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RAPPORTS DU RECTEUR ET DES JURYS

PRÉSENTATION DU NOUVEAU RECTEUR

GENÈVE
IMPRIMERIE ALBERT KUNDIG

RAPPORT DU RECTEUR POUR L'ANNÉE 1929-1930 PAR

par M. le professeur Charles WERNER

EN prenant ici la parole pour retracer la marche de l'Université pendant l'année qui vient de s'écouler, je me trouve malheureusement dans l'obligation de rappeler les pertes très graves que nous avons faites. Cette année, comme l'année précédente, notre Université a déploré le décès de quelques-uns de ses maîtres les plus éminents.

C'est surtout la Faculté de Médecine, déjà si éprouvée l'année dernière par le décès des professeurs Humbert et Jaques Reverdin, qui a été frappée, en la personne de trois professeurs en pleine activité: MM. Amédée Pugnat, Edouard Long et Oscar Beuttner, et d'un professeur honoraire: M. Louis Bard.

M. Amédée Pugnat était né à Genève le 1er septembre 1874. Après avoir pris à notre Université le grade de docteur en médecine, il fut assistant au laboratoire d'histologie, puis au laboratoire de médecine légale; il passa ensuite par la Maternité, la clinique médicale et la policlinique chirurgicale. Après avoir fait des stages dans les hôpitaux de Bruxelles, de Lyon et de Bordeaux,

il se voua à l'oto-rhino-laryngologie, et fut nommé, en 1916, professeur ordinaire pour cette partie de la médecine. Son enseignement, clair et substantiel, était extrêmement apprécié des étudiants, et les malades qu'il a soignés gardent de lui le souvenir le plus reconnaissant. Ses publications l'avaient fait connaître au loin. L'Université a perdu en lui un maître dont elle était en droit d'attendre encore beaucoup.

Né à Genève le 17 juillet 1868, M. Edouard Long, après avoir fait à notre Faculté ses premières études de médecine, fut à Paris l'élève du professeur Dégerine, et c'est à Paris qu'il publia, en 1899, sa thèse de doctorat sur l'anatomie des centres nerveux. Dès l'année suivante, en 1900, ii enseigna comme privat-docent à notre Université, où il fut nommé, en 1919, professeur extraordinaire de neuro-pathologie. Sa conscience scientifique, d'une extrême délicatesse, faisait l'admiration de tous ceux qui le voyaient à l'oeuvre. Il avait d'ailleurs trouvé en la personne de Madame Long, elle-même docteur en médecine, une parfaite collaboratrice. La brusque disparition de cet homme d'une si rare distinction a produit dans l'Université et dans le monde médical de notre ville le chagrin le plus sincère.

M. Oscar Beuttner occupait à notre Université, depuis 1907, la chaire de clinique obstétricale et gynécologique. Né à Bischofszell, dans le canton de Thurgovie, le 26 juin 1866, il avait fait ses études médicales à l'Université de Zurich, puis s'était établi à Genève, où il enseigna dès 1896 comme privat-docent à la Faculté de Médecine. Fondateur de la Gynaecologia Helvetica, auteur de nombreuses publications très estimées, plein d'enthousiasme pour son enseignement, le professeur Beuttner était très aimé de ses collaborateurs et des étudiants, et l'hommage qui lui a été rendu lors de ses obsèques a été singulièrement émouvant.

A ces trois décès est venu s'ajouter celui de M. Louis Bard, professeur honoraire. Né à Mens (Isère), le 10 mai 1857, M. Bard fit ses études de médecine à l'Université de Lyon, où il fut nommé professeur d'hygiène en 1895. Quatre ans plus tard, en 1899, il fut appelé à la chaire de

clinique médicale de notre Université, devenue vacante par la démission du professeur Léon Revilliod. Ses leçons, portées par un don de parole incomparable, et révélant une science complètement maîtresse de son objet, en même temps qu'une originalité de pensée singulièrement féconde, ont fait l'admiration des générations d'étudiants qui se pressaient pour l'entendre dans l'amphithéâtre de la clinique médicale. Le souvenir de cet enseignement restera comme l'un des plus beaux titres de gloire de notre Université. D'autre part, ses nombreuses publications étendaient au loin sa renommée. Après la guerre, en 1919, ii fut appelé à Strasbourg, où il enseigna pendant deux ans. Il accepta ensuite de revenir à Lyon, pour y occuper la chaire de clinique médicale. Atteint par la limite d'âge, il se retira à Paris. C'est dans cette ville qu'il est mort, le 21 février. Il avait été nommé, en 1920, professeur honoraire de notre Université, à laquelle il resta fidèlement attaché. De notre côté, nous garderons sa mémoire avec une profonde reconnaissance.

Je dois mentionner encore le décès, survenu l'été dernier, du grand physicien Raoul Pictet. Né à Genève, le 4 avril 1846, Raoul Pictet avait appartenu comme professeur de physique à notre Faculté des Sciences de 1879 à i886. Il fut le premier de nos docteurs honoris causa. Ses travaux et ses découvertes lui avaient valu une renommée universelle: qu'il me suffise de rappeler ses recherches sur la liquéfaction des gaz, et particulièrement sur la liquéfaction de l'oxygène. Notre Université est heureuse de posséder son buste, oeuvre du sculpteur Sarkissof, qui nous a été remis le 17 mai, et qui marquera dans notre galerie le souvenir d'un homme qui a fait grandement honneur à Genève.

Nous avons eu, de plus, à déplorer le décès de trois privat-docents ou anciens privat-docents, tous trois à la Faculté de Droit: M. Frédéric De Rabours, qui avait fait des cours très appréciés sur l'éloquence judiciaire; M. Albert Caleb, qui donnait un cours sur les sociétés civiles et commerciales, et dont l'enseignement figurait sur nos programmes depuis vingt ans; M. Alphonse de Heyking, ancien consul général de Russie à Londres,

qui donnait depuis quelques années un enseignement sur certaines matières de droit international public.

Enfin, nous avons eu le chagrin de perdre trois étudiants. Le premier, Pierre Chapuisat, est mort accidentellement au mois d'août. Etudiant à la Faculté de Droit, il s'était attiré la cordiale estime et l'amitié de ses professeurs et de ses camarades par son entrain au travail, par sa nature ouverte et loyale, qui faisait à la vie les plus belles promesses. Sa mort a causé parmi nous une très vive émotion, d'autant plus que son père, M. Edouard Chapuisat, directeur du Journal de Genève et président de l'Association des anciens étudiants de l'Université, est l'un des meilleurs amis de notre maison, à laquelle il a rendu des services éminents. Au mois de février, nous avons perdu Mile Elsa Panzera, du Tessin, étudiante à l'Ecole de Pharmacie, et au mois de mars, M. Ladislas de Renyi, Hongrois, étudiant à la Faculté de Droit, où les qualités exceptionnelles de son intelligence avaient été remarquées par ses professeurs. Nous avons exprimé, comme nous le pouvions, aux familles de ces étudiants notre profonde sympathie, tout en sentant combien nos paroles étaient impuissantes en face d'une aussi grande douleur.

