reden.arpa-docs.ch Rektorats Reden © Prof. Schwinges
Textbreite
Schriftgröße
Kapitel 

DISCOURS

DE M. LE PROFESSEUR WILLIAM BOVEN
RECTEUR SORTANT DE CHARGE
Monsieur le Conseiller d'Etat,

C'est un sérieux labeur que les deux ans du rectorat. Cette durée relativement longue à vivre au jour le jour, s'allège et s'abrège dans la mémoire, aussitôt vécue. Durée longue quand l'homme qui passe perçoit dans chaque heure qui sonne, et dans leur intervalle, la signalisation expresse et rigoureuse de ses devoirs. Durée brève, le but atteint, avec la paix de la fatigue et le souvenir tonique des vicissitudes. Il échoit au prorecteur d'aujourd'hui de faire une courte relation du travail de ces deux années. Travail qui lui paraît, re facta, naturel, doux et facile, en confirmation de la vie brève.

Monsieur le Conseiller d'Etat,

Il est doux et facile de présider au labeur d'une université patronnée par le magistrat que vous êtes. Vous avez été des nôtres, vous êtes demeuré nôtre, paradoxalement honoré sans I'honorariat que transcende, paraît-il, votre qualité de chef du Département de l'instruction publique. La physiologie de la loi articule en vous l'afflux des appels, informations et requêtes qui monte sans cesse de l'organisme universitaire à la Cité, centre de l'Etat. Vous ne nous avez pas seulement prêté l'oreille d'une intelligence preste et l'attention de la sympathie, vous vous êtes rendu constamment présent et solidaire parmi nous, en acte et en pensée. Nous en gardons tous le souvenir.

Votre tâche n'est pas facile: le sentier du devoir n'y est pas toujours tracé. D'une part, un budget innervé des nerfs du contribuable; de l'autre, des appels de la science (par exemple), solidement fondés sur les besoins de la Recherche (Forschung) qui est avide, onéreuse et aussi, pourvoyeuse de biens, à la longue. Il y a des appels qui se font volontiers rappels. La promptitude du jugement et la bonne volonté n'autorisent pas toujours, devant de tels problèmes, à en assurer précipitamment la solution. Si la décision de la balance exacte oscille, c'est qu'elle est précision et délicatesse.

Nous vous sommes hautement reconnaissants, Monsieur le Conseiller d'Etat, d'avoir conçu et fait agréer par le gouvernement vaudois le projet d'une chaire d'honneur, avec dotation annuelle, telle que vous venez de la définir. Idée d'Athénien, certes, plutôt que de Spartiate. Vous avivez ainsi le lustre de notre école et de sa ville. Déjà la médaille Gonin et le prix Arnold Reymond ont fait de Lausanne un point de mire de tout le monde ophtalmologique et philosophique, le décor d'une cérémonie d'une exceptionnelle élévation. Des hommes éminents, hommes de science et philosophes, y ont été consacrés à l'égal de «Prix Nobel» par des marques d'estime, moins opulentes, sans doute, mais plus rares. La chaire d'honneur, à laquelle votre nom demeurera de toute manière attaché, accroît notre haute école d'un attrait et d'un bienfait qu'on peut en toute simplicité dire universels.

Il y avait une fois, il y a bien longtemps, au moins six lustres, un recteur lausannois qui n'aurait pas eu envie de chanter en vers latins l'histoire de ses difficultés avec le chef, non pas du Département, mais du Service de l'enseignement supérieur à Lausanne. Ce chef avait pourtant un nom latin! Imaginez-vous qu'avec un nom peu latin, à première et seconde vue, M. Robert Anken, chef de notre Service d'enseignement supérieur à Lausanne, a été l'aménité et la bonne humeur en personne, tomme son prédécesseur M. Guignard.

15 octobre 1954 à 15 octobre 1956! Ces deux années universitaires ont couru, onduleuses et parallèles comme les rails d'une voie ferrée, à travers le beau paysage et la paix de notre canton. Deux ans de bon labeur dans une patrie saine, prospère. Au loin parfois, du vacarme par bouffée, des éclats attestaient ce qu'il en coûte ailleurs de tracer le chemin de la vie.

