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Allocution du professeur Jean Graven

recteur de l'Université
Monsieur le Président du Département de l'Instruction publique, Messieurs les représentants des Autorités civiles et religieuses, du Corps diplomatique et des Institutions internationales,

Mesdames et Messieurs,

Chers collègues et chers étudiants,

Il y a un cycle des saisons universitaires bien établi qui, après la cérémonie d'accueil à la rentrée d'automne, nous acheminant vers le déroulement des travaux et des jours dans nos Facultés, instituts et laboratoires, voit arriver dans la lumière de juin et l'approche des examens, des diplômes et des vacances, la cérémonie traditionnelle de notre Dies Academicus, fête de l'Université. Réunis à la veille de ces événements chargés de promesses, il est normal qu'ensemble nous fassions, professeurs, étudiants et amis de l'Université, une mise au point, une sorte d'inventaire ou de bilan avant de nous séparer, pour nous retrouver ensuite au début d'une année académique nouvelle.

Avant d'entrer dans le rappel de nos faits et gestes, permettez-moi donc de me réjouir et de vous remercier de cette présence et de cette sympathie si fidèles, si constantes, que vous nous apportez. L'Université qu'on a tendance à dire isolée, un peu hors du temps, veut au contraire vivre dans la cité, avec la cité et pour elle, dans son époque et selon son juste rôle. Elle a conscience d'être une grande institution sociale et morale en même temps que scientifique; puisqu'il lui incombe de former les cadres dirigeants de la communauté sociale, elle doit rester en contact avec celle-ci, constituer un centre, un foyer d'où doivent partir rayonnement, chaleur, savoir.

Mais on ne rayonne, on ne propage, on n'instruit pas dans le vide: ce sont votre présence et votre attention réceptive, cette participation de toute la cité, qui établissent le courant favorable aux échanges, animent la volonté de progrès et d'efficacité qui doit sans cesse être renouvelée, encouragent les projets et les efforts qu'une institution d'intérêt publie a le devoir de faire pour ne pas faillir à sa tâche d'avenir et trahir ainsi, à la fois, sa mission et la grandeur de son passé.

Vous tous, au premier rang desquels je vois tant de personnalités éminentes et amies que j'aimerais pouvoir saluer nommément, soyez donc assurés que nous apprécions la confiance et l'appui que vous nous donnez, la force que vous dispensez. La solennité que nous entendons conserver à cette cérémonie, et qui va se marquer par cette belle et bien sonnante ouverture musicale des cuivres de l'Orchestre de la Suisse Romande, soulignant la bienvenue de notre accueil, dit assez le prix que nous attachons à recevoir cette sorte de grande «Amicale» de l'Université que vous formez.

Nous nous efforcerons d'animer cette chronique de l'Alma Mater pour en dégager les «lignes de force» et nous orienter vers ce qui doit apparaître, de l'observatoire

où nous nous tenons aujourd'hui, comme les horizons de son proche avenir. Les publications officielles de l'Université auront le soin de donner la somme des circonstances, des événements et des dates qui pourront être utiles: on les retrouvera dans la brochure annuelle du Dies Academicus. Voir les choses de haut, dans une perspective d'ensemble, est la bonne manière de les voir bien et de pouvoir les dominer dans la conception, avant de descendre aux tâches de prévision et d'exécution requérant patience et longueur de temps, constance et minutie, tâches qui appartiennent aux organes et aux services de l'Université, et ne peuvent solliciter ici votre attention.

I. Evénements universitaires et état du corps enseignant

1. Dons et legs

Puisque nous parlions à l'instant de ces amitiés dévouées qui nous honorent et nous réconfortent, il est naturel que le Recteur signale d'abord les nouveaux témoignages qui en ont été donnés à l'Université sous la forme de fondations, dons et legs.

En souvenir de M. J. BLACKMER Senior, qui avait pendant des années vécu à Genève, où il avait noué de durables amitiés dans le monde universitaire et à laquelle il était resté très attaché, la Fondation BLACKMER aux Etats-Unis, par l'intermédiaire de M. Blackmer junior, à Paris, a fait don aux Facultés de droit et des lettres et au Centre d'études orientales, d'une somme de 60.000 francs pour des bourses d'études, et pour la bibliothèque du Centre d'étude orientales, dont le programme a pu être mieux coordonné et élargi.

Mme FILIBERTI-BORNET a fait à l'Université un legs de 37.000 francs dont 10.000 sans affectation spéciale et 27.000 pour l'achat d'appareils de chirurgie.

La délégation de la LIGUE DES ETATS ARABES auprès de l'Office européen des Nations Unies, agissant par son représentant M. El Wakhil, dont l'attachement à Genève est profond, a institué un Prix de la culture arabe, consistant en une somme de 1000 francs ou dans le paiement des frais de voyage aérien et de séjour pendant deux semaines dans des pays arabes, en vue de récompenser l'étudiant suisse inscrit à l'Université de Genève qui aura présenté le meilleur mémoire sur la contribution du monde arabe à la civilisation universelle. Ce geste désire aussi souligner la valeur attachée par les pays arabes à leurs relations avec l'Université de Genève, à laquelle ils ont fourni de nombreux étudiants, et leur reconnaissance.

Au moment de prendre sa retraite universitaire, M. le professeur Karl WALTHARD, qui s'était voué avec tant d'entrain et de désintéressement à la cause de la santé et des sports à l'Université, en a laissé un dernier témoignage en offrant à celle-ci un capital de 5.000 francs pour la création, en faveur de la Section sportive universitaire, d'un prix destiné à récompenser un étudiant ayant bien mérité du sport universitaire.

Enfin, à l'occasion de la commémoration du 100me anniversaire de la fondation de la Société d'étudiants Stella de Genève, qui s'est déroulée à l'Aula de l'Université le 25 mai 1963, M. Henri TRACHSLER, ingénieur, ancien étudiant de notre Université, a institué une «Fondation du Centenaire de Stella Genevensis» qui portera son nom, en faveur de la Faculté de théologie. Le Fonds, doté d'un capital de 75.000 francs, sera consacré à des prix et des bourses, du montant de 3.000 francs par an, pour encourager l'étude des rapports religieux et philosophiques entre l'Orient et l'Occident.

Est-il nécessaire de dire avec quelle gratitude l'Université, bénéficiaire de ces libéralités, recueille de telles marques d'intérêt et de sympathie agissante? Que tous ces donateurs, proches ou lointains, unis par un égal désir de «servir» au noble sens du mot, et de nous aider à mieux remplir nos tâches qui exigent des moyens matériels toujours plus considérables, reçoivent l'expression publique de notre reconnaissance. De tels dons bénéficient en définitive à nos étudiants, dont ils veulent favoriser les recherches et les travaux. Puissent donc les étudiants eux-mêmes être bien conscients que générosité oblige, que c'est à eux que s'adressent l'intérêt et la confiance de ces donateurs amis de l'Université, et qu'ils doivent s'en montrer dignes en y répondant de leur mieux par leurs efforts et par leurs succès.

