ALLOCUTION DU RECTEUR
M. le professeur Eugène BUJARD
AU DIES ACADEMICUS
le 5 juin 1952
MESDAMES, MESDEMOISELLES, MESSIEURS,
L'ANNÉE dernière, j'avais le privilège de n'avoir à déplorer
aucun deuil parmi les membres du corps enseignant de
l'Université. Ce privilège ne me fut pas renouvelé cette
année et longue est la liste des disparus que j'ai le triste
devoir de rappeler à votre souvenir.
Le 16 novembre décédait subitement M. le professeur
Ernest COMTE. Depuis quelques jours il se sentait un peu fatigué;
mais, le matin même de son décès, il avait encore travaillé avec
ses étudiants, à l'Institut de médecine dentaire; rien ne faisait
prévoir un départ aussi brusque. Le professeur Comte s'était
vite spécialisé dans cette discipline délicate qui est celle de
l'orthodontie, de la régularisation d'une denture mal évoluée.
Très rapidement il s'était fait un nom dans cette spécialité et
sa renommée s'étendait bien au loin de nos frontières. Intéressé
par l'enseignement, il demanda à être agréé comme privat-docent
en 1933. Quelques années plus tard, il fut appelé à la chaire
d'orthodontie, créée en 1937, chaire qu'il occupa d'abord en
qualité de professeur extraordinaire, puis de professeur ordinaire.
Le choix était heureux; car, à côté du spécialiste éminent,
l'Institut de médecine dentaire put bénéficier d'un pédagogue
de haute classe, qui, avec une modestie et une patience inaltérables,
prodigua pendant quinze ans ses conseils à de nombreux
étudiants. En 1950, ses collègues l'ont appelé à la présidence du
Collège des professeurs de l'Institut et, dans cette fonction, il
put encore manifester le tact et la bienveillance naturelle de
caractère qui lui attiraient l'estime et la sympathie de chacun.
Que Mme Comte veuille croire que nous conservons un
précieux souvenir de son mari.
Le 14 avril dernier, le lundi de Pâques, s'éteignait douloureusement
M. le professeur Kurt H. MEYER, à Menton, où,
souffrant d'une légère grippe, il était allé se reposer.
Né à Dorpat, le défunt avait fait de solides études de chimie
en Allemagne; il avait enseigné quelque temps à l'Université
de Munich. En 1921, ii fut appelé à la direction de la Badische
Anilin- und Sodafabrik et en 1926 à celle de la I.G. Farbenindustrie.
C'est là, alors qu'il était à la tête de ces puissantes
industries, que la Faculté des sciences fit appel à lui, en 1932,
pour lui confier la chaire de chimie organique et inorganique,
illustrée par Amé Pictet. Fils de Hans Meyer, qui, avec Overten,
fut l'auteur de la théorie lipidique de la narcose, Kurt Meyer
consacra aussi plusieurs études importantes à ce problème,
parmi lesquelles nous citerons la dernière: le rapport de 1951
intitulé: Les bases expérimentales de la théorie lipoïdique de
la narcose.
Mais Kurt Meyer était surtout connu comme l'homme des
grandes molécules en forme de chaînes; ses publications sur la
constitution de la cellulose firent époque. Cette notion de longues
molécules caténiformes s'est révélée applicable à un grand
nombre de substances naturelles et artificielles et permit l'essor
de l'industrie des matières plastiques. Ces dernières années,
le professeur Kurt Meyer s'était attaqué à l'étude de l'amidon,
puis à celle du glycogène, cet amidon animal, et il a apporté une
contribution essentielle à la connaissance des molécules géantes
de ces deux substances. Kurt Meyer était universellement
connu et nombreux sont ses élèves dans les laboratoires du monde
entier. Ce fut ce que l'on appelle «un grand patron» qui, pendant
vingt ans, fit profiter l'Ecole de chimie de ses vastes connaissances.
Sa disparition en pleine activité intellectuelle est une
lourde perte pour la science chimique en général et pour notre
Université en particulier.
Que sa veuve et ses enfants veuillent accepter à nouveau
nos condoléances et l'expression de l'estime toute particulière
que ses collègues avaient pour le professeur Kurt H. Meyer.
Le terrible accident d'auto qui, le 23 juillet 1951, a causé
la mort du Dr et de Mme Lucien Bovet est encore présent
dans toutes les mémoires. Le Dr Bovet s'était tourné vers
la psychologie de l'enfance et s'était penché avec sollicitude
sur le douloureux problème de la délinquance juvénile. L'expérience
qu'il avait acquise dans le domaine de la psychiatrie
infantile le désignait pour être attaché, en qualité de chargé
de cours, à l'Institut des sciences de l'éducation qui tint à
s'assurer, en 1949, les bénéfices de sa compétence.
Les obsèques du Dr et de Mme L. Bovet à Lausanne furent
l'objet d'une cérémonie émouvante. L'Université y fut représentée
par M. André Rey, professeur à l'Institut des sciences
de l'éducation.
Nous renouvelons aux enfants du Dr et de Mme Lucien
Bovet, l'assurance de notre respectueuse sympathie.
Le 1er septembre 1951 est décédé à Davos, où il passait ses
vacances, M. Ernest DELAQUIS, professeur honoraire de
notre Université. Né à Alexandrie en Egypte, le défunt avait
étudié le droit en Allemagne et professé dans plusieurs universités
de ce pays. Le Conseil fédéral l'appela pour remplir le
poste de Chef de division au Département fédéral de justice et
police et l'Université de Berne lui octroya le titre de professeur
honoraire, en 1919. Il quitta ses fonctions à Berne pour aller
enseigner quelques années le droit germanique à l'Université
de Hambourg, ville où il remplit simultanément les fonctions
de consul général de Suisse. Lorsqu'il rentra au pays, l'Université
de Genève tint à se l'attacher, en 1934, en qualité de professeur
honoraire. Appelé au poste de secrétaire général de la
Commission internationale de droit pénal et pénitentiaire,
il retourna s'établir à Berne, où il reprit aussi son activité universitaire.
Ses ouvrages juridiques lui ont valu une importante
notoriété et nombreux sont les services qu'il a rendus à notre
pays.
Le 18 août 1951 est décédé M. Louis GIELLY, ancien
professeur à la Faculté des lettres. Licencié ès lettres classiques,
il fit des voyages à Paris, à Sienne, à Florence, ailleurs encore,
qui lui permirent de se spécialiser dans l'étude des arts. Après
un long séjour de quinze ans en Italie, il revint à Genève et fut
nommé Conservateur des Beaux-Arts au Musée d'Art et
d'Histoire. En 1927, il fut agréé en qualité de privat-docent
pour l'histoire de l'art, puis chargé officiellement de cet enseignement,
enfin nommé professeur extraordinaire en 1941. Critique
d'art fort avisé, il a laissé entre autres des études remarquables
sur l'école de peinture siennoise; ces études lui valurent une
grande renommée parmi les historiens de l'art. Son histoire
de L'Ecole de peinture genevoise, parue en 1935, connut un
vif succès et se trouve sur les rayons de maintes bibliothèques
genevoises.
Le 11 septembre 1951, après une longue et douloureuse
maladie, s'éteignait M. Georges MOTTIER, qui avait été
pendant plusieurs années privat-docent de philosophie à la
Faculté des lettres et, en janvier 1951, chargé d'un enseignement
philosophique à l'Université de Berne. Lors de la cérémonie du
Dies de l'année dernière, j'avais eu le plaisir de lui remettre
au nom de l'Université le prix Amiel pour 1951. Sa disparition
prématurée laisse un grand vide dans l'école philosophique
genevoise, privée ainsi d'une de ses jeunes forces.