La mort — en paix — n'en a pas moins fait parmi nous, son oeuvre. L'Université a perdu dans cet intervalle, treize membres de son corps enseignant, professeurs en fonction ou honoraires. Ce furent, en 1954/55, Paolo Arcari, Albert Barraud, ancien recteur, Gustave Dumas, Rodolphe Mellet, Léon Morf, Jean Morin, Auguste Rollier, Pierre Thévenaz; en 1955/56, Georges Tiercy, Maurice Paschoud, ancien recteur, Adolphe Bertusi, Georges Champrenaud, Louis Michaud. Urnes ou tombes, ces trépassés demeurent vivant et pensant en nous, dans la paix d'une vie pleine et réussie. Presque tous sont décédés septuagénaires ou octogénaires; Jean Morin fait figure de jeune, parmi eux, à soixante-cinq ans. Le trépas de Pierre Thévenaz, en pleine carrière, à quarante-deux ans, a fait par sa ferveur stoïque, d'une nuée de tristesse, une illumination.

Notre pensée s'en va maintenant, avec moins de sérénité, vers l'image de deux étudiants fauchés par une mort accidentelle: Gilbert Dorfman et Gabriel Pache, l'un de la Faculté de médecine, l'autre de l'Ecole polytechnique. A toutes ces familles éprouvées par le deuil, j'adresse ici encore l'hommage de l'Université avec sa respectueuse sympathie.

Le Conseil d'Etat a conféré l'honorariat à six maîtres de notre école, atteints par la limite d'âge ou appelés à d'autres fonctions: à MM. Jean Piaget, Charles Scholder, Louis Hegg, Charles Colombi, Arthur Fath et Jacques Freymond.

Ont été promus à l'ordinariat et présentés, le 1er décembre 1955, en cérémonie d'installation, par M. le chef du Département de l'instruction publique: MM. Henri Benoit (E.P.U.L.), Louis Fauconnet (Ecole de pharmacie), Guy Flattet (Droit), Jean Golay (H.E.C.), Pierre Jaccard (Sc. soc. et pol.), Pierre Schmid (Lettres) et Georges Winckler (Médecine).

Il est naturel d'entrer ici dans quelque détail de la vie des facultés. Des nominations, je ne mentionnerai que les chaires et les charges de cours.

A la Faculté de théologie, la chaire d'hébreu et d'exégèse de l'Ancien Testament a été confiée à M. le pasteur Carl Keller, de Zurich, à qui je souhaite comme à tous nos nouveaux élus, large audience et bienvenue. Notre vénéré collègue, M. Emile Golay, octogénaire, a assuré un an encore, avec M. Michel Testuz, et d'une même jeunesse, cet enseignement à titre temporaire. Le professeur Germond a obtenu un congé de six mois, pour un voyage sinon d'exploration, du moins d'information dans le continent noir.

A l'Ecole des sciences sociales et politiques, M. Georges-André Chevallaz a repris, en qualité de chargé de cours, l'enseignement de l'histoire diplomatique, à la suite du départ de M. Jacques Freymond, appelé à la direction de l'Institut universitaire des hautes études internationales, à Genève. M. Jean Maynaud fera un cours d'introduction à la science politique en qualité de chargé de cours.

Le professeur Jean Golay et M. Henri Rieben, nommé chargé de cours, ont repris l'enseignement de feu le professeur Schiess, à l'Ecole des hautes études commerciales. A propos de cette école, signalons le don bienvenu (de plus de 9000 volumes) fait à sa bibliothèque par la Société suisse pour l'enseignement commercial.

Bornons-nous à noter deux chargés de cours, en Faculté de médecine: MM. Georges Dubuis (obstétrique) et Alfred Reymond (anatomie pathologique).

A la Faculté des lettres, l'enseignement de langue et littérature françaises a été réorganisé après le décès du professeur René Bray. Le professeur Gilbert Guisan et M. Jacques Mercanton, nommé professeur extraordinaire, se partagent cette lourde charge. J'adresse ici une pensée amicale au professeur Guyot, Prorecteur de l'Université de Neuchâtel, qui a assumé pendant le semestre d'hiver 1954/1955 le remplacement provisoire de notre très regretté collègue Bray. — M. J.-C. Biaudet succède à M. Freymond, en qualité de professeur extraordinaire dans sa chaire d'histoire moderne et

contemporaine. L'histoire de l'art a été exposée par M. Jean Leymarie, promu professeur extraordinaire. Ici, je me permettrai de violer ma consigne: ce sera pour vous parler de M. Daniel Poyan, de Madrid, admis à titre de privat-docent, par la Faculté des lettres, à initier quelques élus à la langue et littérature espagnoles. Saluons la rénovation d'une discipline bienvenue.