Il y aurait injustice à ne pas signaler aussi une autre générosité dont l'Université et son enseignement doivent tirer avantage: c'est celle de Mme BAILLY qui vient de donner sa propriété et sa maison de Chêne-Bougeries à la «Société Académique» sous réserve du droit d'habitation de son vivant, afin de constituer un «Fonds Charles Bailly» à la mémoire de son mari, notre savant collègue décédé en 1947, dont elle fut la collaboratrice et n'a cessé de servir la mémoire, en classant et en offrant à la Bibliothèque publique et universitaire tous les documents, papiers et manuscrits qu'il avait laissés. Ce nouveau fonds sera destiné à favoriser l'étude de la linguistique et de la philologie classique par l'octroi de bourses et de prix qui seront accordés à des étudiants genevois en priorité. Comme on l'a justement dit, par cette donation, Mme Bailly, couronnant cette fidélité exemplaire à l'oeuvre et à la mémoire de Charles Bailly, contribuera à auréoler d'un prestige supplémentaire la chaire genevoise de linguistique, qu'après son fondateur Ferdinand de Saussure, Bailly a continué d'illustrer d'un égal éclat.

2. Anniversaires et célébrations

1) La commémoration de Ferdinand de Saussure.

L'Université de Genève, elle aussi fidèle aux maîtres qui l'ont honorée, a tenu à marquer le 50me anniversaire de la mort de Ferdinand de Saussure par une cérémonie qui eut lieu le 22 février 1963 à l'Aula, en présence des fils du savant défunt, dont le Dr Raymond de Saussure, chargé de cours à la Faculté de médecine. La séance fut présidée et introduite par M. le professeur Bernard Gagnebin, doyen de la Faculté des lettres et organisateur de cette cérémonie. M. le professeur Godel y retraça avec un art remarquable de la mise en place la carrière de Ferdinand de Saussure, qui compta parmi ses ascendants cet Horace-Bénédict dont la première ascension du Mont-Blanc est restée célèbre, et qui fut surtout, à la fin du XVIIIe siècle, «le prince de la science genevoise» qui se distinguait par tant de savants de premier plan. Et M. Bienveniste, professeur au Collège de France, dégagea de manière magistrale la portée de l'oeuvre du maître et son rayonnement international.

2) Le 50me anniversaire de l'Institut des Sciences de l'Education.

Les 21 et 22 octobre 1962 l'Université a célébré le cinquantenaire de l'institut des Sciences de l'éducation, longtemps connu et réputé au loin sous le nom d'institut Jean-Jacques Rousseau. Il fut ouvert le 21 octobre 1912 sous la direction du professeur Pierre Bovet, qui resta à sa tête jusqu'en 1944 et qui sut donner une impulsion et une activité remarquables à l'Ecole qu'Edouard Claparède avait décidé de fonder pour répandre et développer ses idées, et fournir aux éducateurs une meilleure formation psychologique et pédagogique. On sait quels ont été les succès de cette institution que

dirigent actuellement MM. les professeurs Jean Piaget dont l'oeuvre magistrale rayonne à son tour, et Samuel Roller, co-directeurs. Une véritable «école genevoise de psychologie et pédagogie» exerce son action à travers le monde. La seule énumération des doctorats honoris causa décernés à Jean Piaget, dans tant d'universités et d'instituts des divers pays, l'attesterait déjà. Plus de 3.300 anciens étudiants appliquent aujourd'hui, sous toutes les latitudes et tous les climats, ces connaissances fondées à la fois sur des méthodes d'observation très précises, sur des expériences innombrables et constantes, et sur des intuitions et des découvertes doctrinales auxquelles le coeur et l'esprit ont leur part. Tout l'humain est engagé dans cette «science de l'homme» par essence qu'est la connaissance et formation de l'enfant.

A la séance solennelle tenue en l'Aula de l'Université devant d'innombrables amis, on put entendre les voeux et les félicitations du Recteur et de M. le Conseiller d'Etat André Chavanne, chef du Département de l'Instruction publique. M. Jean Piaget rapporta ses souvenirs et dit, avec la finesse souriante et profonde qu'on lui connait, l'esprit, les tâches et les visées de cet Institut à l'évolution duquel il a assisté et contribué depuis 41 ans: de 20 élèves qu'il comptait à son entrée, il a passé à 309 l'an dernier, ce qui, malgré la sélection sérieuse et les exigences d'entrée, ne va pas sans poser d'importants problèmes, là aussi, d'organisation et de locaux. Le souvenir et la reconnaissance des anciens élèves furent apportés au nom de tous par M. le professeur Osterrieth, de Bruxelles, les remerciements et les espoirs des jeunes par une étudiante, Mile Zaslawsky, et M. Rouiller, Secrétaire de la Direction de l'Enseignement primaire, sut exprimer le message de tous ces instituteurs et institutrices ayant reçu les leçons et l'inspiration de l'Institut, puisque environ 95 % de leur effectif y ont passé une année au cours de leur formation initiale.

La présence du premier directeur, M. Bovet, entouré de sa famille, donna tout son sens à ce bel hommage et souligna la continuité, dans l'incessante recherche du perfectionnement, des intentions du fondateur de l'Institut. On a justement relevé qu'il informe et n'endoctrine pas; centre de recherches, il augmente la connaissance des sciences de l'éducation par la masse imposante des travaux publiés par ses maîtres et ses élèves; et sa «morale» reste, aujourd'hui comme hier, celle même que formula Claparède dans son testament spirituel: en pensant à bien travailler, «travaillons à bien penser».

3) Le 20me anniversaire de l'Ecole d'architecture.

L'Université s'est réjouie aussi de pouvoir fêter, le 17 mai, avec une réussite qui n'aurait pu être plus complète, le 20me anniversaire de la fondation de son Ecole d'architecture, officiellement inaugurée le 9 octobre 1942 par le conseiller d'Etat Adrien Lachenal: elle succédait elle-même à l'ancienne «Ecole des Beaux-Arts» dépendante de la ville de Genève et qui s'était abritée pendant un certain temps dans les locaux du Musée Rath, où la cérémonie commémorative s'est déroulée. Cet anniversaire coïncidait très opportunément avec l'assemblée générale de la Société suisse des ingénieurs et architectes, dont le président central est M. André Rivoire, membre de notre Conseil consultatif académique, et avec la célébration du centième anniversaire de sa Section genevoise, qu'avait organisée à l'Aula, le 18 mai M. Ernest Martin, son président. On eut l'agrément d'y entendre M. le Conseiller d'Etat Peyrot, chef du Département des travaux publics, lequel insista avec à-propos sur la nécessité actuelle de la «planification» en matière de construction et d'urbanisme, et sur celle du travail en équipe exigeant non seulement des spécialistes compétents, mais des humanistes soucieux d'exercer leur art pour le bien-être des citoyens. Une belle conférence de l'ambassadeur M. Micheli, sur le rôle des ingénieurs et architectes suisses dans les relations internationales, mit notamment en

évidence, parmi les chefs de file d'aujourd'hui, l'exemple d'un Le Corbusier, que l'Université salue ici même et désire honorer.