Pendant cette année, nous avons enregistré, à notre très grand regret, la démission de trois professeurs: MM. Eugène Borel, Charles-Eugène Guye et Charles Seitz. M. Borel, qui enseignait depuis vingt-trois ans à la Faculté de Droit, occupait depuis 1914, avec une exceptionnelle autorité, la chaire de droit international. A l'occasion de sa retraite, la Faculté de Droit a organisé un dîner, qui a eu lieu le 8 mars, où le recteur, après le doyen de la Faculté, a exprimé à notre collègue les très vifs regrets que nous cause son départ, et toute la reconnaissance de l'Université. M. Ch.-Eug. Guye était depuis trente ans professeur de physique expérimentale, et ses travaux l'avaient placé au premier rang des physiciens de notre temps. M. Seitz était, depuis 1899, professeur d'histoire ancienne et contemporaine, et il avait rendu à la Faculté des Lettres des services éminents. Tous deux se sont

retirés pour raison de santé; nous n'avons pas manqué de leur exprimer le chagrin que nous en éprouvions, ainsi que notre gratitude la plus sincère. Nos trois collègues ont été nommés par le Conseil d'Etat professeurs honoraires de l'Université, et nous sommes heureux de penser qu'ils restent attachés à notre maison, qui leur est tellement redevable.

Tout récemment, M. le professeur Rappard, absorbé par la direction de l'Institut de hautes études internationales, aux destinées duquel il préside si brillamment, nous a informé qu'il se voyait obligé de renoncer à une partie de son enseignement. Il se dispose à abandonner l'enseignement de l'histoire économique, qu'il ne donnait plus depuis deux ans et pour lequel il était remplacé par M. Babel, en qualité de chargé de cours. Tout en regrettant cette décision, sur laquelle nous n'avons pas pu le faire revenir, mais dont nous comprenons fort bien les raisons, nous nous félicitons de conserver M. Rappard comme professeur de finances publiques, et aussi pour le cours qu'il donne avec un succès éclatant sur la Société des Nations. Nous n'avons pas besoin de dire combien nous tenons à sa collaboration, qui est une des meilleures forces de notre Université.

En remplacement de M. Borel, c'est M. Georges Scelle, professeur à l'Université de Dijon, qui a été appelé à la chaire de droit international; notre Université est heureuse d'avoir pu s'attacher ce juriste éminent, qui est un des spécialistes les plus distingués du droit international. La chaire de physique, laissée vacante par la démission de M. Guye, a été partagée en deux chaires ordinaires: une chaire de physique expérimentale, à laquelle a été appelé M. Jean Weiglé, professeur à l'Université de Pittsbourg, et une chaire de physique mathématique, à laquelle a été appelé M. Arthur Schidlof, qui enseignait déjà à notre Université, avec une grande distinction, comme professeur extraordinaire. D'autres nominations encore sont intervenues. A la Faculté des Lettres, M. Albert Sechehaye a été nommé professeur extraordinaire de grammaire historique, et M. Georges Thudichum professeur extraordinaire de

phonétique pratique; ces deux enseignements ont été détachés, le premier de la chaire de linguistique, le second de la chaire de philologie française moderne. A la Faculté des Sciences économiques et sociales, M. Claudius Terrier a été nommé professeur extraordinaire d'économie commerciale. A la Faculté de Droit, MM. Edmond Pittard et Paul Carry, chargés de cours, ont été nommés professeurs extraordinaires de droit commercial, la chaire de droit commercial ayant été scindée en deux. A la Faculté de Médecine, enfin, M. René Koenig a été nommé professeur ordinaire de gynécologie et d'obstétrique. Nous nous réjouissons de toutes ces nominations, qui nous permettent d'envisager l'avenir avec une entière confiance.

Ont été confirmés pour une nouvelle période de trois ans dans leurs fonctions de professeur extraordinaire: MM. Dmitry Mirimanoff et Paul Wenger, à la Faculté des Sciences; Pierre Gautier et Charles Julliard, à la Faculté de Médecine.

Deux nouveaux chargés de cours ont été nommés cette année, tous deux à la Faculté des Sciences: M. Edouard Paréjas pour la géologie spéciale, et M. André Chaix pour la topographie expéditive. De plus, ont été confirmés dans leurs fonctions de chargé de cours: MM. Albert Thibaudet, Edmond Privat et Serge Karcevski, à la Faculté des Lettres; Charles Valencien, à la Faculté des Sciences.

Quinze nouveaux privat-docents ont été autorisés à annoncer un cours. Ce sont Mile Kitty Ponse, MM. Jean Baer, Radu Badescu, Alfred Georg, Adrien Javet, Henri Paillard, William Schopfer et Bernard Susz, pour la Faculté des Sciences; MM. Edouard Cros, Emmanuel Isnard et Marcel Raymond, pour la Faculté des Lettres; Mlle Jeanne Duprat, MM. Laszlo Ledermann et Henri Tanner, pour la Faculté des Sciences économiques et sociales; M. Jacques Mozer, pour la Faculté de Médecine.

Plusieurs professeurs se sont vus obligés, pour raison de santé, de demander à être mis en congé. Tel a été le cas, avant leur démission, pour MM. Seitz et Guye. M. Seitz

a été remplacé, pour le cours d'histoire contemporaine, par le professeur Edmond Rossier, de l'Université de Lausanne, qui nous a apporté son précieux concours avec la plus grande amabilité; nous tenons à lui en exprimer notre très vive reconnaissance. D'autre part, le professeur André Oltramare a bien voulu consacrer à l'histoire ancienne un cours et une conférence. Quant à M. Guye, il a été remplacé par M. Schidlof, dont nous avons annoncé, d'autre part, la nomination comme professeur ordinaire. Tout récemment, le professeur Kummer, de la Faculté de Médecine, a dû demander un congé de deux mois, et la charge de le remplacer a été confiée au professeur Julliard. A la Faculté de Théologie, le professeur Breitenstein, tombé gravement malade vers la fin de l'hiver, a été remplacé par ses collègues, MM. Eugène Choisy et Auguste Gampert, et par M. Charly Clerc; pour l'hiver prochain, la Faculté s'est adressée à M. Victor Baroni, bachelier en théologie de notre Université et pasteur à Moudon, qui viendra résider à Genève pendant le temps de son enseignement. De plus, le professeur Eugène Choisy, devant subir une opération, a dû suspendre son enseignement depuis le commencement du semestre d'été; il a été remplacé, dans ses fonctions de doyen et pour une partie de son enseignement, par le professeur Ernest Rochat, et pour une autre partie de son enseignement, par le pasteur Robert Werner.