M. Daniel Christoff a été jugé digne d'occuper la place de notre regretté Pierre Thévenaz, dans la chaire de philosophie. — Nous devons de la gratitude au professeur Schaerer, de Genève, qui a bien voulu assurer la suppléance de cette activité provisoire. — Autre honneur, autre charge: M. René Rapin, professeur extraordinaire, est appelé à succéder à l'excellent collègue qui vient de nous quitter après une carrière féconde, M. Georges Bonnard, ancien chancelier. — Enfin, M. Ernest Giddey, lecteur, devient directeur de l'Ecole de français moderne, à la place de M. Gilbert Guisan. M. René Berger est désormais chargé d'un cours d'Introduction à l'histoire de l'art et d'esthétique.

Les cours de vacances de langue et littérature françaises méritent d'être cités à l'ordre du jour de notre maison. Leur succès croît et devient considérable. Il rivalise avec le soin qu'y apportent lecteurs, lectrices et directeur. Ce furent, en 1955 en particulier, près d'un millier d'étudiants, avec un groupe fort gai de cent vingt pédagogues américains, maîtres et maîtresses, organisé par l'Université de Boston. Honneur à ce beau travail d'équipe fourni par nos maîtres et leur directeur! Non, le Palais de Rumine ne se couvre pas de toiles d'araignées comme l'école en vacances, crayonnée par Töpffer. Tout un monde s'y presse ou s'y délasse, comme ces jolis jours où la jeunesse, assise en groupe sur les degrés du grand perron, semble au soleil mûrir en guirlandes et fruits d'espalier.

Venons-en à la Faculté des sciences: M. Marc Vuagnat, professeur extraordinaire, occupera désormais la chaire du professeur Déverin, atteint par cette affection malheureusement chronique qu'on appelle «limite d'âge». La chaire du professeur Marcel Bornand engendre trois chargés de cours, M. Emile Matthey (chimie des denrées alimentaires), Robert Regamey (hygiène et bactériologie) et Hans Gaschen (parasitologie). Nous n'aurons

garde d'oublier ici l'infini: M. Pierre Javet, chargé de cours et directeur de l'observatoire de l'Université, enseignera l'astronomie sphérique. M. P.-E. Pilet est chargé du cours de physiologie végétale.

Je ne sais pas si l'Ecole de pharmacie, avec alambics et cornues, déjà «prépare en secret le printemps», mais ce que l'on sait c'est que la place lui faisait défaut et qu'elle cherchait à la loupe, depuis longtemps, de l'espace dans ses propres locaux. Félicitons son directeur, M. le professeur Girardet, et notre secourable ami, le chef du Département de l'instruction publique, d'avoir su lestement assurer, avec l'aide de quelques crédits, l'oxygène nécessaire à la vie du semestre qui vient.

D'autres crédits ont été octroyés aux instituts de botanique, de physique et de zoologie. Ils ont permis d'adapter aux besoins présents, bureaux et bibliothèques. Un nouveau pavillon, prévu dans le jardin un peu désuet de l'Ecole de chimie, se prêtera aux travaux des débutants et dégagera des locaux réservés à la recherche scientifique.

Je termine cette chronique par l'Ecole polytechnique: j'aurais pu et peut-être dû débuter par elle, attribut et fleuron vanté de notre maison. Le professeur Charles Colombi a été remplacé par M. Lucien Bord, nanti avec le titre de professeur extraordinaire de la chaire de thermodynamique. M. Robert Monnier, professeur à la Faculté des sciences de l'Université de Genève, a été appelé à enseigner avec le même titre la technologie chimique et la chimie technique. (Je ne distingue pas très bien la différence.) A l'Ecole d'architecture, M. Pierre Foretay, architecte diplômé de l'E.P.U.L. enseigne les éléments d'architecture et la construction pratique, en remplacement du professeur Stengelin, démissionnaire.

La nomination de deux nouveaux maîtres, MM. Hans Brechbühler, professeur ordinaire et Paul Waltenspühl, professeur extraordinaire, atteste le développement et la prospérité de notre Ecole d'architecture et d'urbanisme.

Je n'aurai garde d'omettre, dans cet exposé, le Cours d'introduction à l'énergie atomique, au début de 1956, dû à l'initiative de M. le directeur Stucky. Son succès a été considérable.