Cette série d'événements avait conduit à Genève un afflux de personnalités suisses, dont les représentants de l'Ecole polytechnique fédérale et de l'Ecole polytechnique de l'Université de Lausanne, et l'architecte de l'Exposition nationale de 1964, qui voulurent se joindre aux professeurs, étudiants et amis de l'Ecole d'Architecture pour la cérémonie officielle d'anniversaire. Celle-ci s'est déroulée, sous la présidence du Recteur et en présence de M. le président du Conseil d'Etat et des représentants des autorités cantonales et municipales, dans le cadre d'une Exposition de travaux, plans, dessins et croquis d'élèves, et de photographies de réalisations d'anciens élèves, constituant la plus décisive démonstration de l'activité de notre Ecole, de la valeur de ses enseignements, et du niveau élevé des oeuvres des architectes formés par ses soins.

Le Recteur a eu un vif plaisir d'en remercier et féliciter les professeurs et les responsables de l'Ecole, M. Beaudouin, directeur des études d'architecture, et M. le professeur Arthur Lozeron, son administrateur, en soulignant l'importance nouvelle de l'architecte et de l'urbaniste dans un monde aujourd'hui en pleine transformation. Ce fut l'occasion aussi pour M. le Conseiller d'Etat Chavanne de poser en termes clairs le problème des études et en particulier des études d'architecte qui sont à la juste mesure de l'homme, celui de l'accès de la jeunesse aux études et du statut des étudiants au sein des hautes écoles, et d'évoquer les difficultés matérielles que rencontre l'enseignement et qu'avait soulignées M. Beaudouin en déplorant les conditions précaires des locaux. Il s'agit, on le sait, d'un problème commun à toute l'Université, sur lequel nous aurons à revenir, et auquel on s'efforce dans toute la mesure du possible d'apporter des solutions qui ne soient pas trop lointaines ou fragmentaires.

Il était naturel d'entendre aussi les étudiants, s'exprimant en la personne de M. Masnati, président de la «Masse», qui parla des devoirs de l'étudiant et des responsabilités qu'il doit être appelé à prendre au sein de l'Université. Il releva qu'une commission formée de professeurs et d'étudiants s'était constituée pour examiner d'un commun accord les problèmes posés par l'enseignement de l'architecture au sein de l'Ecole. On s'en félicitera, tout en n'oubliant pas les paroles de bon sens et de pondération de M. le chef du Département à propos des exigences de «cogestion» et de «syndicalisme», notions le plus souvent mal comprises et qui doivent être «revues et repensées» en fonction des données universitaires exactes.

Cette occasion nous est bonne pour saluer l'«esprit constructif», c'est bien le cas de le dire, manifesté par la «Masse» des étudiants de l'Ecole et qui s'est traduit notamment par ses remarquables cycles de conférences sur l'habitat et l'urbanisme, qui obtinrent le plus légitime succès. Cet exemple mérite d'être loué, car tant de zèle et d'initiative mis au service de la culture, par les étudiants, au sein et en marge de l'Université, ne sont pas encore assez généralisés.

4) Autres commémorations: le 100me anniversaire de la Croix-Rouge

Il a été tout particulièrement agréable enfin pour l'Université de pouvoir s'associer au 100me anniversaire de la fondation de la Croix-Rouge, et à l'hommage rendu à son inspirateur et fondateur Henry Dunant lors de l'inauguration de son monument dans les jardins des Bastions, en offrant l'Aula, les 18 février et 8 mai, pour le déroulement de ces cérémonies. A côté d'un très vivant rappel historique sur la fondation et l'oeuvre du C.I.C.R. à la première de ces réunions, on y écouta des hommages éloquents et très humainement généreux de M. le conseiller fédéral Wahlen, de M. le professeur Léopold Boissier président du C.I.C.R. et de M. le doyen Gagnebin, auteur de l'original ouvrage: «A la rencontre de Dunant», comme il l'avait été

l'année précédente de celui qu'il avait consacré «A la rencontre de Rousseau», pour le 250me anniversaire de sa naissance: Ce qui lui fut l'occasion d'un émouvant parallèle entre ces deux illustres Genevois, sortes de «génies prophétiques et visionnaires», semblablement tombés dans le silence et l'oubli de leur cité, en attendant leur fulgurante résurrection. L'institution de la Croix-Rouge internationale, son oeuvre sans cesse accrue et développée, son prestige indiscuté dans le monde, honorent à tel point Genève que son Université a été fière de le manifester ainsi, comme elle le sera encore en rendant aussi, lors de la collation de ses doctorats, un respectueux témoignage à son président, ancien professeur à notre Faculté de droit.

3. Direction de l'Université et corps enseignant

1) Bureau du Sénat.

Le Bureau du Sénat a vu avec regret le départ de M. le professeur Bernard Susz, doyen de la faculté des sciences, qui, chargé de trop d'obligations, a donné sa démission en cours d'exercice, après avoir présidé avec un dévouement sans limites aux récentes transformations et extensions des enseignements dans cette Faculté dont le développement, sous l'empire des progrès spectaculaires de tant de domaines nouveaux des sciences, constitue pour Genève et son Université un honneur, mais aussi une lourde charge. M. le doyen Susz, avec l'estime de sa Faculté et du Bureau du Sénat, a mérité leur profonde reconnaissance. Sa conscience aiguë, sa préparation scrupuleuse de toutes les tâches, sa ténacité dans leur rappel et leur exécution, son exactitude, ont contribué à rendre le poids de sa charge plus sensible encore, et par là aussi justifient ses mérites et la gratitude qui lui est due.

La Faculté des sciences a désigné son nouveau doyen en la personne de M. le professeur Marc SAUTER, dont la ferme acceptation des devoirs qui lui sont confiés, l'optimisme et l'aménité de caractère rendant plus aisées les tâches les plus difficiles, ont trouvé leur appréciation dans les fonctions qu'il exerçait comme secrétaire du Bureau et du Sénat de l'Université. Nous nous réjouissons de cette consécration, en sachant qu'en une période décisive du développement de la Faculté des sciences et de l'Université, celles-ci peuvent entièrement compter sur ses qualités.

