous savez d'ailleurs que dans toute famille ce sont les progrès des derniers venus qui préoccupent le plus, au risque même — et ce n'est pas notre cas, — de faire méconnaître les mérites des aînés.

Le développement rapide pris par la Faculté de médecine dû aux mérites de plusieurs de nos collègues que leur modestie seule m'empêche de désigner nominalement, médecins et chirurgiens qui attirent dans notre cité des malades venant de toutes parts chercher auprès d'eux le rétablissement d'une santé compromise ou que l'on croit telle, relève également des transformations profondes qui se sont faites dans l'enseignement des sciences médicales.

Utilisant les découvertes faites par les sciences

pures, la médecine voit constamment grandir le rayon de son activité, et l'étendue de connaissances générales qui lui sont nécessaires, en dehors du domaine médical pur, devient de plus en plus vaste.

Naguère, mon prédécesseur, M. le professeur Marc Dufour, vous disait ici même les relations qui existent entre les maladies parasitaires et la mobilisation de nos moyens de défense, puisés pour une bonne part dans ce tissu exceptionnellement mobile et modifiable qu'est le sang. Dès lors nos connaissances encore imparfaites se sont considérablement développées. L'ancienne division des éléments cellulaires du sang en crythrocytes et leucocytes est physiologiquement et pathologiquement, insuffisante: d'origine variée les leucocytes ne concourent pas uniformément au même but. Suivant l'heure de la journée, l'alimentation donnée, l'âge ou l'état sanitaire, nous voyons la formule sanguine varier infiniment. Au cours de la rougeole — Monti, à Vienne, et après lui Combe, à Lausanne, nous l'ont appris — une augmentation des corpuscules blancs annonce, plusieurs jours à l'avance, l'éruption prochaine; l'apparition de l'exanthème provoque un abaissement de la courbe leucocytaire, abaissement momentané lorsque l'évolution de la maladie est favorable, accentué et durable, au contraire, lorsqu'il y a péril: la courbe présente-t-elle une ascension trop prompte et excessive, on petit, avant que l'examen clinique permette de le soupçonner, prévoir une complication morbide.

Dans un ordre tout différent de maladies — nous faisons allusion aux dermatoses pemphigoïdes, l'examen du sang, lorsqu'il y a excès d'éosinophiles, permet dans une certaine mesure, de se reconnaître dans le dédale des affections cutanées bulleuses. Non moins frappantes, parce qu'essentiellement individuelles, sont les relations qui — par circulation sanguine — unissent la peau et les organes digestifs, relations capables de se traduire par des troubles cutanés aigus — telles les éruptions passagères qui accompagnent la consommation de certains fruits — ou durables, telles l'acné ou la couperose.

La présence du sucre dans l'organisme détermine des troubles variés, le frappant tantôt dans son ensemble, bornant parfois son action nocive sur les yeux. les nerfs ou la peau. Comme on le voit, ces humeurs sont dues à des modifications, momentanées ou durables, du plasma sanguin. A ce titre, il faut relever, comme fait récemment acquis — et remarquable — le résultats que donne ou peut donner la déchloruration des tissus. Son action, dans certaines manifestations rénales est des plus nettes: aussi bien voyons-nous — en vertu de l'erreur de généralisation à outrance qui fait proscrire l'usage, nous ne disons pas l'abus, du tabac ou de l'alcool — certaine secte mi-religieuse mi-hygiénique condamner, avec celle de la viande, la consommation du sel. Les disciples de la vie sans sel et sans viande vivent en plein air, se privant de toute domesticité, et n'ayant, comme vêtement qu'un costume

très voisin de celui d'Adam et Eve au temps du paradis... perdu! Comme vous le voyez, Mesdames et Messieurs, même privés de Molière, nous ne sommes pas au bout des joyeusetés de la médecine!

C'est dans le plasma sanguin que circulent les substances immunisantes, antitoxiques et bactéricides, telles les précipitines et les agglutinines, les premières constituant le meilleur réactif sanguin, fort utiles également pour le diagnostic des viandes de boucherie. Les agglutinines, grâce à Vidal, facilitent le diagnostic de la fièvre typhoïde, avec cette particularité exceptionnelle et remarquable de permettre utilement de faire cette recherche plusieurs mois et même plusieurs ans après l'évolution de la maladie. L'importance de ces découvertes aussi bien pour la médecine générale que pour l'hygiène publique et la médecine judiciaire, ne saurait être méconnue.