Un certain nombre de nos collègues ont été l'objet de distinctions ou d'appels. Je ne citerai ici que les plus significatifs: M. Aebischer a été appelé à occuper pendant un semestre la chaire Franqui, à Liège. M. Georges de Rham s'est vu décerner les doctorats honoris causa des Universités de Strasbourg et de Grenoble. M. Alfred Fleisch a reçu le Prix Marcel Benoît. M. le directeur Stucky et le professeur Julliard de l'E.P.U.L. ont reçu le doctorat honoris causa de l'Ecole polytechnique fédérale, en novembre 1955.

M. Jacques Secretan a pris place et fauteuil à l'Académie diplomatique et M. Georges de Rham, lui, toujours lui! a été appelé à faire partie du Conseil national de la recherche scientifique, à Berne. — D'autres distinctions encore pourraient être citées, légion d'honneur, bourses.

Mais le temps presse. Parlons plutôt un instant de quelques-unes de nos fêtes, réceptions et cérémonies: installation du recteur, le 18 novembre 1954; célébration du 80e anniversaire du général Guisan, docteur honoris causa de notre Université, invitation au centenaire de l'Ecole polytechnique fédérale à Zurich (déploiement de faste vieux-suisse, dans une atmosphère d'une élégance intellectuelle incomparable); célébration d'un Colloquium Europaeum — sous le nom de Journées suisses — à l'Université Maximilien de Munich: réception aussi solennelle que chaleureuse. Notre Ecole polytechnique a participé à la commémoration du 125e anniversaire de l'Ecole centrale, à Paris. M. Tschumi, professeur à l'Ecole d'architecture, a présidé le Congrès de l'Union internationale des architectes, à La Haye, en 1955.

La vie d'un recteur ne manque pas d'imprévu: un jour, c'est un visiteur qui lui apporte une bannière ou pavillon de Porto-Rico, un recueil de chants et chansons arabes, une imposante publication sur l'Université de Sao-Paolo. C'est la visite inopinée du vice-recteur de l'Université de Moscou, du ministre de l'Instruction publique de Bavière... ou bien alors c'est toute une délégation culturelle de la République populaire de Chine, toute une compagnie distinguée et rieuse de messieurs et de dames qu'on s'étonne un peu de ne pas voir voleter en sauts périlleux par-dessus les tables,

sur le modèle du Théâtre de Pékin. — J'en reviens à nos fêtes et à nos devoirs: comment oublier la célébration du 150e anniversaire de la Société de Belles-Lettres, avec son ruban d'honneur posthume, le compositeur Robert Schumann! Ne parlons pas de la célébration du cinquantenaire, du centenaire des universités soeurs en tout lieu du monde, jusqu'à Melbourne. Simplement académique, non olympique, notre Université résiste en général à la tentation du «luxe, calme et volupté» de ces invitations au voyage. En revanche, elle y répond volontiers par une adresse dont M. Pierre Schmid, latiniste, compose aimablement le texte.

Sous la rubrique de l'administration générale, je me borne à mentionner les faits très saillants. Ce sera par exemple, l'oeuvre de révision du règlement général de l'Université; c'est l'élaboration du règlement de la Fondation Jean Landry, instituée par sa veuve, Mme Jean Landry, née Chossat, en faveur des Universités de Neuchâtel et de Lausanne. Il faut parler de la résolution prise en commission universitaire de nous dégager de l'Association internationale des universités, eu égard, en toute candeur ou en tout cynisme, à la disproportion entre le prix qu'elle nous coûte et la valeur de ses bienfaits. Réunions sublimes, sans doute, à Istanbul par exemple! et la prochaine à Mexico! — Petite question matérielle encore... mais une université n'est pas faite de chaires seulement, elle est faite de chaises et de fauteuils. Le mobilier désuet de l'Aula a fait place aux fauteuils actuels, cependant que l'appareil amplificateur, après maint accès d'asthme et d'aphonie, a repris sa fonction (je l'espère!) non plus de sourd-muet mais d'interprète.

Puisque nous parlons matière, matériel et matériau, félicitons-nous discrètement de voir l'Ecole de médecine sortir, discrètement elle aussi, de terre. Elle a fait sa première dent, notre future école d'anatomie, dans une bien grosse gencive. Une équipe motorisée y travaille. Tous les gouvernements ne disposent pas de trois cents mille hommes pour creuser un trou ou élever un obélisque. C'est un fait aussi que les bureaux de notre secrétariat ne suffisent plus à la tâche. Tout recteur sait depuis longtemps ce que peut être dans ces locaux le travail de pointe, d'octobre à novembre et d'avril à mai

en particulier. Les plans de transfert sont faits et agréés. Notre administration jouira du niveau de la Cité, dans l'édifice embelli et agrandi de l'Evêché. Puisse ce transfert, par élation, s'opérer dans le biennium qui vient! Et saluons comme un bienfait qui s'approche la transformation de la Bibliothèque cantonale.