La tâche de plus en plus pesante du Secrétaire du Bureau du Sénat, dont les séances hebdomadaires anciennes de deux ou trois heures ne suffisent de loin plus à maîtriser l'accroissement et le fardeau des affaires universitaires, a été assumée par M. le professeur Pierre FAVARGER, qui avait exercé déjà les fonctions de secrétaire de la Commission des professeurs de la Faculté de médecine et suppléé son doyen, M. le professeur Mozer, pendant la durée du repos temporaire que lui imposa un état de santé aujourd'hui très heureusement rétabli. Nous remercions M. Favarger pour le dévouement à l'Université dont témoigne son acceptation de cette nouvelle charge, et l'assurons, il le sait, de notre plus entière confiance.

L'Université n'oublie pas que c'est aussi grâce à la qualité et au dévouement de son Secrétaire général M. DUCRET et du personnel de ses services administratifs, à tous les échelons de la hiérarchie, qu'en dépit de l'accroissement de ses tâches, elle peut continuer à «tourner rond» et à pouvoir faire face malgré tout, de manière satisfaisante, à ses obligations.

2) Décès.

Le Recteur a le devoir de rappeler la mémoire des professeurs et anciens professeurs suivants, que notre maison a perdus au cours de l'année académique écoulée.

Tour à tour, et dans un délai si rapproché que nous en avons éprouvé d'autant plus l'atteinte, l'Université a vu disparaître M. Charles BURKY, professeur honoraire à la Faculté des sciences économiques et sociales, peu après sa leçon d'adieu et les manifestations de sympathie auxquelles elle avait donné lieu; M. Charles JULLIARD, professeur honoraire à la Faculté de médecine, et M. René VERNIORY, professeur ordinaire à la Faculté des sciences, que nous avions accueilli en 1961. M. Burky a succombé le 16 octobre, MM. Julliard et Verniory, le 19 octobre 1962. Puis nous avons enregistré le décès de M. Adolf KELLER, professeur honoraire à la Faculté de théologie, le 11 février, et à nouveau, coup sur coup, ceux de M. Emile GUYENOT, savant qui a particulièrement honoré notre maison et notre cité par sa vaste réputation, professeur honoraire à la Faculté des sciences, et de M. Luigi CARROZI, professeur honoraire à la Faculté de médecine, que nous avons eu la douleur de perdre aussi le même jour, le 20 mars 1963. M. Raymond SARASIN, professeur extraordinaire à la Faculté de médecine, nous était enlevé brusquement le 24 mars, et nous déplorions enfin encore la perte, les 10 et 20 avril 1963, de MM. Charles DU Bois, professeur honoraire à la Faculté de médecine, et Léon WALTHER, privat-docent à la Faculté des lettres.

Par des qualités, des mérites et des travaux divers, selon qu'ils avaient pu donner ou non toute leur moisson et affirmer plus ou moins leurs talents, ces maîtres dévoués se sont acquis la gratitude de l'Université et de leurs étudiants. Ce n'est pas le lieu de dire ici en détail quelles furent leurs publications et leur carrière: l'histoire de l'Université les a enregistrées pour l'avenir. La sympathie qui nous a été exprimée par toutes les Universités de notre pays lors de ces deuils, a montré combien ces personnalités étaient estimées. Aux Facultés auxquelles elles appartenaient, et à leurs familles plus particulièrement, l'Université de Genève que ces maîtres ont bien et fidèlement servie, exprime sa reconnaissance pour l'oeuvre qu'ils ont accomplie.

Chez les étudiants, le Recteur rappelle non sans émotion la mort de Mlle Augusta d'ALESSANDRO, élève de l'Ecole d'Interprètes, qui donnait de si belles promesses. Que sa famille accepte aussi nos condoléances sincères. Le chagrin de l'Université se ressent d'une manière bien vive lorsque des étudiants nous sont enlevés en pleine jeunesse et en pleine force, au seuil même de la vie à laquelle nous espérions les confier, bien armés, pour un utile avenir.

3) Retraites et démissions.

Les retraites dues à la fatale limite d'âge et aux démissions nous obligent à nous priver, dès le prochain semestre, de toute une série de professeurs et de collaborateurs dont le passage avait marqué la vie de notre Université, et auxquels elle doit des sentiments de reconnaissance tout spéciaux.

C'est d'abord M. Anthony BABEL, professeur ordinaire d'économie sociale et d'histoire économique, l'un des fondateurs et animateurs de la Faculté des sciences économiques et sociales, qu'il dirigea comme doyen et à laquelle il apporta, pour la fortifier dans ses débuts et son essor, les forces de son vaste savoir et de sa très large autorité. Deux fois recteur de l'Université, dont il a présidé aussi de nombreuses et importantes commissions, dont celle du Fonds général, créateur et premier président des Rencontres internationales de Genève dont il a aussi assuré le succès et la stabilité par ses rares vertus de perspicacité, de don de soi, de lucidité à longue échéance, de volonté et de rayonnement, M. Babel nous quitte après avoir consacré le meilleur de lui-même, pendant de très nombreuses années, à sa Faculté et à notre maison tout entière. Il a produit, au cours d'un labeur bien ordonné qui semblait amplifier encore sa force de travail, des oeuvres qui feront date dans l'histoire économique et sociale de Genève. Nous savons que sa retraite bien occupée nous promet encore des ouvrages qui, avec sa monumentale Histoire économique de Genève

attendue par tout le monde de la science, couronneront cette carrière exceptionnelle par le témoignage le plus propre à lui donner sa hauteur et ses dimensions définitives.

L'Université doit se séparer aussi à regret de M. Robert MONTANT professeur ordinaire de chirurgie générale et de chirurgie opératoire, précédent doyen de la Faculté de médecine, écarté de sa clinique et de ses enseignements par la limite d'âge, et de M. Paul COLLART, professeur ordinaire d'histoire ancienne grecque et romaine et d'archéologie classique, ancien doyen de la Faculté des lettres, actuellement en congé, appelé à la direction de l'Institut Suisse de Rome. L'un et l'autre se sont consacrés sans compter à leur tâche administrative exigeante et à leurs étudiants. Leur rencontre aux séances hebdomadaires du Bureau du Sénat laisse à leurs anciens collègues un souvenir singulièrement agréable, s'il ne s'y mêlait la certitude de ne plus pouvoir les rencontrer à l'Université.

De même nous quittera, dès la fin de ce semestre, pour raison d'âge, M. Robert DOTTRENS, professeur ordinaire de pédagogie générale et d'histoire de la pédagogie à la Faculté des lettres et à l'Institut des sciences des l'éducation, ancien co-directeur de l'Institut, qui fut souvent appelé comme expert en matière de pédagogie à l'étranger.

A la fin de l'année universitaire précédente déjà, M. Karl WALTHARD, ancien chef de l'Institut de psychiatrie de l'Hôpital cantonal et professeur extraordinaire de physiothérapie et d'hydrologie médicale, avait aussi donné sa démission en raison de la limite d'âge qu'il avait atteinte.

