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DISCOURS DE M. LE Dr EDM. ROSSIER

Recteur sortant de charge.

MESDAMES ET MESSIEURS,

Voici, me semble-t-il, peu de semaines que des gens qui me voulaient du bien me disaient: «Vous assumez une lourde charge, mais deux ans sont vite passés.» Pourtant, pendant ces deux ans, j'ai vu bien des choses et j'ai fait quelques expériences.

C'est une activité variée que celle du recteur. Il traite de grandes et de petites affaires. Il écrit des lettres qu'il s'efforce de rendre fort belles à des Universités du dehors et il s'occupe (le détails infimes d'administration. Il figure dans des cérémonies, au milieu de collègues étrangers, dont les robes d'hermine brodées d'or font ressortir son modeste habit noir; on l'appelle Magnificence; il est présenté à des ministres ou à des chefs d'Etat; et il discute longuement avec tel ou tel éphèbe effaré qui prétend avoir des droits à l'immatriculation ou réclame encore vingt-quatre heures pour achever de payer sa finance. D'un jour à l'autre, la tâche change; c'est ce qui la rend intéressante. Pourtant, il y a des choses qui, pour moi, sont restées les mêmes et j'en ai été très heureux.

D'abord mes rapports avec M. le chef du Département n'ont cessé d'être fort bons. M. le conseiller d'Etat Decoppel,

aujourd'hui conseiller fédéral, me disait lors de mon entrée en charge que je trouverais toujours au Département un soutien et un ami. Il a largement tenu sa promesse: je ne suis jamais sorti de son bureau avec un sentiment quelconque de déception ou d'amertume.

Et, puisque l'occasion m'en est offerte, je tiens à exprimer une fois de plus à notre ancien chef du Département notre reconnaissance à tous. M. Decoppet a occupé ses difficiles fonctions pendant douze ans. Non seulement il s'est préoccupé de tout ce qui nous concernait, intervenant dans nos affaires de la manière la plus heureuse, mais il a été l'intermédiaire actif entre notre institution et les conseils de notre pays. La tâche n'est pas toujours commode. Je suis sûr que le peuple vaudois, dans sa grande majorité, se rend compte que l'Université a pour lui des avantages, non seulement intellectuels, mais pratiques. Malheureusement, les Universités coûtent cher; on le constate partout, dans un petit pays agricole pius qu'ailleurs. Et quand M. le chef du Département de l'Instruction publique fait appel à de nouveaux crédits, ce n'est pas précisément avec une joyeuse ardeur qu'on lui répond. M. Decoppet a bravement payé de sa personne et, grâce, à son énergie, à sa grande autorité personnelle, nous avons toujours eu, sinon une nourriture très plantureuse, au moins le nécessaire de chaque jour.

Mais je suis persuadé que cette situation n'est pas près de finir et que mon successeur trouvera, auprès. du nouveau chef du Département, le même appui qui m'a été assuré en toutes circonstances. Car, M. le conseiller d'Etat Chuard, vous êtes des nôtres, et c'est pour nous un sujet d'orgueil que de vous voir figurer comme membre du pouvoir exécutif de notre pays. Vous le savez: voici longtemps déjà que notre peuple, dans sa sagesse, a décidé que le professeur devait se vouer tout entier à ses études et que la vue des cimes sereines de la science suffirait à son ambition; gare à lui s'il prétend s'occuper des affaires publiques: on lui rappellera bien vite qu'il n'a pas le droit d'y

entendre quelque chose. Heureusement que, si le professeur ordinaire est étroitement garrotté, l'extraordinaire reste libre. C'est ce qui vous a permis de devenir membre du Conseil national et du Grand Conseil vaudois. Vous avez montré que les questions les plus diverses vous étaient familières, que vous étiez à votre place comme législateur. Et nous sommes persuadés que, dans les hautes fonctions qui vous sont dévolues maintenant, non seulement le corps enseignant tout entier pourra compter sur votre sollicitude et votre bienveillance, mais que notre pays aura en vous un administrateur habile et un magistrat éclairé.