L'Université s'incline respectueusement devant la douleur
de Mme Mottier et de sa famille, si cruellement frappées par
ce deuil.
A cette liste de professeurs et de savants que la mort a
enlevés à l'Université, je dois ajouter encore trois privat-docents.
M. Paul REIWALD, décédé au début du mois d'août
1951, avait enseigné de 1945 à 1950 la psychologie de l'individu
et de la foule, à la Faculté des sciences économiques.
M. Michel GRODENSKY, décédé le 14 avril 1952, avait
enseigné durant de nombreuses années la philosophie du droit
à la Faculté de droit.
Enfin le docteur Rista MITKOVICH, privat-docent à la Faculté
de médecine depuis 1910, est disparu le 23 décembre 1951.
Ses cours de criminologie, complétés par des visites de prisons,
étaient particulièrement appréciés par les étudiants de la Faculté
de droit.
Que les familles de ces trois privat-docents soient assurées
de notre sympathie.
La mort a encore frappé dans les rangs de nos docteurs
honoris causa:
M. Ernest ZAHN, docteur ès lettres h.c., s'était fait
un nom dans la littérature alémanique; il a disparu en février
1952.
L'Université a eu aussi le chagrin de perdre trois étudiants:
M. André BETCHOV, étudiant en chimie, fils de notre collègue
le Dr Nicolas Betchov, chargé de l'enseignement de l'hygiène
à l'Ecole d'architecture; M. Maher KAYLANI, étudiant en
sciences économiques et sociales, et récemment M. Pierre
JACOUBSON, candidat en médecine. Que leurs familles soient
certaines de la sympathie des facultés auxquelles ils appartenaient
et de celle de l'Université entière.
L'Université a eu aussi le regret d'enregistrer la démission
de plusieurs collègues
La Faculté de médecine s'est réunie le 4 juillet 1951 autour
de M. le professeur Oscar Wyss, appelé à la chaire de
physiologie de Zurich, pour lui exprimer sa reconnaissance et
lui dire ses regrets de le voir quitter sou enseignement à Genève.
Le Conseil d'Etat lui a conféré le titre de professeur honoraire.
L'Institut des Hautes Études internationales a été privé
d'un de ses directeurs par la démission de M. le professeur Paul
MANTOUX. Dr ès lettres, ancien professeur à l'Université de
Londres, M. P. Mantoux dirigea plusieurs années la section
politique du Secrétariat de la Société des Nations. En
1927, il fut appelé à la direction de l'Institut des Hautes
Études internationales qui venait d'être créé avec l'appui
financier de la Fondation Rockefeller. Pendant 25 ans, il enseigna
à cet institut et il en remplit, en collaboration étroite avec
M. le professeur Rappard, les fonctions de directeur, avec
une compétence et une bienveillance que tous se plaisent
à reconnaître. Le 1er juillet 1951, les professeurs et anciens
professeurs à l'Institut, le personnel administratif et de nombreux
étudiants, anciens et actuels, lui ont témoigné leur admiration
et leur gratitude. Le recteur, empêché d'assister à cette cérémonie,
avait envoyé un message.
Nous renouvelons à M. Paul Mantoux notre témoignage
d'estime et de reconnaissance et nos voeux l'accompagnent
dans sa retraite.
M. le professeur Albert MALCHE, ayant atteint la limite
d'âge, a quitté son enseignement en juillet 1951 et le
Conseil d'Etat lui a conféré le titre de professeur honoraire.
Le 10 juillet, la Faculté des lettres a organisé un dîner en son
honneur et en l'honneur de M. le professeur Antoine
VELLEMAN qui quittait ses fonctions d'administrateur de l'Ecole
d'interprètes; de nombreux amis et élèves s'étaient joints
au corps professoral. M. le professeur de Ziégler, doyen
de la Faculté des lettres, eut le privilège de rappeler la carrière
de M. le professeur Albert Malche et de mettre en valeur l'homme
et le pédagogue et il évoqua les services éminents qu'il a
rendus à l'Université et au pays tout entier. Privat-docent
en 1910, M. Malche fut chargé de l'enseignement de la
pédagogie en 1912, en qualité de professeur ordinaire; il occupa
cette chaire avec distinction pendant 40 ans et il exerça une
influence importante sur l'instruction primaire de notre canton;
de 1918 à 1920, ii fut secrétaire du Sénat. et se fit apprécier dans
ce poste par son talent et son amabilité coutumière.
Le doyen de la Faculté des lettres adressa ensuite les félicitations
et les chaleureux remerciements de l'Université à
M. le professeur Antoine Velleman, le créateur, puis l'animateur
de l'Ecole d'interprètes dont le succès va grandissant.
Nous adressons à MM. les professeurs Albert Malche et
Antoine Velleman nos félicitations et nos souhaits pour une
retraite longue et féconde.
La Faculté des lettres a encore eu le regret, d'enregistrer
la démission de M. Denis VAN BERCHEM, professeur extraordinaire
de littérature latine, qui a préféré quitter son enseignement
pour se consacrer complètement à ses études
personnelles.
Enfin M. Marcel ROESGEN a renoncé à sa charge d'enseigner
l'éclairagisme à l'Ecole d'architecture.
Dans quelques jours, nous devrons nous séparer de deux
collègues qui ont atteint eux aussi la limite d'âge: M. Alexis
FRANÇOIS, professeur ordinaire d'histoire de la langue française
à la Faculté des lettres, et M. le docteur Charles
JULLIARD, professeur extraordinaire de médecine des accidents
à la Faculté de médecine et professeur de chirurgie à l'Institut
de médecine dentaire. Ce n'est pas encore le moment d'exposer
la carrière de ces deux collègues.
Après cette longue énumération de décès et de démissions,
il convient de parler de ceux qui sont venus renforcer le corps
professoral de l'Université.
J'ai le plaisir d'annoncer que M. le professeur Jean
KARAMATA, qui assurait la suppléance du regretté professeur
Rolin Wavre dans la chaire de mathématiques supérieures, a
pu être attaché définitivement à notre Université. Nous en
sommes particulièrement heureux pour la Faculté des sciences.
À la Faculté de médecine, la chaire de physiologiste a été
confiée à M. Jean POSTERNAK en qualité de professeur
ordinaire. Après avoir étudié la médecine à Genève, M. Posternack
fut, à Lausanne, l'élève du professeur Hauduroy,
puis celui du professeur Fleisch qui l'initia à la physiologie.
M. Posternak a fait un premier séjour aux Etats-Unis, en
qualité de boursier, à l'Université de Pennsylvanie à Philadelphie;
puis il retourna en qualité, cette fois-ci, de professeur
adjoint du Département de pharmacologie à la même Université.
C'est alors qu'il occupait ce poste que la Faculté de médecine
lui offrit la succession du professeur Oscar Wyss qui venait
de quitter Genève.
M. Robert DOTTRENS a été désigné pour occuper la
chaire de pédagogie générale et d'histoire de la pédagogie en
qualité de professeur ordinaire. Il succède ainsi à son maître
M. le professeur Albert Malche.
Mlle Esther BRÉGUET, chargée de l'enseignement de la
grammaire latine a été promue au titre de professeur
extraordinaire.
M. Alexandre BERENSTEIN et M. Edmond MARTIN-ACHARD,
chargés de cours, ont été, eux aussi, nommés professeurs
extraordinaires; le premier, pour exposer le droit du
travail; le second, pour enseigner les problèmes que pose la
propriété intellectuelle.
