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ALLOCUTION DU RECTEUR

M. le professeur Eugène BUJARD
A LA SÉANCE DU DIES ACADEMICUS
le 28 juin 1944
Mesdames, Messieurs,

Nous avions caressé l'espoir de vous recevoir dans la nouvelle Aula et de faire coïncider cette cérémonie avec l'inauguration de cette salle rénovée et ornée des vitraux d'Alexandre Cingria. C'est la raison pour laquelle nous avons reculé jusqu'à aujourd'hui la séance solennelle du Dies Academicus, que nous devions tenir le 5 juin, conformément à la tradition qui veut que cette cérémonie commémore la date de promulgation des «Leges Scholae Genevensis» de 1559.

La malice des temps actuels n'a pas permis la réalisation de notre espoir; nous avons dû renvoyer l'inauguration de l'Aula à cet automne, au moment de la séance de rentrée; c'est pourquoi l'Université de Genève fête son Dies dans cette salle de Comédie, qui a été mise à notre disposition avec beaucoup d'obligeance; nous en remercions vivement la direction.

Pour la cinquième fois, nous pouvons célébrer le Dies Academicus dans la tranquillité, alors que la tourmente fait rage tout autour de nous. Nous ressentons une sorte de confusion pour ce privilège inestimable en pensant aux Universités qui sont exilées, à celles qui sont dispersées ou simplement fermées, en pensant aussi à celles qui ne jouissent plus de cette liberté d'esprit, qui est la condition indispensable à la probité scientifique, et dont le silence ne signifie pas acquiescement, mais attente dans l'espoir d'une renaissance prochaine. A toutes ces Universités qui souffrent, nous offrons l'hommage de nos pensées émues.

Notre pensée se tourne aussi vers ceux d'entre nous qui sont absents, maîtres et étudiants, qui ont quitté leurs travaux

et leurs études pour répondre à l'appel du pays. C'est grâce à leur vigilance et à celle de leurs camarades que nous pouvons nous réunir aujourd'hui pour cette cérémonie; nous leur adressons un message de reconnaissance.

Monsieur le président, Mes chers collègues, Mesdames, Messieurs,

Nécrologies. — Durant l'année scolaire qui va se terminer, l'Université n'a perdu aucun de ses professeurs titulaires; elle a eu cependant à déplorer les décès d'un professeur honoraire, de plusieurs privat-docents ou anciens privat-docents et de quatre étudiants.

Le 19 octobre 1943, le professeur Isaac Benrubi succombait à la grave maladie dont il souffrait depuis plusieurs années. Né à Salonique, le 24 mars 1876, Isaac Benrubi fit ses études de philosophie en Allemagne et les couronna par une thèse, consacrée à l'idéal ethnique chez J.J. Rousseau, qui lui valut le grade de docteur en philosophie de l'Université d'Iéna. II assista à Genève au IIe congrès international de philosophie, en 1904; il s'y lia d'amitié avec les philosophes français, en particulier avec Boutroux et Bergson, ce qui le décida à faire un séjour à Paris. En 1914, il revint à Genève et il s'inscrivit en qualité de privat-docent à la Faculté des lettres, où ses leçons furent bientôt appréciées. Le 12 juin 1943, l'Université, désireuse de reconnaître les mérites de ce maître et les services que celui-ci lui avait rendus pendant près de trente ans d'enseignement, proposa au Conseil d'Etat de le nommer professeur honoraire. Ce fut une grande joie pour notre collègue.

Les travaux de Benrubi se rapportent aux divers problèmes de la philosophie contemporaine et leur couronnement en fut son magistral ouvrage sur «Les sources de la philosophie contemporaine en France», dont l'édition française parut en 1933. Admirateur de l'oeuvre de son ami Bergson, il se donna pour but d'en propager les doctrines et il traduisit

en allemand «L'évolution créatrice». En 1940, revenu à ses premières études sur Rousseau, il publiait encore un travail important sur l'idéal moral de cet écrivain.

Le départ de Benrubi a laissé un grand vide dans les milieux philosophiques de notre pays.

M. le professeur Edouard Cros, né à Moscou en 1889, avait été habilité en qualité de privat-docent à la Faculté des lettres en 1929; il y enseignait la langue et la littérature polonaises. En 1933, il fut appelé à l'Université de Fribourg pour occuper la chaire de littératures slaves; il avait toutefois conservé une partie de son enseignement à Genève. Il est décédé à Fribourg, le 13 mai 1944.

Mme Léonore Gourfein-Welt n'appartenait plus au corps enseignant de l'Université, puisqu'elle avait renoncé depuis plusieurs années à ses fonctions de privat-docent. Il me plait cependant de rappeler la mémoire de celle qui fut si longtemps la collaboratrice de son mari, le professeur David Gourfein. Née le 30 juillet 1859, à Sadagura (ancienne Autriche), Mme Gourfein fit à Zürich ses études de médecine et obtint, en 1890, le grade de docteur en médecine. Feu après, elle vint s'installer à Genève et se consacra dès lors exclusivement à l'ophtalmologie. En 1919, elle devint privat-docent et enseigna pendant quinze ans aux côtés de son mari. Sa générosité était très grande et nombreuses sont les oeuvres qui en bénéficièrent. L'Université fut l'objet d'un de ses dons magnifiques; Mme Gourfein lui remit en 1940, en mémoire de son mari, une somme importante pour créer le prix et la bourse David Gourfein-Welt, destinés à récompenser ou à faciliter les recherches en biologie, en particulier celles qui touchent à l'ophtalmologie. Mme Gourfein-Welt est décédée le 8 janvier 1944, après une longue vie au service de la médecine, qu'elle concevait comme une sorte d'apostolat.

L'Université conserve son souvenir avec gratitude et assure de sa sympathie Mlle Welt, sa soeur, qui, elle aussi, fut longtemps privat-docent à la Faculté des sciences.