Une autre chose est restée pour moi immuable: c'est l'excellence des rapports avec mes collègues. J'ai trouvé dans les membres de la Commission universitaire des collaborateurs précieux : ils n'ont jamais refusé les services que je sollicitais de leur dévouement; nous avons travaillé ensemble dans une parfaite unité de vues. Mais cette courtoisie, cette amabilité, je les ai retrouvées chez tous les professeurs de l'Université; ils ont tous cherché à me faciliter la tâche; je crois bien que jamais une discussion ne s'est élevée avec aucun d'entre eux. Il y a là un état d'esprit qui fait honneur à notre institution. J'en exprime ma reconnaissance à tous; je souhaite qu'il en soit ainsi toujours. -

Et vous, Messieurs les étudiants, je tiens à vous dire aussi mou contentement. Sans doute, je n'ai pas la prétention de croire que j'ai toujours rempli vos voeux. Parfois l'un ou l'autre d'entre vous est venu me demander telle outelle chose que j'ai refusée net; et quand j'arguais de mon impuissance en invoquant les règlements, vous preniez volontiers un air un peu sceptique. Je suis resté en dessous de votre attente; je n'ai pas participé autant que vous l'auriez désiré à vos réunions et à vos fêtes. Mais vous vous êtes dit apparemment que le recteur était un homme occupé, car vous ne m'en avez témoigné aucun mauvais vouloir. Vous n'avez jamais cherché non plus à compliquer ma besogne et si,. dans l'ensemble, vous avez été contents de moi, j'ai été très satisfait de vous.

Nous nous quittons bons amis.

Pendant les deux années qui se sont écoulées, l'Université de Lausanne n'a fait que prospérer. Elle comptait, au semestre d'été dernier, 88 professeurs ordinaires et extraordinaires, 1056 étudiants et 173 auditeurs. Dans l'été 1910, elle avait 83 professeurs, 1018 étudiants et 169 auditeurs; Si je vous dis que, dans le premier semestre de son existence, soit dans l'hiver 1890-1891, les effectifs étaient de 54 professeurs, 216 étudiants et 105 auditeurs, vous pourrez vous rendre compte du chemin parcouru.

Ce développement n'a .d'ailleurs rien d'excessif: un établissement d'enseignement supérieur doit s'élargir dans ses cadres et grossir dans ses rangs. Il s'accroît, non pas proportionnellement à la population, mais en raison du désir de haute instruction qui va toujours augmentant. Il grandit aussi avec la science.

Pourtant la mort ne nous a pas épargnés au cours de ces deux ans.

Brusquement, alors que rien ne nous faisait prévoir un pareil malheur, M. Stilling, professeur érudit et consciencieux, savant modeste, collègue aimable, nous a été enlevé. Il restera longtemps dans notre mémoire tel qu'il était, avec son gentil sourire, quand il venait vers nous la main tendue.

L'Université a perdu, en M. le professeur Manuel, directeur de l'Ecole d'ingénieurs, un homme à qui une longue pratique de la vie active avait donné des idées arrêtées et une précieuse expérience. Entré sur le tard dans la carrière de l'enseignement, il n'avait travaillé avec nous que pendant quelques années; mais il s'était révélé un collaborateur dévoué et un administrateur excellent.

Nous avons fait une perte cruelle dans la personne de M. Dandiran; nous en gardons une tristesse dans le coeur. Il était un ami pour chacun de ses collègues, un père pour ses étudiants, une illustration pour la science et son étonnante

vieillesse provoquait l'admiration universelle. Il avait sa place dans nos plus anciens souvenirs, à nous qui avons fait nos études à Lausanne; il était notre doyen à tous; nous aurions voulu le garder toujours... Il s'est paisiblement endormi au soir de sa longue journée de travail.

La mort de M. .Forel a mis en deuil notre pays. Après vingt-cinq ans d'activité professorale, il avait voulu se consacrer tout entier à sa science ou à ses sciences; car, à côté de ses études lacustres, dont il avait créé la méthode, il s'occupait, tels les humanistes d'autrefois, à peu près de tout ce qui élève l'homme. et développe sa pensée. Il n'était plus chez nous que professeur honoraire; mais il nous restait attaché par les liens les plus étroits; il vivait avec nous et sa réputation universelle était pour nous un motif de gloire.