D'autres professeurs ont obtenu, pour diverses raisons, des congés partiels. M. Amé Pictet a été remplacé, au semestre d'hiver, pour le cours de chimie inorganique, par M. Emile Cherbuliez. Comme nous l'avons dit, M. Rappard a été remplacé, pour le cours d'histoire économique, par M. Antony Babel. M. Meumann, ayant été obligé, pour raison de santé, de se décharger d'une partie de son enseignement, a été remplacé, au semestre d'hiver, pour le cours de droit civil suisse, par MM. Pittard et Carry. — Nous devons mentionner encore que M. Léon Collet, chargé d'un enseignement à l'Université de Harvard, a été remplacé, pendant une partie du semestre d'hiver, pour l'enseignement de la géologie, par MM. Paréjas et Jayet. Relevons enfin que M. Albert

Malche, retenu par ses hautes fonctions de président du Département de l'Instruction publique, a été remplacé, pour l'enseignement de la pédagogie, successivement par MM. Jules Dubois et Jean Piaget.

Le recteur a représenté l'Université aux fêtes du VIIme centenaire de l'Université de Toulouse, qui ont eu lieu au mois de juin, immédiatement après le dernier dies academicus. C'est à Toulouse, lors de la cérémonie solennelle de remise des adresses dans l'église des Jacobins, qu'a été arboré pour la première fois le nouvel insigne, aux armes de Genève, que porteront désormais à l'étranger les représentants de notre Université. Le recteur s'est rendu également à Paris, au mois de décembre, pour les fêtes du centenaire de la Revue des Deux-Mondes, qui ont été particulièrement brillantes: l'adresse de notre Université a été publiée en très bonne place dans le beau volume consacré à ces fêtes. — Plusieurs de nos professeurs ont été appelés au loin pour faire des conférences, ou ont été l'objet de distinctions honorifiques. Nous ne donnons pas lecture de la partie de notre rapport contenant l'énumération de ces appels et de ces distinctions. Contentons-nous de dire que nous nous réjouissons de la haute estime dans laquelle nos collègues sont tenus en Suisse et à l'étranger. C'est avant tout par la réputation de ses professeurs qu'une Université peut attirer des étudiants toujours plus nombreux. Il nous plaît de constater que par leur enseignement et leurs publications, les membres de notre corps enseignant font la meilleure propagande pour l'Université de Genève.

A propos des missions dont nos collègues ont été chargés, nous tenons à rappeler que c'est le professeur Paul Logoz qui a plaidé pour la Suisse, l'été dernier, dans l'affaire des zones, devant le tribunal de La Haye. Vous savez tous avec quel talent magistral, et quel succès, il s'est acquitté de cette tâche. Nous devons ajouter qu'il a été soutenu par la science historique de M. Paul-Edmond Martin, qui a été pour lui le conseiller le plus sûr. Rappelons aussi le rôle important qu'a joué dans ce débat, pour l'élucidation des questions de droit international, le professeur Walter Burkhardt, de l'Université

de Berne. Il est bon que les professeurs universitaires, lorsque l'occasion s'en présente, mettent leur science au service du pays, et nous remercions nos collègues de l'avoir fait d'une manière aussi brillante.

Nous avons conféré cette année trois doctorats honoris causa. Les deux premiers, décernés par la Faculté des Lettres, ont été remis, au dernier dies academicus, à M. Edouard Favre, l'éminent historien genevois, et à M. Frédéric Gardy directeur de la Bibliothèque publique et universitaire, auquel nous avons été heureux de témoigner la reconnaissance de l'Université pour tous les services qu'il nous a rendus. Le troisième a été décerné, par la Faculté des Sciences économiques et sociales, à S. M. Fouad 1er, roi d'Egypte, qui visita notre pays au mois de juillet. Nous avons voulu reconnaître par là tout ce que le roi a fait pour le développement de la science, et l'amitié sincère qu'il a toujours témoignée à la Suisse et particulièrement à Genève, où il résida dans sa jeunesse. Le recteur eut l'honneur de lui remettre son diplôme au cours d'une séance où il fut reçu par le Conseil d'Etat.

A la suite de la séance solennelle, qui a eu lieu l'année dernière, pour célébrer le centenaire de la naissance de Victor Cherbuliez, nous avons reçu, de l'Association franco-suisse à Paris, un portrait du grand écrivain. D'autre part, Mlle Charlotte Ritter nous a remis un portrait, dû à son propre crayon, de son père, le regretté professeur Eugène Ritter. Nous avons déjà mentionné le buste de Raoul Pictet, qui nous a été offert par le sculpteur, M. Sarkissof, avec l'aide d'un comité groupant des amis et des admirateurs de l'illustre physicien. Enfin, Mme Jaques Reverdin nous a fait don du buste de son mari, dû au sculpteur Cari Angst, que nous pourrons bientôt installer dans notre galerie. Nous remercions tous ces donateurs, et nous les assurons que nous garderons pieusement les souvenirs qu'ils nous ont confiés.

Nous devons signaler une communication qui nous a été faite par la Fondation pour la recherche scientifique de l'Université de Zurich. Le président de cette fondation,

le professeur Fleiner, nous a avisé que M. et Mme Escher-Abegg avaient remis à la Fondation une somme de 250.000 francs, dont les intérêts doivent servir à subventionner des travaux scientifiques de grande envergure entrepris par des membres du corps enseignant ou par des étudiants des universités suisses. Il est entendu que ce ne sont pas seulement les professeurs et les étudiants de l'Université de Zurich, mais également les professeurs et les étudiants des autres universités suisses qui pourront bénéficier des subventions offertes par le Fonds Escher-Abegg. Je tiens donc à signaler cette possibilité à l'attention de mes collègues et des étudiants de notre Université.

Mentionnons enfin que notre Université a eu l'honneur d'être choisie comme siège, pour l'année 1930, de la conférence des recteurs des universités suisses.