Il règne, quant au temps pendant lequel les substances immunisantes persistent dans le plasma sanguin une extrême variation: preuve en soit la fragilité —dans le temps — de l'immunité conférée à l'homme par les injections de serum antidiphtéritique alors que chez le cheval la matière immunisante persiste pendant de longs mois. La vaccination humaine — contre la variole — est un type d'immunisation durable nous rendant réfractaires, pendant de longues années, à l'action du virus de la variole.

Le grand bienfaiteur de l'humanité que fut Jenner

a, par sa découverte au XVIIIme siècle, fait appel, sans la connaître, à l'action démontrée aujourd'hui des immunismes. Bien autrement remarquables, à ce point de vue, sont encore les Chinois, tenus pourtant en piètre estime, qui, plusieurs siècles avant Jésus-Christ, pratiquèrent la variolisation. Et aujourd'hui, plus de deux mille ans après eux, nous en venons, malgré les résistances de l'école Chauveau, à identifier la variole et le vaccin. Tant il est vrai que l'on trouve fréquemment dans les brumes lointaines du passé les traces des théories dont le monde moderne fait grand état: il suffirait pour le démontrer de rappeler les vers de Lucrèce annonçant le rôle considérable joué par les infiniments petits, de rappeler encore, comme le fait un ouvrage récent, que l'atomistique est le fruit mûr tombé de l'arbre cultivé par les anciens philosophes de l'Ionie. Dans un autre domaine constatons l'action intense — mise dès longtemps à profit par les malades — qu'exerce la lumière solaire sur les êtres vivants: constamment nous faisons appel au rôle bienfaisant du divin soleil: en pleine mer — loin des poussières nocives de nos rues — sur les rivages riants de ta Méditerranée, aux confins du Sahara, dans nos pâturages alpestres peints par Rambert

«Rien que l'herbe et le ciel, rien que le ciel et l'herbe!
L'herbe est d'un vert si frais, si tendre, si léger,
Qu'avec les génissons on voudrait fourrager;
Le ciel, le vaste ciel est un azur sans voiles,
Où bien avant la nuit frissonnent les étoiles,
Et le gai vêtement sur la terre jeté
Fait de ce bleu profond sentir la pureté!»

partout enfin où l'insolation déploie librement ses effets bienfaisants accourent en rangs pressés les tuberculeux innombrables, les lymphatiques, les acroasphyxiques. Avec raison ils viennent demander au dieu, auquel sacrifie Flammarion, le rétablissement d'une santé compromise par la vie étroite de nos cités. Mieux vaudrait sans doute prévenir, par une hygiène mieux comprise, que guérir, mais c'est déjà chose utile d'avoir cessé de quémander dans nos officines d'apothicaires, ce que seuls peuvent donner aux générations fatiguées le plein air et le lumineux soleil.

Grâce aux travaux de Finsen, le grand Danois que la science vient de perdre, et à ceux de ses élèves, nous savons que l'organisme humain réagit de façon très diverse à l'action des différents rayons du spectre solaire, On admet généralement — manière de voir que mettent en discussion les récents travaux de Dreyer et de Halberstaedter — que les rayons actifs dans la thérapeutique de certaines affections parasitaires sont les rayons violets et ultra violets.

Ils donnent effectivement — à Finsen revient le mérite d'en avoir fourni a preuve expérimentale — dans le traitement des tuberculoses cutanées chroniques — à siège superficiel, disons-nous — des résultats surprenants. Nous appelons de nos voeux le jour, prochain espérons-nous, où l'assistance publique pourra mettre nos malades au bénéfice de cette nouvelle ressource thérapeuthique: seul des hôpitaux suisses, celui de Berne met à la disposition

des tuberculeux cutanés cette ressource nouvelle. Le canton de Vaud ne voudra pas, c'est notre conviction absolue, rester en arrière de ses anciens maîtres: souvenons-nous qu'ils surent, à une époque déjà lointaine, bien inaugurer l'assistance hospitalière de ce pays par l'édification du bâtiment superbe qui domine les Grandes-Roches au haut de la Mercerie.