Jean Carl, sous-directeur du Museum d'Histoire naturelle, avait aussi renoncé à son enseignement de privat-docent dè

zoologie. Cependant sa personnalité scientifique est suffisamment marquante pour que son nom soit cité à cette place. Né à Schuls, le 28 novembre 1877, il devint l'élève de Studer à Berne; celui-ci l'orienta vers l'entomologie. Appelé à Genève par Henri de Saussure, qui en fit son collaborateur, il entra au Museum où il poursuivit toute sa carrière. Ce fut un savant modeste qui, grâce à sa vaste érudition et à sa conscience dans la recherche scientifique, était devenu l'un des maîtres de l'entomologie. Sa disparition subite, le 7 juin dernier, est une grande perte pour la science genevoise.

L'Université a perdu trois de ses docteurs honoris causa.

René de Saussure, né à Genève en 1868, est décédé à Berne le 2 décembre 1943. Elève de l'Ecole Polytechnique à Paris, il se consacra aux mathématiques, plus spécialement à l'étude de la géométrie du mouvement. Après un voyage aux Etats-Unis, où il professa quelques années, il revint en Suisse; il enseigna à l'Université de Genève, en qualité de privat-docent, de 1904 à 1910, puis à Berne, de 1920 à 1925. En 1934, à l'occasion du 375e anniversaire de sa fondation, l'Université témoigna en quelle estime elle tenait le savant géomètre genevois en lui décernant le grade de docteur es sciences mathématiques honoris causa.

Quelques jours plus tard, le 19 décembre, disparaissait à son tour Otto Barblan. Né à Scanfs en 1860, il fit de solides études d'orgue et de composition à Stuttgart, puis il rentra au pays et devint maître de musique dans les écoles de Coire. En 1887, il était nommé organiste de St Pierre et, dès lors, il put développer ses talents de musicien et de compositeur. Professeur d'orgue et de composition au Conservatoire de Genève, directeur de la Société de chant sacré, il exerça une grande influence sur la vie musicale et spirituelle de notre ville. En 1937, à l'occasion du 50e anniversaire de sa nomination à l'orgue de St Pierre, l'Université décida d'honorer le compositeur musical, en lui conférant le grade de docteur es lettres honoris causa, tandis que les autorités cantonales lui décernaient la bourgeoisie d'honneur.

Au début de l'année, le 14 février 1944, s'éteignait à l'âge de 93 ans, l'historien genevois Emile Rivoire. Né en 1850, il fit son droit et pratiqua le barreau avant de s'associer à son père, le notaire Jean Rivoire. Pendant quarante ans, il exerça sa profession, tout en réservant de nombreuses heures à ses recherches historiques qui ne tardèrent pas à lui apporter le renom parmi ses pairs. En 1919, l'Université lui décerna le grade de docteur es lettres honoris causa en témoignage de son estime pour son oeuvre historique et, en 1940, elle renouvela ce témoignage en lui remettant la médaille universitaire, le jour de son 90e anniversaire et à l'occasion de l'achèvement de ce monument d'érudition, la publication des Registres du Conseil, dont il avait été l'initiateur et le principal ouvrier.

J'ai enfin le regret de mentionner le décès de quatre de nos étudiants.

M. Dimitre Ivanoff préparait son doctorat en médecine dentaire, Mlles Marguerite Schmutz et Monique Briquet étaient inscrites à la Faculté des lettres, et M. Augusto Arrochella-Lobo était auditeur à la Faculté des sciences.

Que leurs familles veuillent croire à la sympathie de l'Université.

Démissions. — Plusieurs professeurs ont quitté notre maison.

M. le professeur Urech a dû renoncer à son enseignement pour raison de santé. Il avait été nommé, le 22 juin 1943, professeur ordinaire de théorie mathématique et de technique des assurances; la maladie l'a empêché, à notre grand regret, de commencer son cours; il a été remplacé par M. Féraud en qualité de chargé de cours.

M. Pierre Bovet a donné sa démission pour se consacrer plus entièrement à ses travaux et il n'a pas cédé aux instances de ses collègues, qui auraient désiré lui voir conserver son enseignement. Il avait assumé en 1912, c'est-à-dire dès la fondation, la direction de l'Institut des sciences de l'éducation

(Institut J.J. Rousseau) et il fut le collaborateur d'Ed. Claparède pendant près de vingt ans. En 1920, ii avait été nommé professeur ordinaire de' pédagogie expérimentale à la Faculté des lettres.

M. le professeur Georges Berguer a lui aussi renoncé prématurément à son enseignement de l'histoire des religions; il avait été appelé, en 1928, en qualité de professeur extraordinaire à la chaire de psychologie religieuse et d'histoire des religions de la Faculté autonome de théologie, et promu professeur ordinaire, en 1930.

MM. Bovet et Berguer ont tous deux été nommés professeurs honoraires par le Conseil d'Etat. Les voeux de l'Université les accompagnent dans leur retraite, que nous souhaitons longue et féconde.

Nous avons pu craindre un autre départ; M. le professeur Adolphe Franceschetti a été l'objet d'un appel flatteur de la Faculté de médecine de Zürich; celle-ci désirait lui confier la direction de sa Clinique ophtalmologique et le voir succéder dans la chaire d'Alfred Vogt. Notre collègue a décliné cette offre et préféré rester à Genève où il compte de nombreux amis. Nous tenons à lui dire publiquement combien nous sommes heureux de sa décision, qui nous permet de conserver un maître éminent de l'ophtalmologie.

Mentionnons encore que M. Hugo de Claparède, professeur honoraire depuis 1930, a renoncé, pour raison de santé, à l'enseignement du droit civil allemand, qu'il avait conservé jusqu'ici.