En conférant à ces maîtres le titre de professeurs honoraires et en leur exprimant les remerciements des autorités pour leurs bons et fidèles services, le Conseil d'Etat a traduit les sentiments qu'éprouve aussi pour eux toute l'Université.

M. le professeur Walther HABSCHEID, qui enseignait depuis quelques années le droit civil allemand et la procédure civile allemande à notre Faculté de droit, doit nous quitter aussi, car sa réputation scientifique étendue et la valeur de ses travaux lui ont valu un appel flatteur de l'Université de Würzbourg pour la direction de l'institut de procédure civile allemande et comparée, qui va lui offrir un champ d'action plus vaste et répondant à sa très féconde activité. L'Université de Genève lui restera reconnaissante de l'affection qu'il lui a montrée, de la renommée qu'il a contribué à donner à l'institution traditionnelle genevoise des cours de droit pour les étudiants allemands, et du dévouement dont il a fait preuve en continuant d'assurer pleinement l'intérim, jusqu'à la nomination de son successeur, par ses déplacements infatigables de Wurzbourg à Genève.

Puisque nous parlons des départs, ajoutons à nos regrets, à nos remerciements et à nos voeux, ceux que nous avons le devoir d'adresser, d'une part à M. le pasteur Philippe GILLIÉRON, aumônier protestant des étudiants, qui après s'être consacré pendant dix années à cette mission de guide, de conseiller et d'ami, retourne au ministère pastoral, et d'autre part à M. Raymond RACINE, président de l'Association des anciens étudiants de l'Université, qui nous paraissait inamovible tant il semblait aussi actif, indispensable et toujours présent, et qui, se fixant à Lausanne et pris par ses importantes fonctions, a remis sa charge, entre bonnes mains, à M. BORELLA, que nous avons accueilli avec plaisir.

M. RACINE a été l'homme de toutes les initiatives et de tous les progrès. Joignant la fougue et la force de la jeunesse à la réflexion et à l'expérience, animé du sens de la direction, il a été le centre, le poste de commandement d'où sont sortis le regroupement de tous les anciens, leur participation et leur contribution à l'Exposition et aux fêtes du Ive centenaire de l'Université, le mouvement d'accueil des nouveaux étudiants confédérés et étrangers dans les familles de Genève, l'enquête largement ouverte auprès de tous nos anciens élèves sur leur conception de l'Université et des moyens de la maintenir vivante et propre à remplir sa mission actuelle. Comme il a donné à l'Université son impeccable revue «Bastions», qui la représente dignement à travers le monde, il lui donne encore, au moment de son départ, le bulletin d'informations

régulier «Rond-Point» qui portera partout, fréquemment, les nouvelles de l'Alma Mater. La gratitude exprimée à M. Racine lors de la transmission de ses fonctions présidentielles à son successeur, à la Maison des Jeunes, était bien méritée. Nous ne le perdons heureusement pas tout entier puisqu'il continuera à servir l'Université en siégeant au Conseil académique et au Conseil de fondation de la Cité universitaire.

M. le pasteur GILLIERON, comme aumônier, a accompli une oeuvre très bénéfique pour l'Université tout entière, pour l'affermissement de l'esprit qui doit y régner, cet esprit de concentration et de joie vivante dans le travail, et de compréhension, de tolérante charité, dans les relations humaines et confessionnelles. Il restera à la fois l'aumônier de l'inauguration de l'important Centre universitaire protestant de l'avenue du Mail, et des inoubliables Noël universitaires où une sorte de communion spirituelle s'accomplissait, à la lueur des bougies et dans la chaleur du message de paix et d'amour, entre tous les professeurs et les étudiants, de toute origine ou confession, mêlés comme doivent l'être tous les hommes de bonne volonté. Il fut l'artisan, avec M. le pasteur Pierre REYMOND et avec le R.P. Jean de la Croix KAELIN, de cette exemplaire harmonie et collaboration chrétienne au sein de l'Université, qui est l'un des phénomènes les plus réjouissants de notre temps où l'«oecuménisme», la paix religieuse dans la compréhension et le respect réciproques, a trouvé sa dimension universelle, grâce à cette vénérable figure apostolique à laquelle tout dernièrement fut attribué, en hommage de reconnaissance, le prix de la fondation Balzan et qui vient, à Rome, de s'éteindre silencieusement au milieu d'une vénération et d'une reconnaissance sans failles, dans toute la grandeur de la simplicité.

4) Promotions et nominations.

Les professeurs extraordinaires suivants ont été élevés à l'ordinariat, en considération tant de l'importance, que de la valeur de leur enseignement: A la Faculté des lettres, Mlle Jeanne HERSCH, pour la philosophie, et M. Tommaso CASTIGLIONE, pour la langue et la littérature italiennes. A la Faculté des sciences, M. Denis MONNIER, pour la chimie analytique, et M. André HAEFLIGER, pour l'algèbre et la topologie; M. Roger LACROIX y a été nommé professeur extraordinaire de mécanique rationnelle et de physique économique. A la Faculté des sciences économiques et sociales, M. Aldo DAMI, chargé de cours, s'est vu confier, comme professeur extraordinaire, l'enseignement de la géographie historique et politique.

A la Faculté des lettres, M. Denis VAN BERCHEM, qui avait été antérieurement professeur extraordinaire de langue et littérature latines dans notre Université, et qui avait poursuivi sa carrière à l'Université de Bâle, a été appelé comme professeur d'histoire de l'antiquité et des sciences auxiliaires, à la suite du départ de M. le professeur Collart et de la réorganisation partielle dont elle a été l'occasion. Nous nous félicitons de voir l'historien et l'humaniste qu'est M. van Berchem revenir dans son Université et dans sa ville natale, à laquelle sa famille a déjà donné un historien éminent.

Il convient de signaler encore que M. le professeur Charles MAYSTRE, administrateur du Centre d'études orientales, a abandonné ses fonctions parallèles d'administrateur du Séminaire de français moderne et de l'Ecole pratique de langue française ainsi que la direction des Cours de vacances, auxquelles il s'est voué avec une grande abnégation pendant des années. Ainsi l'enseignement fondamental auquel l'appelaient ses travaux et sa réputation d'égyptologue a pu être harmonieusement développé, pour rendre toute son importance à la chaire qu'avaient illustrée les savants de l'école genevoise, en lui confiant désormais un enseignement complet d'histoire et d'archéologie égyptiennes, à côté de celui de l'histoire ancienne de l'Orient classique qu'il assume aussi.