Les physiciens, hongrois et allemand, auxquels est due la connaissance des rayons X, ne soupçonnaient sans doute pas l'importance médico-chirurgicale de leur découverte. A l'heure actuelle les applications diagnostiques et thérapeutiques de cette méthode nouvelle sont au lit du malade des collaborateurs aussi indispensables que l'auscultation, la percussion ou les mensurations thermométriques. Certaines maladies rebelles guérissent, grâce à cet agent nouveau, plus rapidement que jadis et l'on peut, avec quelque réserve, escompter le résultat favorable de cette collaboration dans le traitement d'affections chirurgicales particulièrement redoutables et redoutées.

Il est superflu d'ajouter que l'apparition de ces nouveaux moyens thérapeutiques conduit à des abus. Le désir de ne pas rester en arrière de ses concurrents, la lutte pour la vie ou pour la gloire déploient, ici comme ailleurs, leurs effets bienfaisants ou nuisibles et, souvent, entraînent à généraliser l'application des méthodes nouvelles qu'on discrédite parfois —permettez-moi cette expression triviale qui rend bien ma pensée — en les mettant

à toute sauce. Nous n'avançons guère, ainsi faisant, les affaires des malheureux qui viennent à nous trop confiants dans la réclame qu'ils rencontrent sur leur chemin. La charité doit être discrète, dit l'Evangile: l'art de guérir, pensons-nous, a tout à gagner à procéder du même principe et nous sommes convaincus que la publication de résultats brillants, mais insuffisamment contrôlés, peut être le point de départ d'amers regrets. Il suffit de rappeler ici les désastres dus à l'application hâtive de la tuberculine de Koch, et à côté des succès dus, dans certains cas bien déterminés, à l'opothérapie les excès de la méthode découverte par Brown-Séquard: telle l'administration de la cérébrine aux idiots, de la peau de porc aux psoriasiques, pratiques grotesques qui nous rappellent les vertus de la poudre de la chair d'escargots des empiriques de nos jours ou des médecins moyenâgeux!

La marche en avant de l'art de guérir est comparable à celle de l'ascensionniste: elle n'est pas continue et à quelques pas en avant correspondent trop souvent un stationnement ou même lorsque l'art fait aussi fausse route un léger recul. Si le but est noble, la tâche est ardue: l'être humain est si peu semblable à lui-même, sa réaction individuelle dépend de facteurs si différents — parfois si opposés — l'âge, le milieu, le sexe, l'hérédité, la vie, intellectuelle ou végétative, — sont capables d'imprimer à notre machine humaine de telles modifications réactionnelles qu'il n'y a rien, en médecine, qui ne puisse réussir ou échouer! Il n'y a pas de maladies

mais des malades, dit-on judicieusement, tant il est vrai que si le parasite à la coopération duquel nous devons la pneumonie ou la fièvre nerveuse crée la maladie dont nous allons offrir le tableau, nous donnerons, grâce à notre constitution individuelle, à celui-ci, un coloris tout spécial, qui tranchera vivement sur l'ensemble des cas usuels.

Il ne naît sans doute pas de maladies nouvelles quoique nombre de médecins s'efforcent, dans un but didactique, d'en multiplier les modalités. Toutes celles qui nous accompagnent ou nous quittent étaient déjà à leur aise dans l'arche qui, il y a de cela pas mal d'années — nous en faisons appel à nos collègues, professeurs d'histoire et de théologie — vint échouer sur le mont Ararat. Quelques-unes de ces graines pathogènes que nous légua le bon Noé ont cependant fourni plus brillante carrière que d'autres. Il est incontestable, que de nos jours, la tuberculose est en évolution progressive sérieuse: il en sera ainsi, vraisemblablement, en dépit des médecins, apothicaires et même, horribile dictu, des sanatoria aussi longtemps que les conditions d'habitat, dans les milieux urbains, ne seront pas meilleures, que régnera l'abus, nous ne disons pas l'usage, de l'alcool, et que dans les mariages on n'attachera qu'une valeur, minime ou nulle à la valeur sanitaire des futurs époux.