L'Université a déploré la mort de M. Bieler, qui, alors même qu'il ne figurait pas sur nos rôles, nous tenait de très près. Elle a perdu en la personne de M. Schenk un privat-docent dont les travaux en paléontologie attiraient l'attention du monde savant.

Et parmi nos étudiants aussi, chose qui ne devrait pas être, la mort a frappé. Je ne citerai que deux noms, deux accidents: M. Ronca, candidat en médecine, qui s'est tué un jour d'hiver sur une cime du Jura et un tout jeune homme, M. Albert Meyer, arrivé depuis peu à Lausanne, et plein d'enthousiasme pour notre nature, qui a été victime d'une chute aux Rochers de Naye. -

Plusieurs collaborateurs nous ont quittés: M. Hoffet est revenu à la pratique industrielle; M. Vallette, nommé par le gouvernement français professeur à. l'Université de Rennes, n'a pas cru devoir repousser cette occasion, de rentrer dans son pays; M. Burnier, appelé à diriger les écoles de Lausanne, a demandé un congé illimité; M. Brunhes a été nommé professeur au Collège de France et, le dernier sous mon régime, M. .Chuard, qui a renoncé a son enseignement de la chimie pour une place au Conseil

d'Etat. Deux privat-docents de la faculté de médecine, les docteurs Treyer et Marullaz, et un privat-docent en lettres M. Reymond, ont, pour des raisons personnelles, suspendu leur enseignement dans notre Université.

De nombreuses nominations ont eu lieu.

En théologie, M. Chavan, pasteur à Grandson, attaché depuis longtemps à la Faculté, comme chargé de cours, a été appelé à la tâche difficile de remplacer M. Dandiran.

Dans la Faculté de droit, des innovations importantes sont intervenues. Un nouveau professeur de langue allemande, M. Lewald a été chargé d'une partie du droit romain et du droit civil allemand. Un enseignement de droit administratif, depuis longtemps désiré, a été créé et confié à M. Rougier, auparavant professeur à Aix-en-Provence. M. Max de Cérenville a été appelé à faire un cours sur les assurances; il espère le commencer au semestre prochain.

Le domaine du haut enseignement grandit. Autrefois, il se confondait avec le Trivium et le Quadrivium qui conduisaient à la théologie. Il a absorbé depuis la jurisprudence, l'histoire, les sciences de la Nature dans leur immensité et bien d'autres choses encore. Aujourd'hui, il s'étend à toutes les circonstances de la vie: toute l'activité humaine doit avoir comme une explication ou consécration scientifique qui la précise, la développe, l'anoblit, si je puis dire.

Depuis longtemps, le Département de l'Instruction publique se préoccupait de donner une forme définitive à l'Ecole des sciences sociales et de créer, à l'instar d'autres villes universitaires, une Ecole de hautes études commerciales. L'article de loi concernant ces deux institutions a été voté par le Grand Conseil.

L'Ecole des sciences sociales fonctionnait depuis plusieurs années comme une annexe des Facultés de droit et des lettres. Elle a réorganisé son plan d'études et s'est donné un nouveau règlement; elle sera désormais rattachée à la Faculté de droit.

Dans le domaine des hautes études commerciales, tout était à créer. L'école a commencé de vivre dans le semestre d'hiver 1911-1912. Elle avait deux professeurs: M. Morf, chargé de la direction et de l'enseignement de la comptabilité et de la technique commerciale; M. Paillard, qui traitait de l'économie commerciale. Pour le reste, les élèves suivaient les cours des Facultés de droit et des lettres. Depuis, le champ de l'enseignement des deux premiers professeurs a été élargi; des nominations nouvelles ont eu lieu: MM. Stockmar et Blaser ont été chargés, avec le titre de professeurs, l'un d'un cours sur l'organisation générale des transports, tarifs, etc., l'autre de l'histoire de l'enseignement commercial. De plus, M. de Félice enseignera les éléments du droit maritime et M. Cordey fera un cours de législation douanière. Les élèves viennent assez nombreux et tout fait présager que la nouvelle école, qui est aussi une section de la Faculté de droit, va au-devant d'un brillant avenir.