Manifestations jubilaires. — Plusieurs professeurs ont été l'objet de manifestations de sympathie et de témoignages de gratitude.

Le 9 octobre 1943, la Faculté des sciences s'est réunie dans l'intimité autour de M. Alfred Lendner, professeur honoraire, pour lui dire une fois de plus sa reconnaissance et lui adresser ses félicitations et ses voeux à l'occasion de son 70e anniversaire. Le recteur y a joint ceux de l'Université.

Le 17 décembre, les professeurs et les élèves de l'Institut de médecine dentaire ont organisé une modeste cérémonie en l'honneur des vingt-cinq ans de professorat de MM. François Pfaeffli et Paul Guillermin. Le doyen de la Faculté de médecine, parlant au nom de cette Faculté et au nom de l'Université, a retracé la carrière de nos deux collègues et rappelé que M. le professeur Pfaeffli fut le créateur du nouvel Institut de médecine dentaire inauguré en 1932. M. Adrien Lachenal leur exprima la gratitude du gouvernement, puis plusieurs professeurs de Suisse et de Genève, ainsi qu'un étudiant, apportèrent leurs voeux aux deux jubilaires.

Le 18 mars 1944, la Faculté des sciences économiques et sociales a célébré le 30e anniversaire du professorat de M. William Rappard. Le doyen de la Faculté a rappelé, avec talent et parfois avec humour, les étapes principales de la carrière du jubilaire; il a caractérisé de façon magistrale l'historien érudit, le politique et l'économiste avisés. Le recteur a présenté à son tour les félicitations et les voeux de l'Université à celui qui en fut à deux reprises le recteur et il salua en lui l'un des créateurs de l'Institut de Hautes Etudes internationales. M. Adrien Lachenal adressa ensuite au professeur Rappard les remerciements du gouvernement; plusieurs représentants des Universités suisses, plusieurs amis et élèves apportèrent encore leurs voeux au jubilaire. La Faculté des sciences économiques et sociales offrit alors à son éminent collègue le volume VIII de ses publications, qu'elle lui avait dédié sous le titre de «Mélanges d'études économiques et sociales».

L'Université a décerné deux médailles universitaires:

Le 13 octobre 1943, elle a profité de la commémoration du 25e anniversaire de l'Orchestre de la Suisse romande pour

offrir la médaille universitaire à son directeur et fondateur: elle a voulu ainsi exprimer d'une façon toute particulière à M. Ernest Ansermet sa grande estime pour le musicien, dont l'apport spirituel et l'apostolat musical ont porté au loin le nom de Genève.

Le 10 février 1944, la Faculté des lettres s'est assemblée autour de M. Edmond Rossier. Après que le doyen eut félicité celui-ci pour son oeuvre historique, le recteur lui exprima la reconnaissance de l'Université et lui remit la médaille universitaire en témoignage de son estime et de sa gratitude pour les services rendus à notre maison par son brillant enseignement de l'histoire contemporaine et de l'histoire diplomatique.

L'Université a encore honoré la mémoire du professeur Louis Duparc, en inaugurant son buste érigé dans le hall de l'Ecole de Chimie, le 6 mai 1944. Ce buste fort ressemblant, dû au ciseau du sculpteur Pedro Meylan, a été remis à l'Université par les anciens élèves et les amis de l'éminent minéralogiste.

Nous aurions aimé pouvoir aussi inaugurer le buste du professeur Edouard Claparède. L'érection de ce monument, oeuvre du sculpteur Carl Angst, a été retardée jusqu'à aujourd'hui par les travaux exécutés à l'Université; je m'en excuse auprès de la donatrice, Mme Edouard Claparède.

Nominations. — Plusieurs nominations sont venues enrichir nos Facultés.

M. Jacques Pirenne, professeur de l'Université libre de Bruxelles et privat-docent à notre Faculté des lettres, a été nommé professeur honoraire par le Conseil d'Etat, sur la proposition de l'Université; celle-ci a voulu ainsi se l'attacher plus étroitement et reconnaître les mérites et les services de l'éminent historien belge, l'auteur de cette oeuvre magistrale «Les grands courants de l'histoire universelle», du professeur dont les enseignements attirent un grand nombre d'auditeurs. Nous sommes heureux de l'accueillir dans le corps professoral.

Ont été nommés professeurs ordinaires:

M. Edouard Frommel, jusqu'ici professeur extraordinaire de thérapeutique, de prescription et de dispensation des médicaments

M. Ernest Comte, précédemment professeur extraordinaire pour l'enseignement de l'orthodontie à l'Institut de médecine dentaire.

Ont été nommés professeurs extraordinaires:

M. Charles Baehni, pour succéder au professeur B.P.G. Hochreutiner dans la chaire de botanique systématique et à la direction des Herbiers et du Jardin botanique de la Ville de Genève;

M. Sven Stelling-Michaud, pour l'enseignement de l'histoire moderne, et M. Luc Monnier, pour celui de l'histoire contemporaine et de l'histoire diplomatique.

Ces deux nominations consacrent la réorganisation de l'enseignement de l'histoire à la Faculté des lettres.

Ont été nommés chargés de cours:

M. Fernand Chatillon, pour la policlinique d'obstétrique et de gynécologie, dont il devient en même temps le chef

M. Robert Jouvet, pour les problèmes du commerce extérieur de la Suisse;

M. Lucien Féraud, pour la théorie mathématique et technique des assurances.

L'Université s'est encore agrégé en qualité de chargés de cours: MM. Jacques Schuhmann, Pierre Kraemer-Raine et Emile Giraud; un enseignement spécial de droit français leur a été confié à l'usage des nombreux réfugiés de cette nationalité.

Plusieurs privat-docents ont été agréés par l'Université; ce sont:

A la Faculté des sciences, M. Yves René Naves.

A la Faculté des sciences économiques et sociales, MM. Louis Comisetti et Jean Marcel Lechner.