La Faculté de médecine s'est enrichie de deux chargés de
cours nouveaux: le Dr Roger Fischer enseignera la transfusion
sanguine et le Dr Marcel Monnier, l'électro-encéphalographie.
Plusieurs privat-docents ont été agréés et viendront compléter
les enseignements officiels; ce sont:
à la Faculté des lettres, M. Reymond TSCHUMI: littérature
anglaise;
à la Faculté des sciences: MM. Fritz Ducommun (pharmacie),
George Béné et Robert KELLER (physique);
à la Faculté de médecine enfin: les Drs Rudi OBERHOLZER
(physiologie), David KLEIN (génétique humaine) ei Raymond
MARTIN-DU-PAN (pédiatrie).
Quelques nominations ont permis de compléter aussi les
cadres de nos instituts universitaires:
A l'Institut des sciences de l'éducation, le Dr Harry
FELDMANN s'est vu confier la succession du regretté Lucien
Bovet pour l'enseignement de la psycho-pathologie de l'enfance.
A l'Ecole d'architecture, des modifications du règlement
ont eu pour conséquence de transformer le titre de chargé de
cours en celui de professeur attaché à la dite école. Ce fut le
cas pour M. Louis VILLARD (acoustique), pour le Dr Nicolas
BETCHOV (hygiène) et pour M. Hugo SAINI (enseignement
de l'éclairage et des installations à courants faibles).
Plusieurs de nos professeurs ont reçu des distinctions honorifiques
ou des appels flatteurs par des universités étrangères:
M. le professeur Charles WERNER a été nommé docteur
honoris causa de l'Université d'Aix-en-Provence et M. le professeur
Paul WENGER, doyen de la Faculté des sciences, docteur
honoris causa de celle de Sao Paulo au Brésil.
Le prix Marcel Benoist pour 1950 a été décerné à M. le
professeur Emile GUYÉNOT.
Nous adressons publiquement nos félicitations à ces collègues.
M. le professeur Paul WENGER a été invité à donner une
série de leçons de chimie analytique et de conférences à l'Université
de Sao Paulo et il s'est rendu à deux reprises à Belgrade
pour y faire aussi des conférences et y professer quelques cours
sur la même discipline.
M. le professeur Edouard PARÉJAS a été appelé, au
début de l'année, à faire une étude géologique des gisements
de pétrole du Canada et il a présenté un série de conférences
devant les Sociétés savantes de ce pays. Ce fut pour lui l'occasion
de resserrer des liens précieux pour nos jeunes géologues.
M. le professeur Paul COLLART a été appelé à la direction
de l'Institut suisse de Borne, la villa Maraini, et il avait
obtenu le congé nécessaire. Malheureusement, les démarches
entreprises pour assurer sa suppléance à Genève et à Lausanne
n'ont pas été couronnées de succès et il a dû renoncer à la direction
qui lui était offerte. Nous le regrettons vivement, autant
pour lui que pour l'Université.
Mlle Kitty PONSE, professeur extraordinaire à la Faculté
des sciences, a obtenu un congé d'une année, pour aller
visiter aux Etats-Unis les maîtres de l'endocrinologie américaine
et donner une série de leçons à l'Université de Montréal
au Canada.
D'autre part, grâce à la générosité de la Fondation Rockefeller,
M. le professeur Hans KELSEN, de l'Université de
Californie, donnera un enseignement de droit international
à l'Institut des Hautes Etudes internationales durant l'année
1952/1953.
De nombreux professeurs suisses ou étrangers ont occupé
momentanément l'une ou l'autre des chaires de nos facultés
ou sont venus présenter des conférences à l'Aula. Le rapport
administratif en donnera la liste, que vous me permettrez de ne
point vous lire pour abréger ce discours que je crains déjà
devoir être fort long.
Je mentionnerai toutefois la visite récente que nous a faite
un groupe de professeurs et de juristes de Montpellier, qui ont
été reçus par le recteur et par leurs collègues de la Faculté de
droit. Les relations entre les Universités de Montpellier et de
Genève sont anciennes et les visites réciproques tendent à
devenir une tradition
Dans quelques instants nous aurons encore le plaisir
d'accueillir les membres de la Faculté des lettres de l'Université
de la Sarre.
Nous nous félicitons de ces échanges culturels qui ne peuvent
que nous enrichir et faciliter la compréhension réciproque entre
personalités diverses.
Dans cet ordre d'idées, je suis heureux de faire connaître
que, grâce à l'appui de l'Etat, nous avons pu offrir, cette année,
9 bourses d'échanges; ainsi, nous avons pu recevoir 8 boursiers
étrangers tandis que 10 boursiers genevois ont pu aller se
perfectionner et compléter leurs études dans diverses universités
étrangères.
Nous sommes aussi heureux d'avoir vu revenir un groupe de
jeunes filles du Smith College, dirigé cette année par Mmes
Kofka et Davinroy, avec lesquelles nous avons eu d'excellentes
relations. L'Université s'est efforcée de réaliser quelques-uns
des désirs dont elles nous avaient fait part et, malgré certains
bruits que l'on a fait courir, nous avons l'espoir de recevoir
un nouveau groupe l'année prochaine.
Un comité d'initiative, présidé par M. le professeur
Babel et appuyé par un comité de patronage, a été organisé
dans le but d'essayer de créer d'autres groupes analogues parmi
les jeunes gens. M. le professeur Newburn, président de
l'Université d'Oregon, de passage à Genève, a été vivement
intéressé par ce projet et se propose d'en parler à la conférence
des présidents des universités américaines.
Puisque nous parlons de relations étrangères, je saisis
l'occasion pour adresser les remerciements de l'Université à la
directrice, Mlle Violette Balmer, et aux membres du Comité de la
Maison internationale des étudiants, présidé par M. Guillaume
Fatio. Cette année encore, ils ont su créer dans leur
maison un véritable home international où se lient des amitiés
que nous souhaitons durables. L'Université se plaît à reconnaître
les nombreux services que lui rend la Maison des étudiants.
Les remerciements de l'Université vont aussi à Mme Champ-Renaud,
directrice du Foyer des étudiantes, qui rend de
précieux services en créant un foyer familial à une vingtaine de
jeunes filles.
L'Université a été invitée à diverses manifestations commémoratives
par plusieurs Universités étrangères; le plus souvent
elle a dû se borner à l'envoi d'une adresse ou d'une lettre de
félicitations.
Toutefois, elle a été représentée à Bologne par M. le
professeur STELLING-MICHAUD à la cérémonie du 800e anniversaire
du décret de Gratien, qui est le décret de fondation du
droit canon; l'Université de Bologne nous a fait parvenir son
«magnum sigillum» qui sera déposé précieusement dans les
armoires de nos archives; nous souhaitons à ce propos qu'il soit
possible d'organiser un jour une salle d'exposition, comme il en
existe dans de nombreuses Universités.
En septembre, M. le professeur Antony BABEL nous
représentera aux fêtes jubilaires du centenaire de l'Université
Laval, à Québec, au Canada.
Le recteur a assisté à cieux manifestations d'estime et
d'amitié organisées en l'honneur de professeurs fêtant une date
importante de leur activité.