Nous avons lieu d'être satisfaits du nombre de nos étudiants. Il s'est élevé aux chiffres suivants: pour le semestre d'hiver, 925 étudiants et 369 auditeurs, ce qui donne un total de 1294; pour le semestre d'été, 1072 étudiants et 243 auditeurs, ce qui donne un total de 1315. Nous enregistrons avec plaisir le fait que plusieurs gouvernements étrangers nous envoient des boursiers.

La séance solennelle de rentrée a eu lieu le 28 octobre. Après que le recteur eut salué les étudiants et leur eut adressé quelques paroles d'encouragement, nous eûmes le privilège d'entendre une magistrale conférence de M. Eugène Pittard, doyen de la Faculté des Sciences, intitulée: «Les races et l'histoire: un chapitre nouveau de la pierre taillée». D'autre part, nous avons eu, au commencement de chacun des deux semestres, la séance de réception des nouveaux étudiants, où le recteur, après avoir prononcé une brève allocution, a serré la main de chacun des quelque trois cents étudiants qui ont défilé devant lui. Au semestre d'hiver, cette séance a été suivie, le même jour, d'une soirée organisée par le Comité de patronage des étudiants; comme les années précédentes, le professeur Thudichum en fut l'animateur et la conduisit à un plein succès; elle se prolongea par un

bal, qui ouvrit fort joyeusement le temps des études. Ce bal fut d'ailleurs suivi, au cours de l'hiver, par beaucoup d'autres, organisés par les diverses sociétés d'étudiants. Le recteur, très aimablement invité à ces manifestations, s'est fait un plaisir de s'y associer tout au moins par sa présence, sinon par une participation chorégraphique vraiment effective. Parmi tous ces bals, mentionnons celui de l'Association générale des étudiants, qui a été très brillant, et qui a produit une somme importante en faveur du Sanatorium universitaire international et du Foyer des étudiants. Outre les bals, la plupart des sociétés d'étudiants ont organisé, comme d'habitude, des représentations théâtrales, qui toutes ont fort bien réussi. Un éclat particulier a été revêtu par la représentation d'Hernani, que la Société de Belles-Lettres a donnée en l'honneur du centenaire du romantisme.

L'Association générale des étudiants a déployé cette année une grande activité. Non contente du succès de son bal, auquel je viens de faire allusion, elle a organisé, il y a quelques semaines, une garden-party universitaire, qui a eu lieu au Parc des Eaux-Vives, et qui a très bien réussi. Cette fois encore, le produit de la journée était réservé au Foyer des étudiants. D'autre part, l'A. G. a élaboré le projet d'un Office d'entr'aide universitaire, qui est destiné à rendre les plus grands services. Nous nous plaisons à constater le bel entrain et l'esprit de solidarité qui anime les dirigeants de l'Association générale des étudiants, et nous leur en exprimons nos félicitations les plus sincères. —Mentionnons ici qu'il vient de se constituer, à côté de l'A. G., un nouveau groupement de sociétés d'étudiants: le Conseil des délégués des sociétés portant couleurs, dont le but est d'établir une cohésion plus étroite entre lesdites sociétés.

Parmi les manifestations organisées par les étudiants, je dois mentionner la cérémonie qui s'est déroulée le 15 mars, jour de la fête nationale hongroise, devant le monument de Bocskay, au mur des Réformateurs: le recteur y rendit hommage au grand patriote hongrois, et fut heureux d'exprimer les sentiments d'estime et d'amitié que nous avons pour la nation hongroise, qui a

donné tant de gages à la cause de la liberté. De son côté, la Société de Zofingue, toujours attentive aux anniversaires patriotiques, a célébré les fêtes de l'Escalade et du 1er juin par des banquets. Celui du ,er juin a coïncidé avec l'inauguration de la nouvelle maison zofingienne; le recteur eut le privilège d'y prendre la parole au nom de l'Université et d'exprimer à la Société de Zofingue nos félicitations et nos voeux les plus sincères.

Puisque nous parlons de la Société de Zofingue, nous devons mentionner un incident qui s'est produit le jour de l'Escalade. Un certain nombre de Zofingiens, parmi les plus jeunes membres de la Société, ont pénétré dans le bâtiment de l'Ecole secondaire des jeunes filles, à la rue d'Italie, et y ont soulevé du désordre. Nous avons naturellement blâmé cette manifestation, et, comme sanction, la Société de Zofingue s'est vu infliger la suspension pour un mois du port de ses couleurs. Je me hâte d'ajouter que les Zofingiens se sont conformés à cette mesure dans un excellent esprit. Aussi tout le monde a-t-il été heureux de voir réapparaître les casquettes blanches, auxquelles nous souhaitons la plus belle floraison.

Une autre difficulté, beaucoup plus malaisée à résoudre, nous est venue de la Société des étudiants bulgares Bratstwo. Par suite d'un différend qui s'était élevé dans son sein, cette société s'est trouvée divisée en deux groupes, dont l'un avait expulsé l'autre. Averti de ce différend, le Bureau du Sénat déclara que la Société serait suspendue jusqu'au règlement du conflit. Malheureusement, les tentatives que nous avons faites pour arriver à un règlement sont restées vaines, par suite de l'obstination de l'un des deux groupes adverses. Nous avons fait successivement deux propositions d'arbitrage, qui toutes deux ont été repoussées par ce groupe. L'autre groupe, au contraire, celui qui avait été expulsé de la Société, a fait preuve, envers les autorités universitaires, d'une déférence à laquelle nous tenons à rendre hommage. Dans ces conditions, nous n'avons pu que maintenir la suspension de la société. L'affaire a d'ailleurs été portée devant les tribunaux, dont il faut attendre le verdict.

Pour notre part, nous déplorons la disparition momentanée de Bratstwo. Cette société avait célébré l'année dernière le 50me anniversaire de sa fondation, et nous avions pu alors la féliciter de la belle carrière qu'elle avait faite à notre Université, où les étudiants bulgares étaient particulièrement appréciés. Nous espérons que le jour viendra bientôt où Bratstwo reprendra parmi nous la place qui lui appartient.

Nous continuons à suivre avec une grande sympathie les efforts de la Société Sportive de l'Université. Cette société se donne beaucoup de peine pour développer chez nos étudiants le goût des exercices physiques. Son comité se plaint de ne pas trouver un appui suffisant auprès des étudiants genevois: ce sont surtout les Suisses d'autres cantons et les étrangers qui prennent part aux manifestations qu'elle organise. Pour encourager le sport universitaire, l'Office des sports de l'Union nationale des étudiants suisses a établi un «insigne sportif académique», que l'on obtient en subissant une épreuve dans six sports choisis par le candidat; nous espérons que ce nouvel emblème trouvera des porteurs à notre Université. La Société Sportive organise pour le dimanche 22 juin une Journée universitaire, dans laquelle se disputeront divers championnats. De plus, elle a l'ambition de faire triompher les couleurs de notre Université aux championnats universitaires de Bâle, qui auront lieu les 28 et 29 juin. Nous félicitons et nous remercions le comité de la Société Sportive, et particulièrement son directeur, le docteur Brandt, qui se consacre à nos étudiants avec le plus grand dévouement.