Une maladie cependant, maladie qui a, pendant des siècles joué un rôle important dans notre pays — la lèpre — paraît en être définitivement disparue: elle est actuellement en progrès marqué dans

différents pays et' nous en avons eu, dans la personne d'un citoyen vaudois, un cas dans notre division hospitalière, il y a de cela quelques années. Il en existe d'importants foyers en Islande, en Finlande, sur les bords de la Baltique. La Bretagne, les Alpes maritimes, les Pyrénées ont de nombreux foyers de lèpre. Paris en héberge une centaine dans ses hôpitaux; à Constantinople, il n'y en a pas moins de cinq à six cents.

Il vaut la peine de voir comment on a pu, à une époque oô la médecine était rudimentaire, débarrasser l'Europe occidentale d'une maladie incurable et transmissible qui, de nos jours, tend à y reprendre pied. Pour ce faire, il a fallu plusieurs siècles d'efforts — dans notre canton les premières léproseries datent de la fin du XlIIme siècle et la dernière qui reste ouverte — celle de Payerne — ne clôt ses porte qu'en 1677! Le succès s'obtient à force d'énergie, la lutte étant simultanément conduite par les pouvoirs civil et religieux. Celui-ci crée l'ordre des Larazistes consacrés au service des léproseries comme le sont de nos jours les soeurs diaconesses de nos hôpitaux. Les pouvoirs publics créent les léproseries, ouvertes aux seuls lépreux sur la déclaration d'un collège médical spécial, de façon à éviter, comme on le fait actuellement dans nos hôpitaux, des admissions abusives ensuite d'erreur ou de simulation. Dans le Pays de Vaud, on ne compte pas moins de cinquante-cinq léproseries dans les localités d'Aigle, Avenche, Ballaigues et Lignerolles, Baulmes, Bavois, Bercher, Bex, Bioley-Magnoux,

Bonvillars, Bottens et Poliez-le-Grand, Bremblens, Champagne, Champvent, Chapelle, Château-d'Oex, Châtelard, Chavannes/Veyron, Colovray, Corcelles, Cossonay, Cronay, Demoret, Donatyre, Donneloye, Echichens, Essertines, Etagnières, Gimel, Grandvaux, Grandson, Lapraz. Lausanne, Epesses, Lavey, Lavigny, Lucens, Mathod, Moudon, Ollon, Orbe, Oron, Orzens, Palézieux, Payerne, Romane!, Rougemont, Thierrens, Valleyres/Montagny, Valleyres/Ursins, Vevey, Vuarrens, Vuittebœuf, Yverdon, Yvonand.

S'il était aisé d'entrer dans la léproserie. il était par contre fort difficile d'en sortir, momentanément ou définitivement. Malheur à celui que le Collège sanitaire avait, même à tort déclaré lépreux: il en allait pour lui, à l'époque, comme il en va parfois — si l'on en croit les journalistes — pour les aliénés de nos maisons de santé. Nous en citons pour preuve un malheureux bourgeois de Colmar, dont le célèbre médecin bàlois, Félix Platternous, lègue l'histoire: déclaré lépreux au lendemain de son mariage, ce jeune homme ne peut faire rectifier le diagnostic erroné du Collège sanitaire qu'après cinq ans de luttes et de souffrances, les médecins de cette époque, ce n'est sans doute plus le cas de nos jours, ayant beaucoup de peine à reconnaître leur erreur.

Mort civilement, le lépreux est soumis à la discipline la plus sévère; il ne sort qu'exceptionnellement; vètu d'un costume sombre, il ne doit heurter à aucune porte. ne se désaltérer à aucune fontaine. Il ne peut stationner sous l'auvent hospitalier

de la maison amie, et s'en va — vrai spectre de damné — astreint à suivre le milieu de la rue, agitant pour éloigner les âmes timorées, ses cliquettes ou sa tartavelle. Dans la maison de Dieu, lorsqu'il est admis à y pénétrer, il occupe une place à part, souvent séparée par un grillage de ses frères en Jésus-Christ.

Par prudence économique, fort sage d'ailleurs, on exige du lépreux, lors de son admission, le versement d'un pécule suffisant, fréquemment amassé par une mendicité longuement pratiquée, de plus chaque pensionnaire contribuera à assurer l'avenir de la léproserie qu'il habite en l'instituant son héritière universelle.