A la Faculté de médecine, MM. André Montandon et William Geisendorf.

Nous renouvelons nos souhaits de bienvenue à tous ces nouveaux membres du corps enseignant de l'Université.

Qu'il me soit aussi permis de signaler ici la nomination à la présidence de Pro Helvetia, cette institution destinée à défendre la vie intellectuelle et spirituelle de notre pays, de M. Paul Lachenal, ancien conseiller d'Etat, un ami de l'Université.

Etudiants. — L'année dernière, je vous faisais part de l'augmentation réjouissante du nombre de nos étudiants. Cet accroissement de notre population universitaire n'a pas faibli cette année; nous avons atteint, à la fin du semestre d'hiver, le chiffre record de 1852 étudiants immatriculés; dans ce nombre, il faut compter, il est vrai, environ 200 internés militaires, pour la plupart italiens; mais en défalquant ces hôtes, il reste néanmoins que l'Université compte aujourd'hui un nombre d'étudiants plus grand qu'elle n'a eu à aucune époque de son histoire. Les statistiques du semestre d'été ne sont pas encore achevées, toutefois elles s'annoncent aussi satisfaisantes que celles de l'hiver.

L'examen des chiffres montre qu'auditoires et laboratoires sont fréquentés par un nombre à peu près égal de genevois, de confédérés et d'étrangers, soit approximativement un tiers pour chaque catégorie; ceci est valable pour l'ensemble de l'Université, car il existe de notables différences d'une faculté à l'autre, différences qu'il serait fastidieux de commenter ici. L'Université conserve ainsi le double caractère national et international qu'elle a connu dès sa fondation. Nous nous réjouissons tout spécialement de voir de nombreux confédérés venir passer un ou plusieurs semestres chez nous.

Il est utile de relever que la prospérité de l'Université est aussi un élément de la prospérité économique du pays. La présence de plus d'un millier d'étudiants confédérés et étrangers représente un apport à l'économie genevoise de plus de trois millions de francs, somme qui n'est pas négligeable. Aussi sommes-nous heureux de relever dans le rapport du président de la Société académique, cette phrase que je me permets de citer: «Il faut que l'on comprenne mieux dans notre population que l'Université est non seulement une nécessité pour le développement spirituel et intellectuel du pays, mais aussi pour son développement économique.»

Comme ces dernières années, les étudiants suisses ont été gênés considérablement par les nécessités de la défense nationale; nombreux sont aujourd'hui ceux qui ont perdu un ou deux semestres et sont obligés d'allonger leurs études d'autant. Aux devoirs militaires déjà lourds est venu s'ajouter récemment l'aide obligatoire aux travaux agricoles, ce qui n'a pas été sans créer de graves soucis à la conférence des recteurs qui s'est occupée à plusieurs reprises de ces questions.

A Genève, l'Université s'est ingéniée à atténuer les inconvénients de ces obligations diverses, en facilitant aux mobilisés les travaux pratiques de laboratoire, en créant des sessions spéciales d'examen, qui leur sont réservées, et par d'autres mesures qui varient d'une faculté à l'autre.

Il résulte de toutes ces difficultés que l'activité de l'Association générale des étudiants n'a pas pu se développer comme son comité l'aurait désiré. Nous rappellerons cependant que son groupe Art et Culture a organisé trois séances musicales consacrées aux trios de Rameau, et qu'il a préparé par une modeste exposition la participation de Genève aux concours artistiques des Journées olympiques universitaires, à Lausanne. Toutefois l'effort principal des étudiants s'est porté de nouveau sur l'entr'aide ; ils ont été autorisés à profiter des Journées universitaires pour intéresser le public à leur action, en organisant une vente d'insignes et de programmes qui a rapporté la belle somme de 2000 francs. Le timbre de bienfaisance vendu à la caisse a retrouvé la même faveur que précédemment. Nous félicitons les étudiants de cette charité active et nous les assurons que les autorités universitaires leur accorderont leur appui chaque fois qu'il sera nécessaire.

L'Association générale a réalisé enfin un projet longtemps caressé, la création d'un journal d'étudiants, les «Feuillets universitaires», dont le premier numéro d'essai vient de sortir de presse. Dans l'idée de ses promoteurs, cette revue a pour objet de vivifier chez leurs camarades leur intérêt pour la vie générale de l'Université, que beaucoup d'entre eux oublient, parce que trop absorbés par leurs études spéciales. Nous souhaitons que les «Feuillets universitaires» réussissent et qu'ils remplissent leur but qui est de resserrer les liens entre étudiants et de réveiller entre eux la notion d'appartenir à une collectivité, sentiment qui doit se manifester par l'éclosion de l'esprit universitaire chez les membres de cette communauté.

L'augmentation du nombre des étudiants a créé dans divers milieux une certaine inquiétude; un peu partout, on a parlé de pléthore universitaire, ce qui veut dire en réalité encombrement des carrières libérales. Des articles de journaux, des brochures, de nombreuses conférences ont été consacrés à ce problème. Diverses mesures ont été proposées pour enrayer ce mouvement qui pousse la jeunesse vers les Universités; les unes sont arbitraires et par conséquent inacceptables, les autres sont inefficaces. En fait, cette poussée vers les études supérieures n'est qu'une des manifestations de l'évolution de la société, du développement de la civilisation avec ses avantages et ses désavantages, comme pour tant d'autres manifestations de même ordre. C'est dire que cette augmentation du nombre des étudiants n'est pas particulière à Genève, et qu'elle s'observe aussi, à des degrés divers, dans les autres Hautes Ecoles. Elle est un phénomène social très général, qui paraît même moins accentué en Suisse que dans plusieurs pays, si l'on s'en rapporte aux statistiques établies à la veille de la guerre. Cette augmentation est due à plusieurs facteurs: L'un d'eux est l'affluence des jeunes filles qui joue, certes, un rôle important; celles-ci représentent le 20% de nos effectifs, le 50% même dans la Faculté des lettres. Toutefois, une cause plus générale de l'accroissement de la population estudiantine est l'extension de l'instruction supérieure à des couches de plus en plus larges de la société; l'accès aux études universitaires est plus facile aujourd'hui qu'autrefois; de nos jours les étudiants ne sont pas souvent des privilégiés de la fortune et fort nombreux sont nos élèves dont les ressources sont modestes et qui cherchent à subvenir à tout ou partie de leurs

études. Enfin, un dernier facteur réside dans ce fait d'observation que les périodes de dépression économique sont toujours caractérisées par une orientation des jeunes gens vers les Universités.