L'échange d'étudiants avec les Etats-Unis d'Amérique s'est développé d'une manière très heureuse. La bourse Albert Gallatin, due pour une moitié à la générosité de la Société Académique, a été décernée cette année pour la première fois. Son titulaire est une jeune Américaine, Mlle Lackman, qui est venue à Genève pour étudier le droit international et l'oeuvre de la Société des Nations. Très bien préparée au point de vue scientifique et sachant le français presque comme une langue maternelle, elle nous a donné complète satisfaction;

nous espérons qu'elle aura retiré un réel profit de son année d'études à Genève. Pour la bourse de la Faculté de Médecine, les choses se sont présentées, au début, d'une manière moins favorable, car le jeune Américain qu'on nous avait envoyé ignorait complètement le français, et se trouvait fort gêné pour suivre l'enseignement qui lui était offert. Cependant, grâce à la bonne volonté de tous, ces difficultés ont été surmontées; notre hôte a été vivement intéressé par tout ce qu'il a vu dans le service du professeur Roch; il s'est familiarisé notamment avec l'appareil pour l'enregistrement graphique des bruits du coeur, dû au génie inventif de deux étudiants genevois, MM. Pierre Duchosal et Robert Luthi. Lorsqu'il nous a quittés, à la fin du semestre d'hiver, il a pu écrire que les mois qu'il avait passés à Genève compteraient parmi les plus beaux de sa vie; tout est donc bien qui finit bien. D'autre part, nous avons d'excellentes nouvelles de ceux de nos étudiants qui se trouvent maintenant dans les universités américaines. Nous nous félicitons de l'établissement de cet échange, et nous en attendons les meilleurs résultats pour notre Université.

Nous avons mentionné, l'année dernière, le legs de 60.000 francs fait à notre Université par un ancien officier de l'armée impériale russe, M. de Soukozanette. Les intérêts de ce fonds doivent être employés à subvenir aux frais d'études d'étudiants de nationalité russe et de religion orthodoxe. Nous nous sommes trouvés en mesure, au commencement du semestre d'été, de décerner une bourse de 1500 francs pour les prochains six mois. Quatre candidats s'étant présentés, la bourse a été partagée entre M. Kaznatchéeff, qui a reçu 1000 francs, et Mile Strachinska, qui a reçu 500 francs; tous deux appartiennent à la Faculté des Sciences économiques et sociales. — D'autre part, Mme Edouard Claparède nous a remis, en souvenir de son père, le grand philosophe African Spir, une somme permettant d'allouer une bourse annuelle d'environ 1200 francs à un étudiant, ou à une étudiante, ayant témoigné d'un profond intérêt pour la philosophie et de réelles capacités pour l'étude de cette

discipline. Nous exprimons à Mme Claparède notre très vive gratitude, et nous sommes heureux que la bourse African Spir représente à l'Université de Genève le nom d'un penseur qui compte parmi les plus nobles esprits de notre temps.

Une question qui nous a beaucoup préoccupés est la question du Foyer des étudiants. L'ancien Foyer du Boulevard des Philosophes, qui a rendu de si grands services, a été fermé l'été dernier. Nous ne pouvons pas le laisser disparaître sans adresser de chaleureux remerciements au Comité auxiliaire de l'Association Chrétienne d'étudiants, qui en a eu la charge jusqu'en 1928. Tout particulièrement, nous exprimons notre profonde reconnaissance à la directrice de l'ancien Foyer, Mile Zollikofer, qui a pris soin de nos étudiants avec une touchante sollicitude, apportant à beaucoup d'entre eux un réconfort moral dont ils lui gardent —j'en ai eu le témoignage émouvant — une infinie gratitude. Aussitôt averti de la fermeture du Foyer, nous avons provoqué la constitution d'un comité destiné à créer un nouveau Foyer, et nous nous sommes entendu pour cela avec la Fédération universelle des Associations chrétiennes d'étudiants, qui avait administré l'ancien Foyer pendant la dernière année. Les représentants de la Fédération ont fait le meilleur accueil à nos suggestions: le comité a été formé très rapidement, et il a travaillé pendant tout l'hiver. J'adresse mes remerciements les plus sincères à tous ceux qui en ont fait partie. Qu'il me soit permis de nommer particulièrement nos deux présidents successifs, M. Henriod, de la Fédération universelle, et M. Droin, du Comité auxiliaire de l'Association chrétienne d'étudiants; M. Conrad Hoffmann, de la Fédération universelle, notre infatigable et dévoué secrétaire; mes deux excellents collègues de l'Université, MM. Henri Fehr et Albert Richard, dont le rôle a été capital; M. Chapuisat, président de l'Association des anciens étudiants; M. Pierre Guinand, représentant l'Association générale des étudiants; M. Clausius, du Comité de patronage des étudiants, et M. Charleson. Ce Comité, je le répète, a beaucoup travaillé, et le résultat de son travail

a été la constitution d'une société immobilière qui a fait l'acquisition d'une maison située tout près de l'Université, 9, rue de Candolle. Pour commencer, on a aménagé un seul étage, comme restaurant et lieu de réunion. Nous espérons pouvoir ensuite aménager toute la maison, qui deviendra véritablement la maison des étudiants. Le Comité a eu la bonne fortune de trouver, en la personne de Mile Berger, une directrice qui nous inspire toute confiance; nous lui présentons nos meilleurs voeux pour la tâche si belle qu'elle va entreprendre. L'inauguration du Foyer a eu lieu la semaine dernière, le 26 mai, par une cérémonie intime, où le recteur a pris la parole au nom de l'Université. Tous ceux qui y ont assisté ont eu la meilleure impression de notre nouvelle maison. Nous espérons que les étudiants y viendront nombreux, et qu'ils y trouveront une atmosphère de sympathie fraternelle et d'encouragement.