Le 28 février 1952, la Faculté de droit, en commun avec les
facultés de Lausanne et de Neuchâtel, a organisé une cérémonie
en l'honneur des quarante années d'enseignement du professeur
Georges SAUSER-HALL. Cette cérémonie était honorée de la
présence de M. Max Petitpierre, Conseiller fédéral, de Son
Excellence le ministre de Turquie, des recteurs, des doyens
des trois universités et de plusieurs autres personnalités. Chacun
à son tour a présenté à notre collègue ses félicitations pour
l'oeuvre accomplie et ses remerciements pour les services rendus
au pays. Un recueil de mélanges juridiques a été remis au professeur
Sauser-Hall, qui a remercié avec infiniment de bonhomie
et une grande modestie.
Ce fut dans une manifestation tout intime à la clinique de
pédiatrie que les élèves de M. le professeur Pierre GAUTIER ont
fêté le trentième anniversaire de sou enseignement. L'Université
était représentée par le recteur et par M. le professeur
Fernand Chatillon, doyen de la Faculté de médecine; ils ont
adressé à leur collègue quelques mots de félicitations.
Nous renouvelons publiquement à MM. les professeurs
Sauser-Hall et Pierre Gautier les félicitation et les remerciements
de l'Université.
Le recteur estime qu'il est de sou devoir de représenter,
autant qu'il est possible, l'Université aux manifestations de la
vie genevoise en général, de sa vie intellectuelle en particulier.
Il lui semble qu'une politique de présence, c'est-à-dire d'intérêt,
doit être celle de notre Haute Ecole.
C'est ainsi que le recteur a assisté à l'inauguration de la
Bibliothèque des Beaux-Arts, magnifiquement installée par la
Ville de Genève dans l'immeuble Plantamour à la promenade du
Pin. La centralisation des bibliothèques consacrées aux Arts,
à proximité de l'Ecole d'architecture et de celle des Beaux-Arts,
constitue un sérieux progrès, qui facilitera grandement le travail
des étudiants et des érudits. Nous félicitons la Ville de ce nouveau
témoignage de sa sollicitude pour la vie intellectuelle de notre
canton.
Le recteur a tenu aussi à assister aux premières des conférences,
organisées à l'Aula à l'adresse des étudiants, par la
Nouvelle Société Helvétique, groupe de Genève. Le thème général
de ces conférences était «La vie démocratique suisse
d'aujourd'hui». Parmi les orateurs, nous ne voudrions pas
omettre de citer M. Max PETITPIERRE, Conseiller fédéral,
et M. Albert Picot, Conseiller d'Etat.
L'Université a été cette année encore, l'objet de dons généreux.
L'International Business Machines Corporation a offert
tout l'appareillage nécessaire à l'installation de la salle de
traductions simultanées dont l'Ecole d'interprètes a le plus
grand besoin. Il s'agit d'un magnifique don d'une valeur de
30.000 francs. Les dix cabines isolées et la salle de travail
nécessaires à la réception de ces appareils seront installées
dans un local occupé autrefois par l'Institut de physique
Nos remerciements chaleureux vont à M. Watson, directeur
général, et à M. Herzog, directeur de l'extension suisse
de l'International Business Machines Corporation, dont la
générosité nous permet de résoudre un problème qui nous
préoccupait.
Les Laboratoires Vifor ont alloué un crédit de 2000 francs
pour les recherches scientifiques qui se poursuivent à la clinique
de dermatologie dirigée par M. le professeur Jadassohn.
Le Lion's Club a renouvelé son don généreux d'une bourse
de 500 fr.
Enfin, un généreux anonyme a offert la somme de 250 francs
pour une bourse de voyage que le jury de l'Ecole d'architecture
décernera cette année à l'occasion du dixième anniversaire de sa
création; à cette même occasion, le prix de croquis a pu être
transformé en un concours, grâce à la générosité de la Ville et de
l'Etat.
Plusieurs instituts ou cliniques ont bénéficié encore de subventions
ou de crédits alloués par diverses fondations suisses,
ce dont nous nous félicitons pour eux.
Cela m'incite à dire quelques mots du Fonds national de
la recherche scientifique, dont la création a été approuvée par les
Chambres fédérales et dont l'organisation se poursuit activement.
Les statuts instituent un Conseil de fondation où sont représentées,
par un ou deux délégués suivant les cas, l'Ecole polytechnique
fédérale, les Universités et les grandes sociétés
savantes, les autorités fédérales et cantonales et plusieurs
institutions culturelles ou économiques. Chaque université
a donc été appelée à désigner ses deux représentants
au Conseil de fondation et le Sénat a porté son choix sur
MM. les professeurs Georges Tiercy et Paul-Edmond Martin.
Un Conseil national de recherches sera choisi parmi les membres
du Conseil de fondation: pour cette élection, il est prévu une
commission électorale dans laquelle chaque université sera
représentée par un délégué; le Sénat a désigné à cette fin le
professeur E. Bujard. Enfin, chaque université doit organiser
une commission universitaire de recherches qui étudiera les
demandes de subvention formulées par ses membres et les transmettra
avec son préavis au Conseil national de recherches, qui
statuera. Cette commission sera présidée par le vice-recteur;
elle comprendra MM. les professeurs Georges Tiercy et
Paul Wenger (Faculté des sciences), Victor Martin (Faculté
des lettres), Claude Terrier (Faculté des sciences économiques
et sociales), Walter Yung (Faculté de droit), Erwin Rutishauser
et Adolphe Franceschetti (Faculté de médecine), Auguste
Lemaître (Faculté de théologie).
Il y a tout lieu de penser que Je nouvel organisme qu'est le
Fonds national de la recherche scientifique pourra entrer en
fonctions dès cet automne et qu'il rendra de grands services à
la science suisse, à l'instar des Fonds nationaux qui existent
déjà depuis plusieurs années dans d'autres pays.
Parmi nos bienfaiteurs, je n'aurais garde d'oublier la Société
académique dont l'aide généreuse continue d'année en année;
je relève dans le dernier rapport de cette société, présidée
actuellement par M. Roger Firmenich, que les allocations
décidées par son Comité se sont élevées à plus de 33.000 fr., sans
tenir compte ni des versements considérables faits en faveur de
l'Institut de physique, ni des prélèvements effectués sur le
fonds Victor Martin réservé pour ses recherches de papyrologie.
Une fois de plus, nous exprimons la gratitude de l'Université à la
Société académique pour son aide à la fois matérielle et morale.
Tandis que la Société académique s'efforce de pourvoir aux
besoins de nos séminaires et de nos instituts, l'Association des
anciens étudiants, sous l'impulsion de son dynamique président,
M. le professeur Baumann, se penche sur les soucis matériels
et surtout moraux des étudiants. Avec l'approbation du
Bureau du Sénat, cette association a créé un comité de patronage
qui rend déjà de précieux services. Sans commettre aucune
indiscrétion, je puis dire qu'il a pu intervenir dans un certain
nombre de cas et qu'il a pu trouver une solution favorable à
des soucis moraux d'une gravité exceptionnelle. Nous sommes
heureux de cette action si utile; en attendant que les circonstances
permettent la création d'un service social universitaire
dont le besoin se fait déjà sentir. Il est inutile de dire que ce
comité de patronage travaille en collaboration étroite avec
l'Office d'entr'aide de l'Université et l'Association générale
des étudiants.
L'Association des anciens étudiants caresse un grand projet,
celui de la création d'une «Cité Universitaire», en faisant appel
à l'initiative privée. Elle a créé dans ce but un comité d'action,
patronné par le Bureau du Sénat. Le besoin d'une cité universitaire
est autant moral que matériel. Dans l'idée des initiateurs,
il est nécessaire de sortir de leur isolement de nombreux étudiants
et de créer entre ressortissants de nationalités diverses
des «groupes familiaux», sous la présidence d'une personne
responsable; dans ces groupes les étudiants apprendront à mieux
se connaître que cela leur est possible dans les auditoires et les
laboratoires, où leurs préoccupations sont tendues vers les études
indispensables à leur carrière future.