Les considérables efforts accomplis pour mettre la Faculté des sciences complètement à la hauteur du rôle qu'elle est appelée à jouer dans notre pays pour répondre aux exigences les plus modernes de la science, viennent d'aboutir, il y a quelques jours, à la nomination par appel, d'entente avec le Fonds national de la recherche et moyennant son appui financier, de M. Alfred TISSIÈRES, de Martigny. M. Tissières a eu l'occasion de travailler et s'est perfectionné dans toute une série de grands instituts et laboratoires à l'étranger, et a collaboré notamment ces dernières années avec le professeur D. Watson, prix Nobel 1962, à l'Université de Harvard. Nommé professeur ordinaire ad personam de biochimie génétique, il sera directeur du nouveau laboratoire de biologie moléculaire qui vient compléter celui de biophysique, travaillant sous la direction du professeur Kellenberger avec une brillante équipe. M. Tissières va pouvoir ainsi contribuer aux travaux et au succès du Centre de recherche d'importance internationale désormais créé à l'Université de Genève, avec l'appui très généreux et décisif du Fonds national de la recherche scientifique. Nous sommes heureux de pouvoir signaler en ce Dies Academicus de 1963, cet événement capital dans l'évolution de nos destins universitaires.

A l'Ecole d'architecture, M. Jean-Claude HOLY a été nommé professeur attaché pour la géographie descriptive. Ont été nommés, d'autre part, les nouveaux chargés de cours suivants: A la Faculté des sciences, M. Jean RUFFET pour la géométrie analytique, et M. Hans GERBER pour la physique des particules élémentaires. A la Faculté de médecine, M. François CHATELANAT pour l'anatomie pathologique au stade propédeutique; à la Faculté des sciences économiques et sociales, pour l'économie publique, M. Charles-André JUNOD, déjà chargé du cours de droit administratif général à la Faculté de droit.

L'Université s'est attaché enfin comme privat-docents MM. Constantin KATZAROV à la Faculté de droit, Jean-Pierre BAUMGARTNER à la Faculté des sciences économiques et sociales, Robert DE DARDEL et le R. P. COTTIER, o.p., à la Faculté des lettres, MM. Gaston GARRONE, François MARTIN et Georges CHANAL à la Faculté de médecine, Joseph RABINOWITZ et Roger CORBAZ, à celle des sciences. Nous mentionnerons simplement encore la nomination de nombreux chargés de recherches qu'imposent de plus en plus dans les diverses Facultés, et surtout en sciences, les développements de 1' Université, et qui lui confèrent une physionomie en partie nouvelle.

A tous ces nouveaux enseignants et chercheurs, l'Université souhaite la bienvenue et exprime sa sympathie, comme aussi son désir de les voir participer à sa vie et à sa mission non seulement avec tout le dévouement, mais avec toute l'ouverture d'esprit que requièrent, dans un sens à la fois humaniste, pratique et vivant, ces réformes dont tout le monde se préoccupe, ou du moins parle ou discute, dans toutes les Universités et spécialement dans la nôtre.

5) Professeurs invités.

Parmi les innovations qui témoignent en faveur de l'esprit de renouvellement et d'enrichissement des méthodes universitaires, cette chronique se doit de rappeler l'institution des professeurs invités que, grâce à la compréhension du Département de l'instruction publique, notre Université a pu introduire et consacrer par un statut nouveau, à l'exemple de ce qui se fait ailleurs déjà, notamment dans les universités américaines, avec succès. Certaines d'entre elles avaient invité, ces dernières années, divers professeurs de nos Facultés de sciences, de médecine, de lettres et de droit, pour des séjours qui se sont révélés profitables de part et d'autre.

Centre de rayonnement international par ses institutions politiques, pédagogiques et scientifiques, Genève est particulièrement bien placée pour pouvoir compléter

certains de ses enseignements par les occasions favorables que lui offrent des centres comme l'Institut des sciences de l'éducation et l'Institut de hautes études internationales, et d'autre part les Institutions internationales telles que le CERN, l'OMS et le BIT, en recourant à des savants étrangers temporairement fixés dans notre ville. L'avantage de l'admission des professeurs invités se double du fait que certains de ces engagements ont pu se faire sans charges financières pour l'Etat et pour l'Université. Cette innovation nous avait permis de bénéficier, depuis 1961, de l'appui très apprécié de personnalités scientifiques étrangères chargées notamment de cours sur la physique nucléaire expérimentale, sur la théorie des noyaux et sur celle des particules étranges; elle nous avait permis aussi d'assurer la suppléance de la chaire de zoologie pendant le semestre d'été 1961.

Durant cette année universitaire, nous avons pu accueillir à la Faculté des sciences, M. Mohan Indra CHAKRAVATI, de l'Université de Calcutta, pour un enseignement théorique à la chaire de statistique mathématique, et M. Soichiro KOIDE, de Tokio, pour la physique du corps solide. La Faculté de médecine a pu s'assurer le concours de M. C. Willet ASLING, professeur à l'Université de Californie, à Berkeley, pour la médecine dentaire, et de M. Robert FURCHGOTT, directeur du département de pharmacologie à Columbia University de New York, pour la collaboration aux recherches expérimentales et pour un séminaire sur des sujets choisis à l'institut de physiologie. Leur assimilation s'est rapidement faite à la satisfaction réciproque.

C'est aussi à titre de professeur invité que M. le Dr. Albert JUNG, directeur du service de physiothérapie à l'Hôpital cantonal de Fribourg, a pu être chargé, à la retraite de M. le professeur Walthard, d'un enseignement de la physiothérapie, de la balnéologie et de la climatologie médicale.

La Faculté des lettres a pu recourir de même, pour un enseignement temporaire d'archéologie classique, à M. le professeur Henri METZGER, de Lyon.

Quant aux échanges fructueux pouvant se faire d'Université à Université, une application en a eu lieu à la Faculté des lettres: M. Black Lee SPAHR, de l'Université de Californie à Berkeley, a été chargé de janvier à la fin du semestre d'été 1963, de l'enseignement de la langue et de la littérature allemandes, comme suppléant et en l'absence du titulaire de la chaire, Mlle Bindschedler, en congé sur invitation de son Université. Des applications ultérieures de ce principe peuvent avoir utilement lieu à condition qu'elles ne gênent ou ne réduisent pas nos propres enseignements, mais les complètent ou les renouvellent en partie, et que la durée n'en soit que temporaire et toujours judicieusement fixée.

6) Distinctions.

Parmi les nombreuses distinctions scientifiques accordées à nos professeurs, dont la modestie ne nous permet d'ailleurs de connaître que quelques-unes, le présent rapport peut signaler les suivantes, à cause de leur notoriété.

M. le professeur Jean PIAGET, co-directeur de l'Institut des sciences de l'éducation, a reçu un nouveau doctorat honoris causa, de l'Université de Brandeis, et M. Paul GUGGENHEIM, professeur à la Faculté de droit, ceux des universités de Louvain et de Lyon. M. le professeur Ernest STUECKELBERG, de la Faculté des sciences, a été honoré de la même distinction par l'Université de Berne.