En médecine, M. Beitzke, précédemment privat-docent à l'Université de Berlin, occupe la chaire d'anatomie pathologique à la place de M. Stilling.

Dans la Faculté des lettres, M. Olivier a été appelé à remplacer M. Vallette, comme professeur de langue et de littérature latines; M. Delhorbe a été également nommé professeur extraordinaire de cette branche; M. Hausknecht, avec le même titre, complète M. Maurer dans l'enseignement de la littérature anglaise.

La Faculté des sciences a commencé d'appliquer un un nouveau règlement concernant la préparation des chimistes-analystes. M. Perrier, assistant à Leyde, a été chargé du cours de physique générale pour lequel, depuis la grande perte que nous avons faite en la personne de M. H. Dufour, aucun titulaire n'avait été désigné. M. Lacombe remplace M. Manuel comme directeur de l'Ecole d'ingénieurs. M. Cochand, appelé de Winterthour, assure l'enseignement de la mécanique industrielle laissé vacant par le départ de M. Hoffet,

Plusieurs hommes, les uns déjà connus de nous, les autres nouveaux venus, ont reçu le titre de privat-docents: M. Périraz, en théologie; MM. Preisig, de Montet, Popoff, en médecine; MM. Biermann, Gilliard, Geissler, en lettres; M. Duboux, en sciences; M. Cacciapuoti a, de plus, été autorisé à faire un cours de littérature italienne.

L'Université a bénéficié de divers legs: de MM. Marc Dufour, qui a créé un nouveau prix à la Faculté de médecine, et Forel, entre autres; M. J.-J. Mercier a affecté une somme importante à l'observatoire que I'Etat se propose de créer. Elle a reçu plusieurs dons de livres et deux bibliothèques complètes: celles de M. de Coppet, à Nice, et de notre regretté collègue, M. Stilling.

Je trouve ces générosités tout à fait normales et j'ose le dire, alors même que je ne me sens aucune vocation particulière pour tendre la main: je les voudrais plus fréquentes. On est trop tenté, chez nous, de considérer l'Université comme un établissement exclusivement scientifique qui n'a que de lointains rapports avec notre vie nationale. On ne se rend pas assez compte que, pendant des siècles, notre vieille Académie a été le seul centre intellectuel et moral de notre pays inconscient et que, si la réputation de la ville de Lausanne atteint les contrées les plus éloignées, c'est avant tout à son Université qu'elle le doit. Un honorable habitant de Philadelphie, qui me voyait m'esbahir en face des superbes collections de sa cité, me disait un jour: «Vous savez, il y a beaucoup de quakers chez nous; alors, comme ils ne peuvent dépenser les intérêts de leurs fortunes, ils sont obligés de donner». A Lausanne, les quakers manquent, malheureusement; est-ce pour cela que les bienfaiteurs ne sont pas plus nombreux?

Nous sommes restés en rapports avec les Universités suisses dans les réunions de délégués et les assemblées de recteurs. De l'étranger, nous avons reçu de nombreuses

invitations. L'Université s'est fait représenter à deux jubilés, à Breslau et à Christiania. Dans d'autres occasions, elle s'est bornée à exprimer par des adresses ses félicitations et ses voeux. Elle en a envoyé à Rennes, à Londres, à Dublin, à Athènes, à Houston au Texas, et dans quelques autres lieux. De même, elle a accrédité plusieurs de ses professeurs à des congrès de savants en Europe et en Amérique.

Cela encore est normal et nous devons nous réjouir de constater que, tandis que les oppositions politiques semblent croître au lieu de s'apaiser et que la guerre gronde au loin, la science ne connaît pas de frontières: elle est internationale et le restera toujours.