La présence à Genève de nombreux confédérés et de nombreux étrangers, qui sont appelés à partir à la fin de leurs études, crée une situation un peu spéciale; il est donc légitime que la question de la pléthore universitaire ait moins agité l'opinion que dans les cantons universitaires alémaniques, où la proportion d'étudiants étrangers est de beaucoup inférieure à la nôtre.

Parmi ces nombreux étrangers, venus de 39 pays, il est un contingent important de réfugiés et d'internés militaires. En 1940, la présence de nombreux universitaires parmi les internés militaires français et polonais avait suscité, dans les milieux intellectuels, un mouvement d'entr'aide et amené les autorités compétentes à créer des camps d'étudiants. La collaboration de professeurs suisses et de professeurs étrangers incorporés dans les armées, a permis d'organiser une série d'enseignements qui occupèrent les loisirs forcés de ces universitaires. Genève eut pour mission d'organiser une Faculté des sciences au camp de Berthoud, sous la direction de M. le professeur Henri Fehr, en qualité de doyen.

Ces organisations n'ont pas présenté tous les avantages que l'on en avait escomptés; aussi, lorsque l'arrivée d'un grand nombre d'intellectuels parmi les internés militaires italiens a posé de nouveau un problème semblable, l'Université de Genève et les Universités romandes suggérèrent aux autorités militaires de créer des camps universitaires à proximité même des Universités, dont les internés pourraient fréquenter les enseignements et poursuivre ainsi les études commencées dans leur pays. Cette suggestion trouva le meilleur accueil auprès du colonel Zeller, professeur à l'Ecole Polytechnique, chef responsable des camps d'étudiants. Une commission de professeurs fut désignée pour opérer un choix sévère parmi les nombreuses demandes qui affluèrent et, le 28 janvier, s'ouvrit à Genève un Camp universitaire pour internés italiens, comptant près de deux cents élèves. Aux Italiens se joignirent, grâce aux démarches du Fonds européen de secours aux étudiants, un certain nombre de Grecs, puis des Yougoslaves,

enfin quelques Anglais et Américains. La direction de ce camp universitaire a été confiée à M. Paul Collart, qui s'en occupe avec autant de compétence que de dévouement. Je l'en remercie au nom de l'Université.

Nous espérons que tous ces hôtes rentrés dans leur pays, garderont un bon souvenir de leur passage dans notre Université et que les études qu'ils auront faites chez nous leur permettront d'achever leurs études régulières et l'obtention des diplômes qu'ils désirent.

Enseignement et conférences. — L'Université doit manifester sa vitalité en participant à la vie de la cité; elle doit donc adapter ses programmes aux nécessités du moment qui sont multiples et changeantes; elle doit aussi rayonner au dehors de ses murs afin de satisfaire à son rôle de centre intellectuel et spirituel.

Dans le domaine pédagogique, l'Université a été appelée à instaurer une série d'enseignements nouveaux.

La Faculté des sciences économiques et sociales a créé un cours de politique commerciale, qui permettra à ses étudiants d'être mieux préparés sur les problèmes d'exportation et sur toutes les questions touchant au commerce extérieur de la Suisse.

Pour que de nombreux réfugiés puissent continuer leurs études et satisfaire aux programmes de leur pays d'origine, la Faculté de droit a été amenée à organiser un enseignement spécial de droit français, avec la collaboration de personnalités juridiques françaises, en séjour chez nous, et un enseignement spécial de droit italien, pour nos hôtes du camp universitaire, avec le concours de professeurs italiens. Ces créations seront évidemment éphémères, mais elles correspondent sur le terrain intellectuel à ce besoin d'entr'aide que Genève manifeste déjà dans bien d'autres domaines.

Plusieurs projets sont encore à l'étude; tel celui de la création d'un Institut de biologie et de chimie médicales, due à l'initiative de la Faculté de médecine; grâce à une collaboration étroite des deux Facultés de médecine et des sciences, cet

Institut assurera une préparation plus complète à ceux des chimistes et des médecins, qui désirent se vouer aux carrières scientifiques ou aux recherches dans les laboratoires industriels. Ce projet répond à cette idée que les Facultés de médecine n'ont pas seulement pour mission de former des médecins praticiens, mais qu'elles ont aussi pour tâche d'instruire ceux qui, renonçant à la pratique médicale, veulent s'orienter vers les travaux de biologie et de biochimie.

Ce projet et d'autres sont nés du souci de créer des voies nouvelles et d'ouvrir des perspectives nouvelles pour les universitaires et de remédier ainsi à l'encombrement de certaines carrières libérales.