Le Fonds national de la recherche scientifique a continué et renforcé, durant cette couple d'années, son aide efficace à notre maison. Nos chercheurs, peut-être trop réservés naguère, se sont enhardis à lui demander davantage. L'appui leur a été donné largement. J'en exprime ici notre gratitude au Conseil du dit fonds et à M. le professeur de Murait, son président.

Aux côtés de l'Etat, du Fonds national de la recherche scientifique, saluons d'autres bienfaiteurs: la Société académique vaudoise. C'est l'aide opportune et filiale. C'est aussi l'atmosphère d'une fête en pleine lumière, à l'occasion d'une assemblée générale, par exemple. C'est la rencontre de la ville et de la campagne dans un décor merveilleux comme le château de Grandson, l'église de ce bourg, l'abbaye de Bonmont, près Chéserex sur Nyon et son panorama élyséen. Beaucoup plus et mieux que des rencontres, ces réunions sont des renaissances. L'Université ne prend jamais mieux corps et figure que dans l'assemblée mêlée de ses jeunes et de ses anciens élèves, les anciens, ceux qu'elle a façonnés et instruits, ceux qui ont fait usage et expérience de sa culture. L'Université soumet les jeunes à ses épreuves: les anciens ont soumis l'Université à l'épreuve de leur pratique, de la vie. Ils critiquent mieux les faiblesses, ils connaissent souvent mieux les besoins. La présence de ces deux âges restitue de manière vivante l'Université en personne. C'est dans ce sens que je parle, à propos de ces réunions, de renaissance. Merci aux présidents ancien et nouveau — tous deux à la fois ancien et jeune —M. le juge fédéral Panchaud et M. le pasteur Bovon, merci pour la délicatesse et l'aménité de leur aide. Puissent beaucoup de ceux qui m'écoutent marquer un jour, par leur adhésion à la Société académique vaudoise, leur attachement à son oeuvre.

Chers Etudiants et Etudiantes,

Deux nouvelles sociétés portant couleur ont enrichi la gamme des ornements de vos vestiaires. La Germania de naguère, demeurée assoupie depuis l'ère naziste, s'est réveillée pour de bon, parmi nous, sous les meilleurs auspices. J'ai eu le plaisir de participer avec M. le Secrétaire général et M. le professeur Aubin, à sa première séance. La Lépontia lausannoise réunit ou sélectionne les étudiants tessinois et catholiques.

La jeunesse éternelle s'est exprimée en choeur, sous l'incomparable direction de M. Carlo Hemmerling, à Nyon et Pully, à Nancy et à Belfort. A Belfort, l'Orchestre universitaire — bonne équipe qui manque moins de cran que de cordes — a remporté, avec le choeur, un franc succès. La jeunesse éternelle se porte bien. Le recours au Sanatorium universitaire a été de moins en moins fréquent, au cours de ces deux années. Il est arrivé que ce sanatorium n'abrite, durant des mois, aucun de nos malades. Un seul Vaudois s'y trouve à l'heure actuelle. Naguère, notre Université en fournissait le plus gros contingent. Notez bien que ce n'est pas que la morbidité par la tuberculose diminue au sein de notre Ecole. Elle s'y maintient, au contraire, et tenace. Pourquoi? Parce que le contrôle radiophotographique annuel n'est pas exercé. Nous sommes en train de réparer cette omission grave.

Si le sanatorium est déserté plutôt que désert, le Foyer-restaurant universitaire travaille à plein four, comme il convient. Ouvert le 31 octobre 1955, il a été inauguré par une cérémonie à l'Aula, le 1er décembre de la même année. Une visite officielle au F.R.U. y a conduit de nombreux donateurs et amis. Dire qu'il répondait à un besoin, c'est peu dire, puisqu'il a servi 150000 repas dans sa première année (une moyenne de 410 repas quotidiens!) Les bons génies qui ont conçu l'oeuvre et qui en ont assuré l'entreprise peuvent, sans paternalisme, s'estimer contents.

Mais surtout, jeunesse éternelle, tu es demeurée sage et ferme dans ton jugement. Ici, je franchis les frontières du pays et le terme du rectorat: tu viens de t'exprimer sur le drame d'un peuple martyr en termes dignes de sa grandeur.