A propos du Foyer des étudiants et de ses vicissitudes, nous tenons à dire toute la satisfaction que nous éprouvons de la bonne marche du Foyer des étudiantes. Ce Foyer, situé à l'avenue Henri-Dunant, dépend du Comité auxiliaire de l'Association chrétienne d'étudiants. Il est dirigé, avec le plus grand dévouement, par Mile Mathilde Gampert, à laquelle j'exprime toute la reconnaissance de l'Université. D'autre part, l'Union internationale des étudiants, à la rue St-Léger, offre dans ses salons la plus aimable hospitalité. Sa directrice, Mile Cryan, y reçoit toujours étudiants et professeurs avec une parfaite bonne grâce. Elle a bien voulu organiser cet hiver, pour les diverses Facultés, des soirées, qui ont été des plus agréables.

Nous ne pouvons parler des établissements consacrés à nos étudiants sans penser au Sanatorium universitaire de Leysin. Nous continuons à recevoir les meilleures nouvelles de l'esprit qui l'anime, grâce à l'admirable activité du docteur et de Mme Vauthier. L'entrain des étudiants s'est manifesté cette année par la publication d'une brochure, modestement intitulée: Ephémère, qui a été mise en vente dans notre Université, comme dans les autres Universités suisses, le produit de cette vente

devant servir à l'acquisition d'un nouvel appareil de radio pour le Sanatorium. Cette brochure, composée de plusieurs morceaux, témoigne de la verve et du talent de ses jeunes auteurs. Elle porte en épigraphe cette parole de Goethe: «Wie es auch sei das Leben — es ist gut.» Belle leçon que nous donnent les étudiants malades de Leysin, à nous tous qui avons le privilège d'être bien portants. Oui, il est vrai que la vie, malgré les restrictions les plus pénibles, est bonne, parce qu'elle est tout, parce que la moindre de nos actions peut avoir un prix que rien ne saurait mesurer.

L'Aula de notre Université a été le théâtre de plusieurs séances solennelles. La plus importante de toutes a eu lieu le 6 décembre, pour célébrer le centenaire de la naissance de Marc-Monnier, le célèbre écrivain, qui fut l'un de nos plus brillants professeurs, et qui présida pendant deux ans, comme recteur, aux destinées de cette maison. Un hommage sincère de reconnaissance et d'admiration lui fut rendu, d'abord par le recteur, au nom de l'Université tout entière, puis par divers orateurs: M. Eugène Pittard, au nom de la Société de Belles-Lettres, M. Henri de Ziégler, au nom de la Société genevoise d'études italiennes, M. Bernard Bouvier, au nom de la Faculté des Lettres et de l'Institut national genevois. L'éclat de la cérémonie fut rehaussé par la présence du président du Département de l'Instruction publique. Nous y avions invité les Universités de la Suisse romande, qui toutes ont tenu à s'y faire représenter, les Universités de Lausanne et de Neuchâtel par leur recteur, l'Université de Fribourg par le doyen de la Faculté des Lettres. Nous gardons tous un souvenir profond de cette séance, où fut évoquée une belle figure littéraire, plus encore une belle figure humaine.

Parmi les autres cérémonies qui eurent lieu dans cette salle, je me contenterai de rappeler les suivantes: la séance d'ouverture du Congrès des femmes universitaires, qui eut lieu le 9 août, où j'eus le plaisir d'adresser une allocution à nos collègues féminins; — la séance, organisée par l'Institut d'études slaves de Genève, en

l'honneur des quatre-vingts ans du Président Masaryk, où j'introduisis le conférencier, M. Eisenmann, professeur à la Sorbonne, secrétaire général de l'Institut d'études slaves de Paris; — la séance, organisée par l'Association gréco-suisse, pour célébrer le centenaire de l'Indépendance hellénique, le 3 avril; le recteur y eut la tâche bien facile de montrer les raisons qu'avait notre Université de s'associer à cette commémoration. Enfin, nous fûmes invité à la séance qui eut lieu, le 9 mai, sous la présidence du professeur Alexis François, pour le 3me centenaire de la mort à Genève d'Agrippa d'Aubigné; M. Marcel Raymond, privat-docent à la Faculté des Lettres, et M. François Franzoni y prononcèrent de fort beaux discours.

D'autre part, nous avons représenté l'Université aux cultes solennels qui ont eu lieu dans la cathédrale de St-Pierre pour célébrer l'ouverture de l'Assemblée de la Société des Nations, l'Escalade et la Restauration. Le 10 novembre, nous avons assisté à la cérémonie qui a eu lieu au parc Mon-Repos en souvenir des soldats genevois morts pour la patrie.

Nos amies dévouées, la Société Académique et l'Association des anciens étudiants ont tenu toutes deux dans cette salle leur assemblée annuelle, et le recteur n'a pas manqué cette occasion de leur exprimer la reconnaissance de l'Université. Rappelons que l'Association des anciens étudiants avait marqué la fin de la dernière année universitaire par un dîner amical à la Belette, dont nous gardons un charmant souvenir. Quant à la Société Académique, elle ne s'est pas contentée, cette année, de son assemblée ordinaire, qui a eu lieu, comme d'habitude, au commencement du semestre d'hiver. Elle a eu encore, il y a quelques semaines, le 7 mai, une assemblée extraordinaire, afin d'exposer au public les besoins de l'Université. Ces besoins, en effet, sont pressants. Nous sommes à l'étroit dans nos bâtiments, et nous aspirons à nous développer; il nous faudrait de nouvelles salles de cours et des salles de travail pour les étudiants. Les installations de nos laboratoires devraient être améliorées, et les crédits pour les bibliothèques notablement augmentés. Les assistants et les chefs de travaux ne sont pas

rétribués suffisamment. Mais, plutôt que de faire un exposé complet qui m'entraînerait trop loin, je me contenterai de dire que pour maintenir sa réputation et pouvoir rivaliser dignement, non pas seulement avec les universités étrangères, mais encore avec certaines universités suisses, notre Université a besoin de ressources nouvelles, que le Département de l'Instruction publique, malgré toute sa bonne volonté, ne peut pas lui fournir. Aussi est-il hautement désirable qu'un mouvement de sympathie en faveur de l'Université se produise dans la population genevoise, et que l'initiative privée procure au moins une partie de ce que l'Etat ne peut pas nous donner. C'est là ce qu'a compris la Société Académique. Elle a demandé à deux professeurs éminents, MM. Charles Borgeaud et Eugène Pittard, d'exposer au public les besoins de l'Université. Excellemment introduits par M. Pfaeffli, le distingué président de la Société Académique, nos deux collègues se sont acquittés de leur tâche de la manière la plus remarquable et leur exposé a fait sur l'auditoire une impression profonde. Cette impression s'est trouvée encore renforcée lorsque le président du Département de l'Instruction publique a pris lui-même la parole pour soutenir l'appel de l'Université. Nous espérons vivement que cet appel sera entendu, et que l'Université trouvera chez nous l'appui effectif qui lui est tellement nécessaire. Genève ne peut pas se désintéresser de l'avenir de sa haute Ecole, dont le développement est lié à toute son histoire, et qui l'a représentée si dignement aux yeux du monde entier. Notre Université n'a pas cessé d'être l'Université du peuple de Genève: c'est de lui, avant tout, qu'elle attend son accroissement et le signe par lequel elle vaincra.