Mais tout ceci ne touche pas à cet autre problème, qui est celui de la spécialisation précoce, qui tend à diminuer la culture générale des universitaires. En effet, si la subdivision de l'enseignement académique est indispensable, elle n'est pas cependant sans présenter de graves inconvénients. Trop fréquemment les étudiants d'une faculté ignorent tout des méthodes et des conceptions de la faculté voisine, et les plus réfléchis d'entre eux en sentent un regret. Or, qui dit université, dit un organisme préposé, d'une part, à l'étude de tous les problèmes particuliers à chaque science et, d'autre part, à l'étude des problèmes universels communs à toutes les sciences; car il y a une unité de l'esprit; la même conception philosophique peut dominer successivement plusieurs domaines de la pensée humaine: la biologie comme la sociologie, l'organisation de la société comme celle de l'être vivant. L'université doit donc se raidir contre cette évolution, qui tend à lui faire perdre sa signification primitive pour la réduire à une association de facultés, qui ne seraient que des écoles professionnelles. C'est dans ce but que le Bureau du Sénat a institué cet hiver une série de conférences, dites «Conférences universitaires», s'adressant à l'ensemble des étudiants et auxquelles elle a convié le public. Ces conférences, consacrées à des sujets généraux, ont connu le succès, aussi le Bureau du Sénat a-t-il décidé de renouveler cette expérience l'hiver prochain. Les conférences universitaires auront lieu le jeudi à 18 heures à l'Aula, et cette heure leur sera réservée dans l'horaire de toutes les facultés.

Il nous a paru qu'il ne suffisait pas d'inviter les étudiants et le public à entendre des exposés théoriques; nous les avons

conviés aussi à visiter les Instituts des Facultés des sciences et de médecine, afin que chacun puisse se rendre compte des installations dont ces instituts disposent, des méthodes et des techniques qui y sont employées, des recherches qui y sont poursuivies. Ces «Journées universitaires» ont suscité le plus vif intérêt et les instituts reçurent plusieurs centaines de visiteurs, tous fort attentifs à ce qu'ils voyaient et à ce qui leur était expliqué. M. le prof. Briner avait été chargé par le Bureau du Sénat de l'organisation de ces visites; il l'a faite avec le dévouement qui lui est habituel et nous sommes heureux de pouvoir l'en remercier publiquement; nos remerciements vont aussi à tous nos collègues qui, pour le bien de notre maison, ont accepté d'ajouter à leur tâche déjà lourde la préparation de ces démonstrations publiques.

C'est aussi dans cette idée d'intéresser le plus grand nombre de personnes à la vie de l'Université et de les faire bénéficier de l'expérience de ses maîtres que nous avons accepté avec empressement la proposition de Radio-Genève de créer une «Heure universitaire» mensuelle, comprenant une brève conférence d'un professeur. Nous croyons savoir que cette innovation a été favorablement accueillie au cours de l'hiver dernier et qu'elle sera reprise l'hiver prochain.

Ces conférences publiques, ces visites d'instituts, cette heure radiophonique sont autant de manifestations de cette extension universitaire, que j'aimerais voir développer davantage, afin que l'Université remplisse plus complètement encore les trois fonctions qui lui sont dévolues : celle d'être une école supérieure, celle d'être un centre de recherches et celle, enfin, d'être un foyer de vie intellectuelle et spirituelle pour la cité tout entière.

Règlements. — L'année dernière, l'Université avait procédé à une revision générale et à une codification de ses règlements et de ceux des facultés ; aussi peu de modifications leur furent-elles apportées au cours de cette année.

La Faculté des sciences a procédé à une adaptation de ses règlements de doctorats, sans toutefois en changer la structure fondamentale.

La Faculté des sciences économiques et sociales a créé un certificat d'études coopératives qui correspond bien aux beboins de l'heure, au moment où les problèmes de la coopération prennent une importance de plus en plus grande; ce certificat est un complément à la licence es sciences économiques.

Dons. — L'Université a bénéficié cette année encore de plusieurs dons importants.

M. le professeur Paul Moriaud lui a légué le buste de Socrate, afin que ce buste soit confié au professeur de philosophie qui en assurera la conservation pour le remettre plus tard à son successeur.

M. le professeur Raoul de Seigneux a donné à l'Université, au bénéfice de la Faculté de médecine, la collection de ses modèles d'anatomie chirurgicale, ainsi que les moules originaux et les documents qui se rapportent à leur fabrication.

M. Tauxe a remis le manuscrit de son mémoire sur la structure du poil; ce mémoire, accompagné de 765 planches, représente le fruit d'une longue vie de travail; il sera déposé dans la bibliothèque de la Clinique de dermatologie.

Le recteur exprime la gratitude de l'Université à tous ces donateurs.

Nous avons eu d'autre part la satisfaction d'apprendre qu'un fonds particulier très important avait été créé par de généreux mécènes pour faciliter les études d'ophtalmologie, sous la direction experte de M, le professeur Franceschetti.

J'ai encore le plaisir d'annoncer que, grâce à la libéralité de la Maison Trüb, Taüber & Co. à Zürich, l'Institut de physique sera prochainement le dépositaire d'un microscope électronique, le premier en Suisse; nous félicitons M. le professeur Weigle de cet enrichissement remarquable de son institut, et nous adressons nos remerciements à la Maison Trüb, Taüber & Co., particulièrement à son chef, M. le Dr Taüber.

A toutes ces libéralités, il convient d'ajouter toutes celles de la Société académique qui, année après année, met ses ressources à notre disposition afin de perfectionner l'outillage de

nos laboratoires et d'entretenir nos bibliothèques. Sa générosité a été particulièrement grande cette année, comme j'aurai le plaisir de le dire tout à l'heure.

Education physique et sports. — M. Jean Brechbühl a été nommé maître des sports à l'Université; il s'est mis complètement à sa tâche et il a réussi à vaincre bien des difficultés, dont les principales résultent à la fois de la densité de nos horaires et du manque de salles de gymnastique et de stades d'entraînement. La création d'une salle de gymnastique devra être prévue dans les transformations projetées des bâtiments universitaires, ainsi que l'aménagement d'un terrain de sport.

Informations diverses. — Comme je l'annonçais en juin dernier, l'Université a participé pour la deuxième fois à la Maison Genevoise.