La tâche première du comité est de trouver un terrain
favorable, à la périphérie de la ville, terrain que l'Etat a promis
d'offrir à la Cité. Il s'agira ensuite de réunir les fonds privés
nécessaires à la construction dont les étudiants ambitionnent
de se charger en partie, comme l'on fait leurs camarades finlandais.
Nous souhaitons de tout coeur que cette entreprise puisse
se réaliser bientôt; il ne faut pas oublier cependant qu'il s'agit
d'une oeuvre d'avenir et que trop de hâte peut conduire à des
erreurs compromettant cet avenir et c'est bien ici l'opinion
des initiateurs.
Nous mentionnerons encore la création, avec l'approbation
du Bureau du Sénat, du «fanion universitaire», dont la vente
montre le succès indéniable auprès des étudiants; ceux-ci sont
heureux d'emporter cet emblème de l'Alma mater; car c'est là
une coutume dans beaucoup d'Universités de l'étranger.
Me serait-il permis, devant l'oeuvre précieuse des deux
sociétés amies que sont la Société académique et l'Association
des anciens étudiants, de regretter que trop de personnes, qui
doivent leur situation aux études universitaires qu'elles ont
faites dans notre Alma Mater, se tiennent éloignées alors que leur
cotisation, après tout modeste, permettrait d'accomplir toujours
mieux les tâches si différentes auxquelles se sont consacrées ces
deux sociétés.
Puisque nous parlons construction de projets d'avenir, il est
temps de vous dire où en sont les travaux d'agrandissement.
et de transformation de l'Université. Le nouvel Institut de
physique est achevé ou peu s'en faut. Son inauguration, prévue
pour le 1er mai, a été toutefois renvoyée parce que certains
travaux d'aménagement n'étaient pas encore complètement
terminés et du fait de la maladie de M. le professeur
François Pfaeffli, le président de la commission de construction,
qui s'était dépensé pour cette oeuvre avec son dévouement
habituel. M. le professeur Richard Extermann n'a pas encore
pu utiliser le grand auditoire pour son cours de physique générale,
question d'éclairage; il donne encore son enseignement
dans son ancien auditoire. Cependant, les travaux pratiques pour
les étudiants ont pu être organisés dans le nouveau bâtiment
et la section de recherches est déjà en pleine activité.
A l'étage inférieur du nouvel Institut, de magnifiques
laboratoires ont été consacrés â la biophysique, à proximité
immédiate du Centre de microscopie électronique; ce dernier
est ouvert à tous les chercheurs que cette nouvelle technique
d'investigation peut intéresser.
Le déménagement de l'Institut de physique a posé le problème
de l'utilisation des locaux devenus vacants dans le bâtiment
des Bastions. Dès l'automne, la Commission administrative
de l'Université s'en est occupée et des plans ont été établis avec
la collaboration de M. Ernest Martin, architecte. Ces plans
ont été approuvés par les autorités universitaires et les départements
intéressés. Ils ont été étudiés en tenant compte de l'occupation
par l'Université du bâtiment actuel du Musée d'histoire
naturelle dans un avenir que nous voulons croire pas trop
éloigné. Les plans qui ont été élaborés prévoient une concentration
des services administratifs, actuellement dispersés un
peu partout au rez-de-chaussée. Cette concentration facilitera
la coordination du travail et diminuera les pertes de temps qui
sont la conséquence de l'éloignement des divers bureaux. Une
nouvelle salle du Sénat sera créée, plus spacieuse que l'actuelle
et de meilleur goût; de grands auditoires et quelques salles
de conférence seront aménagés pour répondre à un besoin qui
devient chaque jour plus pressant. Une salle sera réservée aux
étudiants et l'Unibar sera modifié pour être mis en communication
directe avec cette salle; cela permettra de débarasser le
hall de l'Université des tables qui l'encombrent et qui n'ajoutent
rien à sa décoration. Il est prévu enfin un vestiaire ouvert — nous
faisons confiance aux étudiants — à moins que l'Association
Générale ne préfère chercher le moyen d'organiser une garde
pour ce vestiaire.
Comme je l'ai dit plus haut, l'Ecole d'interprètes recevra
la salle de traductions simultanées qu'elle souhaite depuis longtemps
et son administration pourra quitter l'appartement
qu'elle occupe à la rue Saint-Victor, ce qui fera une notable
économie.
Les plans sont au point, la demande des crédits nécessaires est
déposée devant le Grand Conseil et il ne reste plus qu'à souhaiter
que ces crédits soient accordés assez tôt pour que les travaux
puissent commencer au cours de l'été, afin de mettre le plus vite
possible à la disposition de l'Université quelques-uns des locaux
dont elle a le plus grand besoin.
Ceci m'oblige à plaider, une fois de plus, en faveur de la mise
en chantier du nouveau bâtiment destiné à l'Institut d'hygiène
et pour lequel un premier crédit avait été voté il y a quelques
années. La construction de ce nouvel Institut intéresse l'Université
tout entière, car elle désire loger dans le bâtiment du quai
de l'Ecole de Médecine plusieurs instituts de la Faculté des
sciences, qui manquent de locaux ou ne disposent que de locaux
peu commodes; je pense aux sciences mathématiques, à la
zoologie, à d'autres encore. Je pense aussi à l'Institut d'hygiène
et de bactériologie, qui s'est vu priver, par la force des circonstances,
de plus de la moitié des locaux qui lui avaient été réservés
en 1917 dans le bâtiment actuel. La place manque d'autant plus
au Service de bactériologie que celui-ci a été reconnu récemment
comme Centre national pour l'étude des virus de la grippe et
que ce centre travaille en relations étroites avec l'Organisation
mondiale de la Santé. Nous en profitons pour féliciter M. le
professeur Edmond Grasset du succès que constitue cette
reconnaissance.
Le bâtiment des Policliniques est aussi près de son achèvement
et sa mise en service ne saurait tarder encore longtemps.
Nous nous en réjouissons autant pour la population genevoise
qui abandonnera sans regret le chemin des bâtiments vétustes
de l'avenue du Mail, que pour nos collègues de la Faculté de
médecine qui jouiront de locaux modernes bien aménagés.
Nous souhaitons que les étapes suivantes de la reconstruction
de notre très vieil hôpital et de ses annexes puissent se poursuivre
à un rythme accéléré, autant dans l'intérêt des malades que
dans celui des médecins.
Plusieurs diront sans doute que le recteur demande beaucoup.
Cela est vrai. Mais n'est-ce pas là Je devoir du recteur, s'il a le
souci de l'Université, dont on lui a fait l'honneur d'assumer la
responsabilité, et s'il est ambitieux, de la voir prospère? Pour
cela ne doit-il pas désirer que notre Haute Ecole, soit pourvue
des locaux et des instruments de travail dont ses maîtres ont
le besoin le plus pressant?
Plusieurs facultés ont procédé à des modifications partielles
de leur règlement; il s'agit de questions de détail, ayant souvent
pour but de renforcer la difficulté de quelques examens, afin de
maintenir ou de rehausser la valeur de nos diplômes. Vous me
permettrez de passer sans insister sur ces revisions de règlements.