Nous avons déjà donné, au cours de notre exposé, des renseignements sur la vie des diverses Facultés. Cependant, nous devons mentionner encore, pour chacune d'elles, quelques faits particuliers, d'après les rapports que les doyens ont bien voulu nous envoyer.

A la Faculté des Sciences, la chaire de géographie physique, devenue vacante par le décès du professeur

Emile Chaix, a été rattachée à la chaire de géologie. — Signalons, de plus, une nouvelle disposition par laquelle les élèves ayant obtenu le diplôme du Technicum de Genève (sections C et E de l'Ecole des Arts et Métiers) seront désormais immatriculés dans la Faculté des Sciences comme étudiants réguliers. Selon un voeu exprimé par la Commission scolaire, ces étudiants seront invités à suivre, afin de parfaire leur instruction générale, un cours de littérature ou de philosophie.

A la Faculté des Lettres, la modification du règlement de la licence, dans le sens d'une plus grande concentration des études et du développement du côté pratique de la préparation aux examens, paraît donner des résultats satisfaisants. Cette orientation nouvelle exige toutefois la création de nouveaux enseignements qui devraient être confiés à des personnes occupant une situation analogue à celle des assistants et des chefs de travaux des autres Facultés. Cette question est actuellement à l'étude. —- La Faculté envisage également la création d'un enseignement spécial de composition française pour les candidats à la licence. Elle s'est aussi préoccupée de la préparation proprement pédagogique des licenciés qui se destinent à l'enseignement. Un projet élaboré sur l'initiative de M. André Oltramare est en ce moment soumis au Département de l'Instruction publique; il a pour but d'assurer la préparation des licenciés qui veulent se présenter aux épreuves du certificat pédagogique complémentaire à la licence. — Comme l'année dernière, la Faculté a organisé, au semestre d'hiver, un cours collectif, où différents professeurs ont évoqué certaines figures représentatives du moyen-âge et du commencement des temps modernes. De son côté, le Centre universitaire d'études historiques a offert aux étudiants et au public une série de conférences, qui ont eu beaucoup de succès.

Sous l'énergique et judicieuse impulsion du professeur François, le Séminaire de français moderne et ses dépendances, l'Ecole pratique de langue française et les Cours de vacances, se développent d'une façon très encourageante; le nombre des élèves est en augmentation. —

A ce propos, signalons la création, sur l'initiative du Département de l'Instruction publique, d'un Office de renseignements à Nuremberg. Cet Office, dirigé par un de nos licenciés ès lettres, M. Charles Fournet, a pour but de faire mieux connaître notre Université. S'il paraît devoir être utile surtout aux Instituts de langue française que possède la Faculté des Lettres, il est cependant mis au service de toutes les Facultés.

L'Institut des sciences de l'éducation (Institut J. J. Rousseau), dont nous annoncions l'an dernier le rattachement à la Faculté des Lettres, a été fréquenté par 106 élèves réguliers pendant le semestre d'hiver; pour le présent semestre d'été, 98 inscriptions d'élèves réguliers ont déjà été prises. C'est, comme on le voit, un contingent important, que la variété des pays représentés rend plus intéressant encore. Deux groupes d'une vingtaine d'élèves chacun, pour lesquels plusieurs cours spéciaux ont été organisés, sont constitués par les élèves de l'Ecole internationale d'éducation physique des Unions chrétiennes de jeunes gens, dont plusieurs ont entrepris au laboratoire d'anthropologie du professeur Eugène Pittard des recherches pleines de promesses, et par les stagiaires de l'enseignement public genevois, que nous sommes heureux de voir en contact avec nos milieux universitaires.

Signalons, enfin, à propos de la Faculté des Lettres, que le nombre des heures de l'enseignement du professeur Bohnenblust a été porté à six, ce qui donne à cette chaire l'ampleur normale d'une grande chaire: juste consécration d'un enseignement et d'une activité qui font le plus grand honneur à notre Université.

La Faculté des Sciences économiques et sociales voit ses étudiants se diriger de plus en plus du côté des études commerciales. Sur les diplômes qu'elle a délivrés pendant cette dernière année, 67 % ressortissent aux sciences commerciales. — La Faculté a organisé la visite de divers établissements, ce qui a permis de rapprocher l'enseignement théorique de ses applications pratiques. Les étudiants fréquentent assidûment la Bibliothèque de la Société des Nations et celle du Bureau international

du Travail. La Faculté quittera bientôt ses locaux de la Promenade du Pin, pour s'installer à la rue de Candolle, tout près de l'Université, où les étudiants pourront utiliser la salle de travail mise à leur disposition. Ajoutons que la Faculté serait heureuse de disposer, comme les autres Facultés, de prix à mettre au concours pour ses étudiants.

La Faculté de Droit continue à attirer un très grand nombre d'étudiants. Elle a eu, le 25 octobre, une séance de rentrée où le doyen a donné aux étudiants des conseils sur leurs études et sur les méthodes de travail qu'ils doivent suivre. La Faculté a noué des relations étroites avec le Bureau international du Travail. Au semestre d'hiver, les étudiants ont visité le B.I.T., dont le fonctionnement leur a été expliqué; au semestre d'été, le B.I.T. a organisé, pour les étudiants de la Faculté, une série de conférences sur des sujets juridiques. La Faculté en est très reconnaissante au B.I.T. et elle espère que cette série de conférences sera répétée dans les semestres prochains. — Relevons, de plus, que la Faculté étudie un projet de développement qui prévoit notamment l'extension de la salle de travail actuelle, la création de séminaires de droit privé, public et international, et l'installation de cabinets de travail pour les professeurs. — A titre d'essai, la Faculté se dispose à introduire dans son programme une série de cours et de conférences spécialement destinés aux candidats au doctorat. — Enfin, sur la proposition d'un de ses membres, elle a décidé d'imposer, pour la licence, un délai d'attente de six mois à tout candidat qui aurait subi deux échecs successifs.