M. le professeur Weigle a organisé un stand où le public pouvait voir les appareils historiques qui ont servi aux travaux de savants genevois, tels que Colladon et Sturm, qui mesurèrent la propagation du son dans l'eau, Horace-Bénédict de Saussure, le géologue qui découvrit le Mont-Blanc, et Ch.-Eug. Guye, qui détermina la masse des électrons. A côté de ces vénérables instruments, l'Institut de physique exposait les appareils les plus modernes, capables de détecter et d'enregistrer les radiations les plus diverses.

L'Institut d'anthropologie, dirigé par M. le professeur Eug. Pittard, présentait la répartition des races humaines actuelles par des cartes et des schémas des plus démonstratifs, accompagnés d'une série de crânes appartenant aux types humains principaux. Cette exposition était complétée par une seconde, consacrée aux outillages successifs de la préhistoire, tandis que des graphiques et des dessins schématiques expliquaient les procédés qui permettent de déterminer les âges relatifs de ces instruments primitifs.

Ces deux stands de physique et d'anthropologie ont vivement intéressé le public. Le recteur remercie encore ses deux

collègues de ces démonstrations d'automne; elles furent en quelque mesure le prélude des Journées universitaires de ce printemps, qui permirent au public genevois de mieux connaître le travail pédagogique et le travail de recherches qui sont effectués quotidiennement dans nos laboratoires.

Cette année encore, l'Université a offert à ses étudiants une soirée de bienvenue; celle-ci a eu lieu le 26 novembre dans les salons des Amis de l'Instruction. Elle fut agrémentée par une partie musicale au cours de laquelle Mlle Christiane Montandon, pianiste, et M. Jean von Arx, violoniste, témoignèrent d'un beau talent; une partie littéraire suivit, consacrée à un proverbe de Musset: «On ne saurait penser à tout», qui fut joué, avec entrain et grand art, par Mlle Arlette Sylvestre et ses amis.

Le recteur remercie tous ces collaborateurs qui furent pour beaucoup dans la réussite de cette soirée familiale.

Nos relations avec la Maison internationale des étudiants eurent le caractère auquel nous sommes accoutumés, c'est-à-dire qu'elles furent empreintes de la plus grande cordialité. Je remercie Mlle Violette Balmer, M. Guillaume Fatio et leurs collaborateurs pour la façon désintéressée avec laquelle ils apportent leur aide à l'Université.

Le sort de la Maison des étudiants qui nous inquiétait l'année dernière, nous paraît assuré aujourd'hui, depuis que 1'Etat a racheté l'immeuble de la rue Colladon, à l'usage de l'Université. Diverses questions d'aménagements et d'autres problèmes seront à étudier afin d'utiliser au mieux ces locaux et de préciser les relations futures de la Maison des étudiants avec l'Université.

J'exprime aussi ma gratitude à Mlle Mathilde Gampert qui dirige avec dévouement et compétence le Foyer des étudiantes.

J'ai le plaisir, enfin, de déposer sur ce bureau, les bonnes feuilles du volume IX des Documents de l'Université, contenant le catalogue des travaux et des publications de son corps enseignant pour les cinq années de 1939 à 1943; ce volume de 580 pages témoignera, nous l'espérons du moins, que l'Université, malgré les difficultés et les préoccupations de l'heure

présente, s'est efforcée de remplir une de ses missions, qui est de contribuer aux progrès des sciences et qu'elle l'a fait malgré un climat spirituel encore plus défavorable que celui de la décade précédente. Sa rédaction a été confiée à M. Hermann Blanc, qui a apporté à cette tâche sa compétence et son dévouement coutumiers.

Bâtiments. — L'année, qui va se terminer, sera une date mémorable dans l'histoire de l'Université. L'Aula, qui fut l'objet de tant de critiques justifiées depuis l'achèvement du bâtiment des Bastions, en 1871, a été démolie et les travaux de transformations ont commencé en automne dernier. Ils ne sont pas encore terminés aujourd'hui; mais nous nous réjouissons que l'Université jouisse enfin d'une salle de cérémonies et de conférences claire et commode.

Votre recteur a profité de ces importants travaux pour demander la réfection du hall et des couloirs du rez-de-chaussée, ainsi que celle des escaliers; il a proposé une rénovation de leur éclairage et le remplacement des cadres, qui alourdissent et enlaidissent les colonnes du hall; il serait plus judicieux de placer ces cadres le long des murs des couloirs en prévoyant un bon éclairage.

Le rapport de l'année dernière faisait connaître les principes généraux qui doivent diriger à l'avenir la politique de reconstruction de l'Université, politique qu'il est indispensable de poursuivre pour conserver à Genève une université digne de son passé et capable de tenir son rang parmi les université suisses, qui sont toutes pourvues de locaux et d'outillages rénovés.

Ces principes sont, je le rappelle: réserver le bâtiment des Bastions à l'administration et aux Facultés des sciences morales, grouper les instituts de la Faculté de médecine au voisinage de l'Hôpital et ceux de la Faculté des sciences autour du bâtiment actuel de l'Hygiène. Ces principes ont été accueillis favorablement par le Département de l'Instruction publique et par celui des Travaux publics. La Société académique s'y est intéressée tout particulièrement et elle a offert généreusement sa collaboration, en mettant à la disposition de l'Université

une somme importante, pour faciliter la construction et l'équipement d'un Institut de physique. De généreux mécènes, parmi nos industriels, ont souscrit des dons non moins importants dans le même but. L'Etat, déjà possesseur des terrains nécessaires, les a réservés à ce nouvel institut, dont nous espérons soir poser la première pierre dans quelques mois.