Enfin l'Université a cru devoir récompenser quelques travailleurs et savants en leur accordant la plus haute distinction dont elle dispose. C'est ainsi que, à l'occasion de ses 70 ans, elle a décerné le titre de docteur honoris causa à l'historien distingué et à l'homme excellent qu'était M. le professeur Rahn, de Zurich. Lors des fêtes qui ont célébré le quatrième anniversaire centenaire de la naissance du réformateur Pierre Viret, elle a également nommé docteurs MM. Fulliquet, professeur à Genève, Jacques Cart, ancien pasteur, et Baehler, privat-docent à l'Université de Berne, connus tous. trois par leurs travaux sur l'histoire ecclésiastique de notre pays. -

C'est fini... Je crois avoir retracé les principaux traits de notre vie universitaire depuis cieux ans. Peut-être ai-je oublié des noms, peut-être, parmi mes auditeurs, quelqu'un m'en veut-il d'avoir négligé un fait qui m'aura paru secondaire, mais qui, pour lui, a une importance capitale. Si c'est le cas, je vous prie d'attribuer cela, non pas à la malignité de mon coeur, mais à un défaut de mémoire ou à une divergence dans la conception des choses.

Maintenant, j'en arrive à ce qui devrait être l'objet principal de ce discours. Le règlement général de l'Université dit à l'article 61: «Le recteur représente l'Université. Il est

présenté aux étudiants par l'ancien recteur en séance publique du Sénat.»

Il faut que le règlement m'impose ce devoir pour que je m'exécute. Car, M. le professeur de Félice, vous n'êtes pas de ces hommes qu'on présente. A l'âge où nous étions encore de fort petits garçons, vous étiez déjà considéré comme une intelligence et un caractère. Vous aviez des opinions et une volonté. Vous écriviez dans les journaux, ce qui faisait notre admiration à tous. Et ceux qui vous prédisaient un bel avenir ont constaté, en suivant votre brillante carrière d'avocat et de professeur, qu'ils avaient eu raison.

Pourtant, j'ai quelque chose à dire de vous; car, mon cher collègue et ami, nous nous connaissons depuis longtemps; nous avons passé de bonnes heures ensemble; je suppose que nous n'avons pas beaucoup de secrets l'un pour l'autre. Vous n'avez certes pas recherché l'honneur qu'on vous a fait en vous nommant recteur; vous avez considéré cela comme un devoir, j'allais dire comme une corvée. Mais je n'ai pas d'inquiétude: vous avez toujours accompli avec conscience la tâche une fois entreprise; vous saurez nous diriger; vous êtes à votre place à la tête de notre institution. Mieux que cela! Je ne sais si le recteur peut accomplir beaucoup de mal; mais il peut faire du bien. Parfois il suffit d'une marque d'intérêt, d'un encouragement, d'un mot heureusement placé pour mettre de l'ardeur dans une âme et inspirer la volonté. Ces occasions, vous ne les manquerez pas; vous êtes de ceux qu'on apprécie d'autant plus qu'on les connaît mieux; vous avez la bienveillance qui agit et vous savez travailler pour les autres.

Messieurs les étudiants, vous pourrez toujours aborder M. le recteur de Félice avec confiance, bien sûrs qu'il prendra à coeur vos intérêts et que, pour vous, il ne ménagera ni son temps, ni ses forces.

Je termine par un aveu. Depuis quelques jours, chacun me félicite; on me dit: «Comme vous devez être heureux d'en avoir fini!» Heureux, certes je le suis; comme un homme qui a déposé un fardeau. Mais les derniers jours d'un rectorat inspirent un vague sentiment de tristesse. Pendant deux ans, j'ai connu l'honneur de présider une république active, unie, libérale aussi, et, au moment d'achever le dernier acte et de descendre de cette tribune, une phrase que je lisais un jour au frontispice d'une autobiographie obsède ma mémoire: «Ecce enim breves anni transeunt et semitam per quam non revertar ambulo.»

Mais l'impression sera passagère: il me reste un champ d'activité assez beau. Et nous, les recteurs, nous ne sommes que les serviteurs d'une oeuvre qui dure. Tour à tour, nous montons notre garde; après nous vient un autre, et puis un autre encore. Chacun a ses idées, ses méthodes; mais chacun agit pour le mieux, donne le plus clair de lui-même. Plus tard, quand je m'égarerai au fond du grand vestibule de l'édifice de Rumine jusque devant la porte du bureau qui a été le mien durant deux ans, ce sera avec un sentiment de sécurité entière que je me dirai: «Il y a là quelqu'un qui travaille et la maison est bien menée.»