Je signalerai toutefois la création, par la Faculté des sciences,
d'un Certificat d'études en pharmacie médicale que peuvent postuler
les porteurs, soit du diplôme fédéral, soit du diplôme
universitaire de pharmacien. Le programme de ce certificat,
le premier en Suisse de ce genre, permet aux candidats d'acquérir
certaines notions médicales de base qui sont devenues indispensables
et qui ne figurent pas au programme du diplôme.
La Loi sur l'Instruction publique a subi des modifications
importantes, approuvées ce printemps par le Grand Conseil.
L'une (art. 95 et 96) concerne la Faculté autonome de théologie.
Les professeurs de cette faculté avaient vu leur rôle
universitaire diminué par le statut qui consacrait l'autonomie
de la faculté de théologie vis-à-vis de l'Etat. L'enchevêtrement
des programmes; maintes questions, administratives ou autres,
rendaient cette situation désagréable tant psychologiquement
que pratiquement. Aussi le Sénat a-t-il souhaité que la Faculté
de théologie et ses professeurs soient mis sur le même rang que
les autres facultés et que les autres professeurs. C'est ce que la
loi vient de consacrer. Nous nous réjouissons de voir la Faculté
de théologie, la plus ancienne de nos facultés, reprendre au sein
de l'Université, la position d'égalité, dont elle jouissait autrefois.
Nous saluons aussi la création d'un Centre universitaire
d'études oecuméniques, qui travaillera en collaboration étroite
avec la Faculté de théologie. Celle-ci sera représentée par un de
ses professeurs dans le Conseil de ce Centre. La Faculté a créé
un nouveau type de licence: la licence avec mention oecuménique.
Une autre modification de la Loi sur l'Instruction publique
(art. 83) concerne la création d'une nouvelle catégorie de professeurs,
les professeurs associés d'une faculté. Je dis bien: associés
d'une faculté et non pas de l'Université, car il y a là une nuance
importante. Depuis bien des années, certaines facultés regrettaient
de ne pouvoir reconnaître le travail pédagogique et les
recherches scientifiques de chargés de cours et de privat-docents
et avaient demandé la création d'un titre honorifique correspondant
à celui de «Titular Professor» des universités alémaniques.
Aujourd'hui c'est chose faite. Toutefois le titre de professeur
d'une faculté ne sera attribué qu'exceptionnellement pour reconnaître
la valeur et les mérites d'un chargé de cours ou d'un privat-docent
qui aura enseigné avec succès durant huit années au
moins et qui se sera fait remarquer par la qualité de son travail
scientifique. Le Bureau du Sénat a décidé de n'étudier aucune
proposition de cet ordre avant la prochaine année universitaire
1952-1953 et il a prié les facultés de renvoyer à ce moment les
suggestions qu'elles auraient à formuler.
L'Université a offert l'hospitalité aux sixièmes Rencontres
Internationales, présidées par notre collègue, M. le professeur
Antony Babel avec la compétence qu'on lui connaît; le
thème de ces Rencontres était La connaissance de l'homme au
XXe siècle.
Elle a aussi prêté son auditoire A divers congrès et réunions
scientifiques.
Comme d'habitude, l'année universitaire a été ouverte à
l'Aula par une brève allocution du recteur, suivie cette année
d'une causerie de M. le professeur Wenger, qui nous a parlé
de ses «Impressions brésiliennes».
Les conférences générales du jeudi ont été divisées l'hiver
dernier en deux séries; la première série a été consacrée à une
suite d'exposés sur Quelques problèmes du travail; la seconde,
organisée sur la demande et avec la collaboration des communautés
de travail de l'AGE, a traité de ce sujet difficile de l'objectivité.
Comme l'année dernière, je noterai que ces conférences
connaissent un succès certain auprès du grand public, auquel
elles sont largement ouvertes du reste, mais que ce succès
semble moindre auprès des étudiants pour lesquels, cependant,
elles ont été instituées il y a dix ans. La fréquentation des étudiants
paraît insuffisante surtout lorsqu'il s'agit d'un sujet
d'actualité qu'ils ont demandé eux-mêmes d'entendre exposer
par des personnalités compétentes.
Le Bureau du Sénat a prévu pour l'hiver prochain une première
série de sept conférences, où parlera sur un sujet scientifique
un représentant de chacune des six facultés et de l'Ecole
d'architecture; une seconde série, de cinq conférences probablement,
aura pour thème général: peinture et musique, thème
proposé par l'Association générale des étudiants. Cette seconde
série sera suivie de discussions au sein des communautés de travail.
Plusieurs facultés ont aussi organisé des groupes de conférences
sur un sujet particulier: les Journées thérapeutiques,
présidées par M. le professeur Georges Bickel, ont connu le
succès qui leur est habituel. Le même succès a été remporté
par la Journée chirurgicale organisée par M. le professeur
Albert Jentzer avec, comme objet, cette nouvelle technique
de mise au repos du système neuro-végétatif qui est connue sous
le nom d'«hibernation artificielle».
Nous mentionnerons aussi la belle série de conférences présentées
sous les auspices du Centre d'études orientales, qui,
sous l'administration de M. le professeur Nagel, possède une
réjouissante activité.
J'ai gardé pour la fin une importante manifestation de l'Ecole
d'architecture; je veux parler de son exposition de travaux,
organisée au Musée Rath à l'occasion du dixième anniversaire
de la création de cette école.
Le nombre de nos étudiants s'est maintenu depuis l'année
dernière. Le semestre d'hiver 1951/52 a compté 2241 étudiants
réguliers, dont 1069 suisses et 1172 étrangers, et 394 auditeurs,
soit un total de 2635 inscriptions. Cette grande proportion
(52%) d'étudiants étrangers provenant de 51 pays, et, par
conséquent, de races, de langues, de confessions et d'opinions
différentes, donne à notre Université un caractère cosmopolite
que je crois pouvoir dire unique au monde. Je ne pense pas qu'il
existe ailleurs une université dont la population estudiantine
soit si diverse et où les nationaux sont en minorité. Cela crée
un climat particulier dont il faut tenir compte pour maintenir
un esprit de tolérance et de concorde entre des ressortissants de
pays si différents. Cela impose à l'Université une attitude
qui n'est pas toujours comprise de chacun, mais qui est nécessaire.
L'Université doit pouvoir examiner objectivement toute
question en restant au-dessus des discussions partisanes. Ce
n'est pas seulement un devoir pour elle à l'égard des hôtes qu'elle
reçoit de toutes parts, mais c'est aussi une nécessité vitale, comme
la neutralité est une nécessité vitale pour notre pays. Cette
extrême diversité explique aussi en partie le peu de contact
et de cohésion qu'il y a entre les divers groupes d'etudiants
suisses et étrangers.
Aussi saluons-nous avec un plaisir particulier tous les efforts
faits soit par l'Association générale, soit par tel ou tel groupe
d'étudiants pour essayer de rendre plus cordiales les relations
entre ressortissants de tous pays.
Je pense à la promenade surprise organisée il y a quelques
jours par trois Zofingiens dans le but d'apprendre à mieux
connaître leurs camarades confédérés et étrangers et aussi dans
l'idée de leur faire connaître notre beau canton. J'ai appris que
cette promenade avait été une réussite complète, et je félicite
ses organisateurs de leur initiative.
Je pense aussi à ces entretiens organisés par l'Association
générale, à la Maison Internationale, sous le titre «De vous à
nous», au cours desquels, un soir, un étudiant iranien et un
autre soir une étudiante de l'Inde ont parlé de leur pays avec
tant d'intérêt qu'ils ont connu, eux aussi, un légitime succès.
Je ne peux qu'encourager l'Association générale dans ce travail
de compréhension réciproque.