A la Faculté de Médecine, le professeur Pugnat, dont nous avons rappelé le décès, a été remplacé provisoirement par les docteurs Guyot et Kresteff. A la suite du décès du professeur Beuttner, le cours d'opération obstétricale a été détaché de la chaire principale et confié au professeur de Seigneux. Au sujet de la clinique obstétricale et gynécologique, il convient de mentionner que le Dr Chassot a bien voulu assurer l'enseignement pendant près de quatre mois, depuis le décès du professeur Beuttner jusqu'à l'installation du professeur Koenig;

nous tenons à l'en remercier sincèrement. Depuis le décès du professeur Long, l'enseignement de la neurologie a momentanément disparu du programme, mais la Faculté ne désespère pas de trouver quelqu'un qui puisse reprendre cet enseignement et continuer les travaux de notre regretté collègue, en utilisant la magnifique collection documentaire qu'il avait constituée. — La Faculté compte avoir sous peu deux nouveaux enseignements: l'un de radiologie, l'autre de physiothérapie. D'autre part, elle étudie l'organisation d'une école pour l'instruction des auxiliaires médicaux: infirmiers, masseurs, etc., école qui pourra rendre de grands services. — Ajoutons que la nouvelle policlinique psychiatrique a été inaugurée le 21 juin de l'année dernière.

Au sujet de la Faculté de Médecine, nous devons rappeler la cérémonie qui a eu lieu, le 26 avril, dans l'amphithéâtre de l'Institut pathologique, pour fêter le 25me anniversaire de la nomination à notre Université du professeur Askanazy. Cette cérémonie, qui avait été organisée par les assistants de notre collègue, a été une très belle manifestation. De nombreux discours y furent prononcés, notamment par le président du Département de l'Instruction publique et par le doyen de la Faculté de Médecine. Le recteur eut le privilège d'associer l'Université tout entière à l'hommage rendu au savant éminent dont l'enseignement et les travaux font tant d'honneur à notre maison.

La Faculté autonome de Théologie protestante a vu le nombre de ses étudiants se maintenir à peu près le même que pendant les dernières années. Mais elle déplore que les étudiants français, si nombreux autrefois, paraissent avoir perdu le chemin de Genève. Ce fait, qui s'explique d'ailleurs par tout un ensemble de circonstances, est fort regrettable, non seulement pour la Faculté elle-même, mais aussi pour les relations ecclésiastiques séculaires entre Genève et la France, relations dont les deux pays ont largement bénéficié. Nous espérons bien vivement que les circonstances redeviendront plus favorables, et nous formons les meilleurs voeux pour un nouveau développement de

la Faculté de Théologie. Quelle que soit son autonomie, nous ne cessons pas de la considérer comme nôtre, et nous n'oublions pas que l'Université de Genève a été d'abord l'Académie de Calvin. Nous restons fidèles à la pensée qui a donné naissance à notre Université, et qui se proposait la collaboration de la science et de la religion. Assurément, les problèmes ne se posent plus pour nous comme ils se posaient au XVIe siècle. Mais les principes fondamentaux demeurent. La vérité de la science et de la philosophie, qui s'enseigne à l'Université, n'est point en contradiction avec la vérité de la religion. Ce sont des vérités qui se correspondent et se complètent, et dont nous devons rechercher l'harmonie.

Parvenu presque au terme de mon mandat de recteur, c'est par des remerciements que je me sens pressé de conclure ce rapport. Mes remerciements s'adressent d'abord à M. le Président du Département de l'instruction publique, qui m'a constamment montré la pius grande bienveillance, et qui s'est manifesté dans toutes les occasions comme un ami sincère de notre Université, dont il comprend d'autant mieux les intérêts qu'il n'a pas cessé de lui appartenir comme professeur. Je remercie tous mes collègues de l'amitié qu'ils m'ont témoignée, et particulièrement les membres du Bureau du Sénat, avec lesquels j'ai travaillé, semaine après semaine, dans une parfaite harmonie, et qui m'ont apporté l'aide la plus précieuse. Comment pourrais-je exprimer ma reconnaissance envers M. Roussy, l'incomparable secrétaire de notre Université? Je me contenterai de dire que c'est grâce à lui, à sa collaboration de tous les jours, que j'ai pu faire face aux tâches multiples du recteur. D'autre part, je sais que les doyens se louent extrêmement de leur secrétaire, M. Cosandier, dont j'ai pu apprécier moi-même la très grande amabilité. Je dois ajouter, d'ailleurs, que j'ai trouvé chez tous les fonctionnaires de l'Université le concours le plus dévoué. Je citerai particulièrement notre caissier-comptable, M. Mossaz, à la grande compétence duquel je tiens à rendre hommage. Je nommerai aussi M. Clément, lequel, secondé

par Mme Clément, s'acquitte depuis si longtemps de ses fonctions d'une manière parfaite, et notre appariteur, M. Brisselet, aux services duquel je suis fort redevable.

Qu'il me soit permis, en terminant, de me tourner particulièrement vers les étudiants, auxquels je m'adresse sans doute pour la dernière fois. Eux aussi, je les remercie de l'aide qu'ils m'ont apportée, de la confiance qu'ils m'ont témoignée. C'est un des plus grands privilèges du recteur que d'être en contact avec la jeunesse universitaire, de connaître ses préoccupations, ses difficultés, ses légitimes ambitions. La jeunesse est gaie, sans doute, mais elle est aussi quelquefois inquiète et tourmentée. Les études sont longues et difficiles; l'avenir, souvent, paraît obscur. Je voudrais vous dire encore une fois, mes chers amis: Prenez courage! Attachez-vous à la vérité, que vous avez recherchée avec nous dans cette maison, et la vérité vous soutiendra. Gardez de vos études la conviction que la vie humaine est suspendue à un principe qui domine les vicissitudes des existences particulières, et pourra toujours vous être un ferme appui. Ayez confiance dans l'avenir. Votre avenir, c'est vous-mêmes, c'est votre nature la plus profonde. Vous avez la force de créer votre avenir. Faites en sorte qu'il réponde à tout ce que vous portez en vous, aux puissances infinies que vous êtes destinés à manifester. Et sachez bien qu'en préparant votre avenir, vous préparez en quelque sorte l'avenir de tous. Aujourd'hui plus que jamais — nulle part on ne le sent mieux qu'à Genève —l'élite intellectuelle est appelée à jouer un rôle capital pour l'établissement du bon accord entre les hommes. Que de malentendus, non seulement entre les diverses nations, mais entre les diverses classes sociales d'une même nation, disparaîtraient, si tous ceux qui ont le privilège d'une instruction supérieure se révélaient comme animés d'un véritable esprit de bienveillance et de liberté. Nous comptons sur vous, étudiants de l'Université de Genève, pour un avenir qui viendra confirmer nos meilleures espérances.