M. WALTHARD, professeur honoraire de la Faculté de médecine, a été nommé membre d'honneur de la Société internationale d'hydrologie et de climatologie médicale, de la Société allemande de balnéologie et de climatologie médicale, et de la Société allemande de rhumatologie; M. François ACKERMANN, professeur honoraire de l'Institut de médecine dentaire, a été promu au grade d'officier de l'Ordre de la Santé publique de France; M. Marcel RAYMOND, professeur honoraire de la Faculté

des lettres a été reçu, en séance solennelle, membre de l'Académie royale de Belgique.

Enfin, l'Université s'est particulièrement réjouie de voir le Grand Prix quinquennal de la Ville de Genève attribué à deux de ses membres éminents: M. le professeur Paul-Edmond MARTIN, ancien archiviste d'Etat, ancien doyen de la Faculté des lettres et recteur de l'Université, pour l'histoire, et M. le professeur Jean PIAGET pour les sciences. Notre satisfaction s'est augmentée d'entendre leur judicieux éloge fait lors de la cérémonie de la remise des prix au Grand-Théâtre de Genève, le 6 mai, par nos collègues MM. les professeurs William Geisendorf et Fernand Chodat. L'Université est fière de féliciter les deux lauréats, car l'éclat de cette distinction rejaillit en partie sur elle aussi.

II. La vie universitaire et les grands problèmes actuels

Chacun sait que l'Université traverse actuellement une crise de croissance extrême, presque fébrile, et qui semble parfois à peine soluble quand on considère le nombre toujours croissant de ses étudiants et de ses professeurs, la multiplication nécessaire de ses enseignements, et la difficulté sinon même l'impossibilité partielle de leur offrir les auditoires et les amphithéâtres, les salles de cours et de conférences et les laboratoires suffisants. L'Université a la ferme volonté de faire face à cette situation et de ne pas se soustraire à ses nouveaux devoirs, à condition qu'on lui en donne les moyens. M. le Recteur Eric Martin et ses prédécesseurs immédiats avaient déjà mentionné dans leurs discours ces difficultés toujours plus pressantes et la nécessité d'y porter remède, et nous avons dû donner un nouvel écho à ces appels dans l'allocution d'ouverture du semestre d'hiver 1962-1963, en prenant la charge du rectorat.

L'augmentation démographique de ces prochaines années; le courant social qui veut ouvrir largement les portes de l'Université à tous les jeunes de toutes les classes sociales capables de recevoir l'enseignement supérieur; l'afflux d'étudiants attirés par la réputation de notre ville et de nos écoles et venant de loin pour chercher le savoir indispensable à tant de pays neufs; les nécessités de la formation de nouveaux cadres qualifiés et d'une «relève» scientifique et technique dont nous avons de plus en plus besoin: autant de phénomènes généraux dont l'ampleur se répercute aujourd'hui dans toutes les universités, et qui exigent des efforts spirituels et matériels dépassant tout ce qu'un esprit raisonnable imaginait il y a moins de cinquante ans. Le problème est d'ailleurs général, non seulement à l'étranger mais en Suisse. On observait en avril de cette année que l'Université de Zurich, la plus grande de Suisse, «éclatait» elle aussi. En une seule année, elle a reçu plus d'étudiants que dans toute la période entre les deux guerres mondiales. Les auditoriums et les laboratoires débordent. Deux cents étudiants étrangers ont dû être refusés au début de ce semestre. Le restaurant universitaire est engorgé, on ne sait où loger, fût-ce dans des mansardes, les étudiants inscrits à l'Université, dont 60% habitent hors de chez eux. La situation est plus difficile encore à Genève, centre international et qui, on le sait, attire particulièrement les étudiants confédérés et étrangers. Les étudiants (au nombre de 3950) et auditeurs (590) inscrits à ce dernier semestre d'hiver —de nombreuses demandes ayant dû être par ailleurs déclinées, dont environ 150 en médecine —imposent des devoirs, et des mesures hors de proportion avec la situation traditionnelle du début de ce siècle.

Seules des méthodes franchement nouvelles et audacieuses permettront de franchir ces obstacles et de remplir nos devoirs envers la communauté.

1. Examen d'ensemble des besoins et des moyens

a) Rencontres avec le Conseil d'Etat et les départements intéressés.

Il est devenu évident que dans cette situation il n'est plus possible de résoudre la multiplicité des problèmes de manière empirique, par fragments et pour ainsi dire «à la petite semaine», et que la nécessité s'impose de les considérer dans une perspective générale et de chercher à les résoudre selon un plan d'ensemble et par ordre d'urgence. Il est clair aussi que l'Université ne peut pas les résoudre ou en proposer le remède à elle seule; c'est en liaison avec l'Etat lui-même, dont dépendent les réalisations, que les plans pour le présent et l'avenir doivent être établis, et leur réalisation poursuivie.

C'est pourquoi, à l'initiative de l'Université, des réunions périodiques du Conseil d'Etat in corpore et du Bureau du Sénat universitaire, ont été organisées et continuent à se dérouler. Un contact permanent est ainsi assuré, une information réciproque complète peut intervenir, et une «politique» commune de l'Etat et de l'Université peut être examinée et arrêtée dans ses grands traits. De telles réunions communes ont eu lieu dans l'année universitaire en cours, les 28 janvier, 18 février et 20 mai 1963; une nouvelle rencontre aura lieu cet automne. Tous les problèmes y sont examinés, qu'il s'agisse des constructions et des locaux, de la création de nouveaux instituts ou du statut et du recrutement des professeurs, du logement des étudiants, de l'établissement du budget et des perspective financières, des relations avec le Fonds national de la recherche scientifique, de l'appui fédéral aux Universités et de la liaison entre les Universités suisses et romandes, etc. Des discussions larges ont été consacrées aussi à la «vue prospective» du développement de l'Université. Un inventaire précis des besoins et des moyens et un plan d'ensemble seront ainsi mis au point. Dans la dernière réunion commune, M. le chef du Département des finances, en présence des perspectives et des exigences toujours plus larges qui se posent à notre canton et à notre ville, s'est demandé si une commission mixte de spécialistes des questions de l'urbanisme, des finances et de l'enseignement ne devrait pas examiner cette évolution pour Genève, dans l'ensemble de son cadre démographique, politique, universitaire et financier, pour que des limites raisonnables et réfléchies, et des règles fondamentales en accord avec les possibilités réelles, soient établies. Cette suggestion pourrait ouvrir un champ de prévision et d'action plus méthodique et plus sûr.