Les rapports du rectorat avec le bureau de l'Association
générale des étudiants ont été cordiaux et animés de bonne
volonté réciproque, comme l'année dernière.
L'an passé, les étudiants avaient manifesté le désir de
participer à la cogestion de la caisse maladie, gérée par trois
professeurs. Satisfaction leur a été donnée sur ce point. En effet,
le Bureau du Sénat a accepté les suggestions faites par la commission
de cette caisse; ces propositions ont été approuvées
par le Grand Conseil et dès aujourd'hui, l'Association générale
des étudiants est représentée dans le conseil de gestion par un
candidat suisse en médecine, soumis au secret professionnel.
Il était de tradition que le recteur donnât un aperçu de l'activité
de l'Association générale des étudiants; mais cette année,
le Bureau a admis, à titre d'essai, que le rapport sur cette activité
soit présenté par le président de l'Association lui-même, à la
fin de cette séance.
Il est, cependant, un ou deux faits que le recteur se sent
obligé de relater. L'Office d'entr'aide universitaire est dirigé
avec dévouement et compréhension par MM. les professeurs
Briner et Collart, que nous remercions ici. L'oeuvre si utile,
indispensable même, de cet office est connue. On peut regretter
toutefois, que les ressources qui sont mises à sa disposition ne
suffisent pas pour lui permettre d'intervenir efficacement dans
certains cas. Ces ressources proviennent essentiellement des
bénéfices de l'Unibar, des cotisations consenties par les étudiants
et d'une somme de 3000 francs allouée par l'Etat pour la création
d'une bourse. Ces ressources sont encore insuffisantes et il y a
là une question qui doit être étudiée en toute objectivité.
Cependant, il me paraît utile de rappeler, comme je le faisais
l'année dernière, que c'est une somme annuelle très importante,
qui est dépensée sous une forme ou une autre (allocations,
exemptions de taxes, etc.) en faveur d'étudiants de mérite,
mais de faible situation matérielle.
La dernière des modifications à la Loi sur l'Instruction
publique (art. 117) apporte une aide nouvelle à l'Office d'entr'aide.
Dorénavant, les boursiers de cet Office bénéficient des
mêmes exemptions de droits de graduation que les boursiers de
la Caisse de subsides auxquels la loi ancienne réservait cette
faveur. Nous nous réjouissons de cette disposition nouvelle qui
manifeste une fois de plus la compréhension dont témoignent
nos autorités vis-à-vis de la situation difficile de quelques
étudiants.
Mais l'entr'aide n'a pas que son aspect matériel, si important
qu'il soit, elle a aussi son aspect moral. C'est à ce propos que
je voudrais féliciter l'Association des étudiants d'avoir renouvelé
sa collecte de friandises en faveur de leurs camarades du
sanatorium universitaire, et que je tiens à féliciter aussi le
groupe théâtral de Zofingue d'être monté à Leysin pour jouer
La Belle au Bois de Supervielle, que ces étudiants avaient
préparée pour leur soirée annuelle. Ce sont là gestes d'amicale
solidarité et de bonne camaraderie.
La Section sportive de l'Université, sous l'experte et dévouée
direction de M. Brechbühl, maître de sports, a connu
une activité réjouissante, mais, hélas, elle continue à avoir
beaucoup de peine à trouver les locaux qui lui sont nécessaires.
Elle a eu, ce printemps, une initiative dont je voudrais la remercier,
celle d'organiser une expédition scientifique et alpine au
Tassili des Ajjers dans le Sahara, avec comme but central
l'étude du massif du Tamrit, un massif montagneux encore
très mal connu. Cette expédition, dirigée par M. le professeur
Juge, était patronnée à la fois par la Faculté des sciences et
l'Université. Nos «explorateurs» ont rapporté une magnifique
collection de pièces et de documents concernant aussi bien
la géologie que la zoologie, sans parler de l'ethnographie.
Il en résultera un enrichissement important de nos diverses
collections.
Me voici presque au terme de cet exposé, qui a essayé de
présenter de façon succincte, quoi qu'il en paraisse, l'essentiel
de la vie de l'Université durant l'année qui s'est écoulée depuis
le Dies Academicus de 1951. Il me reste la tâche agréable entre
toutes d'adresser les remerciements de l'Université.
L'expression de ma gratitude et celle de l'Université va
particulièrement à MM. les conseillers d'Etat, Louis Casaï,
président de ce Conseil et chef du département des Travaux
publics, et Albert Picot, président du département de l'Instruction
publique. Au premier, nous devons l'achèvement de
l'Institut de physique et celui, prochain, du bâtiment des
Policliniques; nous souhaitons qu'il puisse mettre en chantier
les autres transformations dont il connaît la nécessité et nous
le remercions d'avance de tout ce qu'il fera pour accélérer ces
travaux. Au second, nous tenons à dire combien nous avons été
heureux de travailler avec lui durant les deux années qui vont
se terminer et nous le remercions de la patience et de la bienveillance
avec lesquelles il a écouté les propositions et parfois les
réclamations que j'ai eues à lui formuler, au nom de l'Université
ou de l'un ou l'autre de mes collègues.
J'associe MM. les secrétaires Henri Grandjean et René
Jotterand aux remerciements que j'adresse à leur chef M. le conseiller
d'Etat Albert Picot, et M. l'architecte Georges Lacôte
à ceux que je présente à M. le conseiller d'Etat Louis Casaï.
Notre reconnaissance va aussi à la Ville de Genève, qui ouvre
généreusement ses bibliothèques et ses collections à nos professeurs
et à nos étudiants et qui a contribué financièrement, cette
année, au concours de l'Ecole d'architecture.
Nous remercions encore les aumôniers M. le pasteur Biéler
et M. l'abbé Mauris, pour le rôle si utile qu'ils jouent
auprès des étudiants. Comme les années précédentes, le recteur
a tenu à prendre part au Noël universitaire organisé à la Salle
centrale par M. Biéler. Nous eûmes le plaisir d'assister à une
représentation de l'Abraham de Théodore de Bèze, jouée par la
troupe Jean Bard. Une modeste collation a suivi cette représentation.
Lorsqu'il y a deux ans, quelques collègues, quelques amis
m'ont pressé d'accepter une seconde fois la charge honorable
mais lourde du rectorat, j'ai hésité longtemps avant de céder à
leurs sollicitations amicales. Si j'ai accepté, c'est que je savais
pouvoir compter sur la collaboration expérimentée des membres
du Bureau du Sénat. Mon espoir n'a pas été déçu et je ne puis que
me féliciter de l'esprit qui a régné entre nous durant ces deux
années de travail, où ceux-ci m'ont aidé à résoudre les problèmes
les plus divers, en s'inspirant toujours de ce qui semblait
l'intérêt supérieur de notre maison. Je les remercie tous ici;
arrivé, dans quelques semaines, au terme de mes fonctions, je
n'ai qu'un regret celui de quitter ces collègues. J'adresse donc
mes chaleureux remerciements à MM. les doyens Paul
Wenger, Henri de Ziégler, William Liebeskind, Claudius Terrier,
Fernand Chatillon et Jacques Courvoisier. J'adresse aussi un
vif merci à M. le professeur Walter Jung, qui n'a pas
voulu accepter une réélection aux fonctions de secrétaire du
Sénat, fonctions qu'il a remplies avec tant de distinction pendant
cinq ans. Il sera remplacé par M. le professeur Jean A.
Baumann.