Mais la réalisation du plan d'extension ou mieux de rénovation de l'Université demandera de longues années sans doute et, en attendant, il faut satisfaire aux exigences les plus immédiates de l'enseignement. C'est ce que nos autorités ont compris. Nous avons pu inaugurer, il y a une année, le 28 juin 1943, l'annexe de l'Ecole de médecine, qui a permis la réorganisation des Instituts de physiologie et de chimie physiologique, conformément au règlement fédéral des études médicales; plus récemment, le 3 mars 1944, nous avons pu ouvrir les nouveaux laboratoires obtenus par la surélévation de l'Ecole de Chimie, afin d'y loger les étudiants qui affluent dans ses instituts. Ces deux créations permettront à ces deux écoles d'attendre l'époque de leur transfert et de leur reconstruction complète.

Il y a quelques jours, le Conseil administratif de la Ville a demandé les crédits nécessaires à l'achat de propriétés à Malagnou, en prévision du transfert et de la reconstruction du Musée d'histoire naturelle, dont le bâtiment pourra être trans-. formé pour donner aux quatre facultés des sciences morales des salles pour leurs séminaires et leurs conférences. En effet, la pénurie de locaux est telle, qu'il y a certaines heures où le secrétariat est dans le plus grand embarras pour loger les cours et séminaires qui doivent avoir lieu simultanément dans plusieurs facultés.

L'achat par l'Etat de la maison de la rue Colladon, à l'usage de l'Université, permettra de créer provisoirement quelques salles de séminaires, qui seront déjà d'un précieux secours.

Tout ceci est encourageant et l'Université est heureuse d'exprimer sa gratitude aux donateurs et aux autorités qui ont compris que l'équipement intellectuel de notre cité était aussi important que son équipement industriel et ses voies de communications. Nous exprimons l'espoir que l'oeuvre de rénovation

entreprise sera poursuivie et réalisée aussi vite que les circonstances économiques le permettront.

Me voici arrivé au terme de mes fonctions; dans quelques jours je remettrai l'avenir de l'Université entre les mains expertes de M. Antony Babel, que l'assemblée des professeurs ordinaires a désigné comme recteur, pour la période de 1944 à 1946; il lui a été adjoint M. Paul Edmond Martin en qualité de vice-recteur et M. Rolin Wavre comme secrétaire. Nous avons longtemps travaillé ensemble au Bureau du Sénat; je me félicite que l'Université ait à sa tête un collège de personnalités dont l'expérience est grande dans toutes les questions universitaires et je suis assuré qu'ils' pourront accomplir leurs fonctions dans ce climat cordial, qui a été celui que j'ai connu auprès d'eux.

Je ne veux pas terminer ce rapport sans exprimer encore une fois la gratitude de l'Université et mes remerciements personnels à M. Adrien Lachenal. En toutes occasions, il s'est révélé non seulement comme un chef, mais aussi comme un ami compréhensif, et, chaque fois que cela a été nécessaire, son action en faveur de l'Université nous a été acquise.

Je me permettrai en particulier de le remercier de son initiative d'avoir convoqué à la Salle de l'Alabama, le 9 novembre 1943, une conférence qui réunissait sous sa présidence les représentants les plus autorisés de l'industrie et du commerce, pour y discuter avec les autorités universitaires de l'avenir de l'Université. Cette première réunion n'a pas donné peut-être tous les résultats qu'il escomptait, mais elle n'a pas été inutile, puisque des premiers concours nous ont été acquis pour la construction d'un Institut de physique en particulier. La question fondamentale qui a été mise en lumière est la nécessité pressante de créer en faveur de l'Université un fonds général, dont les revenus n'auraient pas d'affectation spéciale et qui la rendrait maîtresse de son avenir. D'autres Universités suisses bénéficient de cet avantage immense de pouvoir disposer de fonds importants en faveur de leur développement,

tandis que l'Université de Genève, qui gère plus de cinquante fonds, ayant tous, sans exception, une destination spéciale, attribution de prix ou de bourses, ne jouit d'aucune disponibilité qu'elle puisse utiliser au mieux de ses besoins du moment. L'Université est trop convaincue de la nécessité absolue d'un fonds semblable pour négliger toute occasion qui lui permettrait d'en amorcer la création.

J'associe M. H. Grandjean, secrétaire, aux remerciements que j'adresse au président du Département de l'Instruction publique.

Ma reconnaissance toute spéciale va aux membres du Bureau, auxquels une étroite collaboration m'a lié d'affectueuse amitié. Ce n'est pas sans mélancolie que je les quitte après quatorze ans de travail en commun, tant comme doyen que comme recteur.

Mes remerciements chaleureux vont à M. Hermann Blanc, secrétaire de l'Université, dont la collaboration quotidienne m'a été particulièrement précieuse.

Mes remerciements vont encore à tous les fonctionnaires de l'Université qui remplissent leur charge avec un dévouement que je me plais à reconnaître publiquement. Mobilisés à tour de rôle, parfois plusieurs simultanément, ils se sont efforcés de se suppléer mutuellement; ils n'ont jamais craint de faire des heures supplémentaires et parfois de sacrifier leur samedi ou même une partie de leur dimanche pour accomplir leur travail; celui-ci est, en effet, considérablement accru par l'augmentation du nombre des étudiants et les complications administratives dues à. la mobilisation et à la présence de réfugiés et d'internés.

Je termine en prenant congé des étudiants, en particulier de leurs représentants dans le comité de l'Association générale, avec qui j'ai eu le plaisir de collaborer à maintes reprises.

Et maintenant je conclus en regardant avec confiance vers l'avenir; malgré l'effroyable drame qui baigne de sang toute l'Europe, malgré le déchaînement des brutalités de la matière, j'ai la foi que les forces spirituelles auront tôt ou tard la victoire;

je suis assuré que les Universités auront alors un grand rôle à jouer dans la reconstruction de la société de demain, et je sais que l'Université de Genève sera digne de son passé.