Ainsi s'en sont allés au cours des siècles, lèpre, léproserie et lépreux; il en reste une vague terreur qui étreint vivement encore l'âme populaire à la seule invocation de ce mot: la lèpre! Il en reste encore, dans les villages de notre pays, le nom de «maladière», témoignage géographique qui survit pendant des siècles — telle est la puissance de la mémoire collective — : il en reste enfin Le lépreux de la cité d'Aoste, que tout enfant nous avons lu et que nous relisons encore avec émotion: «J'ai perdu mes parents dans mon enfance et je ne les connus jamais; une soeur qui me restait est morte depuis deux ans; je n'ai jamais eu d'ami. — Infortuné! Tels sont les desseins de Dieu. —Quel est votre nom, je vous prie? — Ah! mon nom est terrible! Je m'appelle le lépreux! On ignore dans le monde celui que je tiens de ma famille et

celui que la religion m'a donné le jour de ma naissance. Je suis le lépreux, voilà le seul titre que j'ai à la bienveillance des hommes. Puissent-ils ignorer éternellement qui je suis!»

Vous serez, Mesdames et Messieurs, d'accord avec moi pour admirer, sans réserve, l'énergie qui fut employée dans cette lutte multiséculaire et pour applaudir au résultat obtenu — nous en bénéficions aussi — eu égard aux faibles ressources que l'on avait à disposition.

Aujourd'hui... malgré les efforts des médecins aussi instruits que nombreux, malgré les progrès incontestables de l'hygiène et de la parasitologie, en dépit de la collaboration éloquente d'un dramaturge de haut mérite, malgré même les délibérations des congrès internationaux, les avaries graves dont souffrent les générations actuelles vont déployant leurs funestes conséquences parmi la jeunesse de tous les pays. Les services spéciaux de nos nombreux hôpitaux, les sanatoria multipliés dans nos montagnes ou sur les plages de la mer n'opposent qu'une digue insuffisante à la marche envahissante des lèpres modernes.

Pour tendre plus rapidement au but, il faudrait une meilleure compréhension de l'hygiène publique ou privée! Aux villes tentaculaires, suivant le terme drastique d'un socialiste belge éminent, il faudrait substituer des campagnes tentaculaires: accaparant, en dehors des heures d'atelier ou de bureau le travailleur de la ville. Il faudrait enfin, et ici nous touchons à un point délicat et important

d'hygiène et de morale, que nos contrats matrimoniaux eussent à leur base des principes autres que ceux qui, trop souvent, les régissent. Aux convenances sociales et économiques qui fréquemment y jouent le grand ou l'unique rôle adjoignons, en leur donnant le pas sur les autres, les convenances sanitaires, qui seules, préservent les familles futures de mécomptes graves et assurent la valeur réelle des générations grandissantes.

MESSIEURS LES ÉTUDIANTS,

Suivant l'usage vous avez droit à une allocution spéciale dans le discours d'installation de votre nouveau recteur: à défaut de la tradition, respectable en soi, l'affection grande que nous vous avons nous eût conduit à vous dire quelques mots. Ils seront d'ailleurs très brefs:

Souvenez-vous, Messieurs les étudiants, que I'institution que le pays vaudois a fondée, qu'il aime et soutient généreusement de ses deniers péniblement amassés, a, comme la science qui vous y est enseignée un caractère international; soyez donc — indépendamment de votre origine et de votre situation sociale — respectueux les uns des autres, respectueux aussi de vos droits réciproques, comme de vos devoirs, qui sont égaux.

Vos devoirs! Vous avez à les remplir envers vos patries également et spécialement aimées, à l'égard

de ceux qui, de loin ou de près, participent à vos travaux avec amour et souvent avec angoisse: remplissez-les surtout pour vous-mêmes. Faites en sorte d'acquérir les connaissances nécessaires à l'exercice de la profession que vous avez librement choisie: ainsi faisant, vous l'exercerez à votre avantage et à celui de vos concitoyens. La connaissant bien, vous l'aimerez et saurez lui demeurer fidèles. Puissiez-vous, comme Flaubert le dit dans ses lettres à George Sand vous rendre ce témoignage magnifique:

«Je fais tout ce que je peux continuellement pour élargir ma cervelle et je travaille dans la sincérité de mon coeur; le reste ne dépend pas de moi.»