Mais mes remerciements, auxquels je joins mes félicitations
vont particulièrement à M. le professeur Antony Babel,
auquel je confierai pour la seconde fois l'avenir de l'Université,
car l'assemblée des professeurs ordinaires l'a désigné comme
recteur pour la période universitaire 1952-1954. Il lui a été
adjoint M. Henri de Ziégler en qualité de vice-recteur. Le
collège des doyens aura à peu près la même composition
que précédemment et comprendra MM. les professeurs
Paul Wenger, William Liebeskind, Claudius Terrier, Fernand
Chatillon, Jacques Courvoisier et le doyen de la Faculté des
lettres que cette dernière n'a pas encore désigné pour remplacer
M. de Ziégler, élu vice-recteur.
Je me réjouis que l'Université ait à sa tête un collège de
personnalités dont l'expérience est déjà grande dans les questions
universitaires. Je félicite M. Antony Babel d'être appelé à
remplir ses fonctions de recteur dans ce climat d'amitié que j'ai
connu. Je sais en quelles mains expertes je remettrai le rectorat.
Je le remercie aussi dans sa qualité de président du Conseil
du Fonds général de l'Université dont il gère les intérêts avec
compétence et dévouement.
La gratitude de l'Université est aussi acquise à M.
le professeur Georges Tiercy, président de la Commission
administrative et président de la Commission du Restaurant
universitaire; dans ces deux fonctions il rend de grands et
utiles services.
Les problèmes administratifs deviennent de plus en plus
nombreux et de plus en plus compliqués, ce qui a pour conséquence
d'augmenter le rôle du secrétariat. C'est pourquoi mes
remerciements très chaleureux vont à M. Hermann Blanc,
secrétaire de l'Université, sans lequel le rectorat serait une
charge trop lourde pour être acceptée par un professeur qui a
aussi le souci de diriger un Institut de l'Université. La connaissance
que M. Blanc possède des lois et des règlements, son
dévouement inlassable à la maison sont connus de chacun.
Je remercie aussi M. Victor Jaccard, secrétaire des doyens,
dont la compétence et le dévouement mie sont pas moindres
et dont je n'ai entendu que des éloges formulés par MM.
les doyens.
Je remercie également tous les fonctionnaires de l'Université,
qui me pardonneront de ne pas les nommer personnellement, car
ils savent que ma gratitude leur est acquise à tous.
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs,
Le tableau que j'ai essayé de vous faire de la vie de l'Université
est très imparfait. Il ne représente que ce que j'appellerai
la vie extérieure de notre Alma Mater et ne met pas en évidence
le travail qui se poursuit dans les séminaires et les laboratoires;
il ne parle pas de la vie personnelle des étudiants, de leurs
soucis de toute nature.
La vie de la plupart des étudiants n'est plus ce qu'elle était
autrefois. Finie l'insouciance, il faut songer très vite aux difficultés
que chacun trouvera dans la carrière de son choix. Il
faut acquérir la technique et le diplôme nécessaires à la profession
que l'on se propose d'embrasser. Et c'est ainsi que peu à
peu les facultés tendent à devenir des écoles professionnelles
juxtaposées dans un cadre administratif commun. C'est là
un mal ancien. En 1944, dans mon allocution rectorale, je
déclarais déjà: «l'Université doit se raidir contre cette évolution...,
qui dit Université dit un organisme préposé, d'une part,
à l'étude de tous les problèmes particuliers à chaque science et,
d'autre part, à l'étude des problèmes universels communs à
toutes les sciences».
Le malaise auquel faisait allusion un article paru dans un
quotidien de notre ville n'est donc pas un fait nouveau; il est
ressenti périodiquement par quelques étudiants, peut-être plus
réfléchis que d'autres ou peut-être moins tendus vers le but
professionnel désiré. Cette inquiétude de quelques-uns n'est-elle
pas en réalité, qu'un reflet du malaise général dont souffrent
tous les intellectuels vis-à-vis de l'emprise grandissante de la
technicité au détriment de l'humanisme? Ce malaise n'a-t-il
pas fait l'objet, ici-même, de débats passionnants? Nous vivons
à l'époque du spécialiste, à celle de l'expert qui ne sait plus
embrasser l'ensemble d'une question; c'est ainsi que la valeur
humaine de notre civilisation tend à se perdre. Aussi est-ce
avec une inquiétude croissante que quelques-uns voient s'approcher
une période de spécialisation technique poussée au point
de réaliser le rêve effroyable de la ruche ou de la termitière.
L'Université a essayé de parer à cette évolution lente qui
fait de chaque faculté, de chaque discipline parfois, un organisme
à vie close, en instaurant les conférences générales du jeudi,
afin de permettre aux étudiants de chacune des facultés de
s'intéresser aux méthodes et aux problèmes étudiés dans les
autres. Je n'oserais dire que cette tentative ait pleinement
réussi. La curiosité de ce que fait le voisin ne semble pas encore
avoir été éveillée. L'Université a décidé de continuer sa série
de cours généraux et peut-être qu'un jour le but initial sera
atteint.
C'est avec une préoccupation semblable que l'Association
générale des étudiants a créé les communautés de travail,
afin de permettre à ceux qui le désirent de discuter librement
telle ou telle question générale sous la présidence bénévole
d'une personnalité compétente. Quel que soit le succès de ces
communautés de travail, elles ne réunissent encore qu'une
petite minorité de l'ensemble des étudiants. Cependant, c'est
là que peut se développer ce dialogue que quelques-uns souhaitent
et qui n'est que difficilement réalisable devant les foules
qui remplissent auditoires et laboratoires.
L'effort réalisé par les communautés de travail est intéressant,
car il y a là sans doute un moyen de remédier en partie à la
séparation très grande des disciplines et elles sont l'occasion
de débattre certains problèmes généraux qui ne peuvent
trouver place dans l'enseignement trop défini de la plupart des
chaires. Que, dans les circonstances actuelles, l'Université ait
quelque peine à remplir intégralement sa mission, cela se conçoit.
Car s'élever au-dessus des soucis professionnels pour acquérir
une pensée large et rigoureuse, ouverte à tous les problèmes
humains, nécessite aujourd'hui un effort bien plus considérable
qu'il y a quelques années encore. On pourrait se demander, du
reste, si les étudiants arrivent à l'Université suffisamment préparés
à cet effort; les gymnases, où les sciences spéciales
tendent de plus en plus à se développer, ne négligent-ils pas
parfois la culture philosophique, qui seule prépare aux véritables
humanités. Nous savons que, chez nous, cette question préoccupe
sérieusement le Département de l'Instruction publique.
Telles sont quelques-unes (les réflexions qui me sont venues
après lecture de plusieurs articles s'inquiétant des fins de la
culture universitaire. Il est utile de se demander parfois si
l'Université réalise complètement tout ce que les étudiants
attendent d'elle et de connaître les lacunes, réelles ou apparentes,
que ceux-ci pourraient lui reprocher, à tort ou à raison. Je vois
dans ce débat un signe de vitalité qui n'est point pour me
déplaire, aussi ne conclurai-je pas sur une note pessimiste, qui
serait contraire à toute ma pensée.
Etudiants,
L'Université est et sera ce que vous l'avez faite et ce que
vous la ferez, car vos maîtres ne peuvent que peu de chose
sans votre collaboration active.
Unissez-vous donc à nous pour travailler en commun à
désarticuler les cadres de la technique envahissante, afin de
permettre l'épanouissement de ce véritable humanisme que vous
souhaitez à l'Université.
Que cette dernière qui nous est chère, soit prospère par l'effort
conjugué de tous, tel est le voeu que je formule en terminant.