Il m'est agréable de vous redire, Monsieur le professeur Bride!, à vous qui avez été mon Prorecteur, ma gratitude pour votre longue obligeance à mon égard. J'ai conscience d'avoir abusé des coups de téléphone, sinon des coups de sonnette, durant mon premier semestre d'apprentissage. J'ai toujours reçu auprès de vous bon accueil et bon conseil. Louons ici avec cordialité la sagesse et la fermeté de votre présidence à la direction du Foyer-restaurant universitaire.

Avant de présenter mon successeur, selon l'usage, je tiens à reprendre ici congé, avec une affectueuse reconnaissance, des collègues dont la collaboration a cessé pour moi à la fin du rectorat, membres des commissions, directeurs et présidents, doyens. Puisse M. J.-P. Chatelanat, secrétaire général, mettre longtemps encore au service de l'Université sa ferveur et son énergie désintéressées. Puisse le vaillant trio de nos dames-secrétaires, à qui on demande un labeur de plus en plus électronique, goûter bientôt la faveur d'une élation mesurée, d'une assomption qui les dépose à la hauteur de la Cité, au pied de la Cathédrale, dans des bureaux larges et neufs.

Monsieur le Recteur,

Dans ce jour de relève, je n'ai pas à vous transmettre une consigne. Plus et mieux qu'un chef de la garde montante, vous la connaissez depuis longtemps. Mais je puis dire que je vous ai attendu et vu venir avec plaisir comme une sentinelle ferme attend le matin. Il m'est agréable de vous présenter, selon l'usage, à cette assemblée qui représente notre Ecole et notre terre.

Vaudois, de Belmont sur Yverdon, vous avez suivi les cours de la Faculté de théologie de Lausanne tout au long des années de la première guerre mondiale. Vous avez poursuivi ces études aux Facultés de théologie de Zurich, de Strasbourg et de Marburg; vous les avez complétées à la Faculté des lettres de Paris. D'où vos titres de licencié en théologie et de lauréat de notre Université, en 1919 et 1921, votre diplôme de hautes études de philosophie à la Sorbonne. en 1922.

Mais déjà vous étiez entré dans la carrière de pasteur, par une suffragance à Saint-Cergue sur Nyon, en 1918/19. Chesalles sur Moudon fut votre premier poste de pasteur. De 1926 à 1932, vous exerciez votre ministère à Echallens. C'est là que le choix de vos anciens maîtres et l'estime du Conseil d'Etat vous appelèrent à occuper la chaire de théologie systématique. Cet appel flatteur vous confiait une lourde responsabilité: vous vous en rendiez compte et en parliez à coeur ouvert dans votre discours d'installation comme professeur ordinaire, le 1er décembre 1938.

Voilà vingt-quatre ans que vous la portez, cette charge qui vous impose et vous assure aussi des clartés sur des problèmes à première vue insolubles: sur la valeur de la raison, après et malgré la chute de l'homme, sur les rapports réels ou fictifs entre la dogmatique chrétienne et la philosophie. Je crois savoir que vous n'avez pas été conquis par l'absolutisme d'un Karl Barth. Malgré vos attaches, ou plutôt à cause de vos attaches avec Bâle et sa faculté de théologie, vous n'avez pas plus coupé les ponts entre la foi et la raison que vous ne les voudriez voir rompus entre le Grand et le Petit-Bâle. De solides méditations vous ont fait celui que vous êtes. Je ne fais que citer votre livre intitulé Les origines et l'évolution de la pensée de Charles Secretan, paru en 1930, à Lausanne. Vous vous êtes complu depuis lors, en esprit, dans la compagnie de Secretan et de Vinet. Mais aussi vous vous êtes bientôt tourné vers toute espèce de problèmes posés par la conception chrétienne réformée, la notion protestante des oeuvres, les rapports de l'Eglise et de l'Etat, l'expérience religieuse. Votre plume et votre parole, mises au service de Dieu, ont acquis assentiment et autorité. C'est ce qu'attestent une promotion au rang de professeur ordinaire en 1938, un doctorat honoris causa de l'Université de Bâle, en 1939.

Vous avez été investi trois fois, au cours des ans, de la charge et de l'honneur du décanat. Aujourd'hui, le rectorat dépose très simplement un peu d'hermine sur la toque et la robe.

Je vous souhaite, Monsieur le Recteur, malgré le tohu-bohu de cosmogonie de ce début de novembre, deux années de travail paisible dans un pays préservé et défendu.