Ces rencontres générales se complètent, pour l'examen des problèmes relevant plus particulièrement d'un Département ou d'une Faculté, par des rencontres et des discussions particulières, aussi fréquentes qu'il est nécessaire, entre les chefs des départements intéressés assistés de leurs collaborateurs, soit MM. les Conseillers d'Etat Chavanne pour les problèmes d'instruction publique et Peyrot pour ceux qui sont relatifs aux constructions et bâtiments, et le Recteur, le doyen et au besoin les professeurs ou chefs d'instituts compétents. Ces entrevues permettent de rechercher en commun les points d'accord sur les difficultés existantes ou les problèmes nouveaux qui ne cessent de surgir. Le passage strict par la voie normale du Doyen de Faculté, du Sénat et du Recteur, supprimant les interventions et le règlement personnel de certains problèmes d'enseignement ou de traitement, n'a pu que donner plus de sécurité dans l'examen et la solution des questions qui se posent sans répit. Ce mode de faire a permis d'éclaircir rapidement nombre de questions, d'écarter des difficultés et des malentendus, d'arrêter des plans mieux coordonnés, et de trouver certaines solutions urgentes, comme notamment pour le logement provisoire des étudiants. Soulignons à cet égard une innovation heureuse; la présence de représentants de l'A.G.E. lors de ces entrevues lorsqu'elles portent sur des questions où les étudiants sont directement intéressés, comme celle du logement.

L'Université ne saurait assez dire à M. le président du Conseil d'Etat et à MM. les conseillers d'Etat CHAVANNE et PEYROT, chefs des départements intéressés à ses problèmes et à ses soucis, sa reconnaissance pour leur patiente attention et pour leur effectif appui, sans lesquels l'inquiétude et, disons-le, l'impuissance de l'Université devant ses lourdes tâches présentes et à venir, aurait pu être très décourageante, et les conséquences de la difficile transition de l'Université d'hier à celle de demain, se révéler un jour irrémédiables.

b) Etablissement systématique des besoins et du budget

Deux ordres de circonstances aideront essentiellement à résoudre ces tâches impérieuses.

En premier lieu, l'établissement d'un budget distinct et complet pour l'Université et ses Facultés et Instituts, dont les dépenses et les crédits ne seront à l'avenir plus noyés dans les différents budgets des départements, ce qui empêchait, avec une vue d'ensemble claire et précise, les prévisions, modifications et décisions essentielles raisonnablement commandées par la situation actuelle et son évolution. Pour la première fois, avec l'accord des Départements, un tel budget spécifiquement universitaire a été réalisé cette année, sur la base des données complètes rassemblées auprès de tous les doyens, directeurs d'instituts et professeurs de l'Université. Si l'effort a été très grand, et l'établissement d'ensemble par le Bureau du Sénat difficile et lourd, et si ce premier essai ne peut évidemment prétendre du premier coup à la perfection, du moins cette réforme devait être exécutée et méritait cet effort, que l'avenir justifiera et récompensera sans aucun doute. L'Université et l'Etat sauront désormais exactement où ils en sont et où ils vont.

En second lieu, pour aider et faciliter cet effort de clarté et de précision, il convient de mentionner l'ouverture, par la Confédération, à la suite de la «motion Weibel» et en vue de trouver une solution au délicat problème de l'appui financier fédéral à nos Universités, d'une enquête générale dans toutes celles-ci. Elle a porté, de manière aussi précise que les prévisions le permettent, sur les besoins prochains, tant des Universités comme telles, que des différentes Facultés et des Instituts (en locaux, laboratoires, bibliothèques, assistants, etc.), et de chaque professeur pour sa discipline, ses installations, ses attachés de recherche ou chefs de travaux, etc. 11 est évident qu'il ne pourra s'en dégager des certitudes et des éléments absolus. Mais un tableau général des besoins de l'Université en Suisse aura du moins le mérite d'exister, et de permettre des prévisions, des calculs, une coordination et une coopération qui constitueront déjà un immense progrès, et en entraîneront bien d'autres dans le domaine des réalisations. Le Recteur a le devoir et la satisfaction de remercier tous les doyens et les professeurs qui ont bien voulu s'astreindre avec bonne grâce à cet inventaire souvent difficile et détaillé malgré le temps qu'ils ont dû y consacrer, et souvent l'absence d'éléments d'estimation sûrs.

2. Rapports avec le Fonds national de la recherche, les organismes fédéraux et les Universités romandes

Devant l'ampleur des tâches, des ressources financières et des moyens matériels qu'elles exigent, il est manifeste qu'il va devenir impossible, pour les cantons possédant des Universités, de supporter seuls cet écrasant fardeau. Notre pouvoir d'accueil et nos budgets ne sont pas illimités. Les cantons s'en préoccupent justement, comme d'ailleurs aussi la Confédération. La création du Fonds national suisse pour la

recherche scientifique, la fixation de son crédit annuel à 23 millions de francs pour 1963 et les promesses de sa très considérable et indispensable augmentation, l'ensemble du programme de la «relève» et de l'aide fédérale exposé dans le message du Conseil fédéral aux Chambres fédérales du 29 novembre 1962, le montrent bien. a) Une des difficultés à résoudre sera moins celle de la réunion des crédits nécessaires, que de la coordination de cette action multiforme. Il faudra trouver des formules permettant aux Universités de recevoir l'aide fédérale substantielle dont elles ont besoin, tout en ayant la garantie de leur pleine indépendance sur le plan cantonal et sur celui de l'enseignement scientifique. Les Universités et la Conférence des Recteurs suisses qui s'est réunie à Fribourg le 1er décembre dernier, s'en sont occupées. Il conviendra de s'assurer aussi que l'aide fédérale initiale au moyen de laquelle des chaires et des laboratoires auront été créés, de nouveaux professeurs et des chercheurs nommés, sera continuée pour que le poids n'en retombe pas après coup tout entier sur les cantons, qui en seraient écrasés. Il faudra chercher enfin à mieux harmoniser et, pourrait-on dire, à «rationnaliser» la vie, les tâches et les besoins universitaires en établissant une collaboration entre nos Universités, du moins entre les plus voisines qui sont unies par la communauté de langue, pour supprimer des chevauchements, des cumuls d'enseignement, de laboratoires, de centres de recherches, de bibliothèques, etc., qui exigent des dépenses énormes et si difficiles à couvrir, que même les sacrifices financiers les plus considérables ne peuvent aboutir qu'à des situations imparfaites et, sur le plan des instruments de travail par exemple (laboratoires, appareils coûteux, bibliothèques générales et spécialisées), tout à fait insuffisantes.

Cette situation, les remèdes et changements d'action et de méthode profonde, et les accords qu'elle suppose, sont un de nos principaux sujets de réflexion, et ont fait aussi l'objet de nos échanges de vues avec le Conseil d'Etat. Une entrevue commune de ce dernier, du Bureau du Sénat de l'Université et de ses représentants au Conseil du Fonds national de la recherche, a eu lieu avec son président, M. le professeur de Muralt, à l'Université, le 6 novembre 1962, pour examiner ces problèmes. Le budget proprement dit de l'Université pour 1963 s'élève à onze millions et demi (sur un total de 282 millions), contre deux millions et demi (sur 87 millions) en 1950 —indépendamment des crédits, des investissements et des bourses figurant à d'autres postes, ainsi que des allocations du Fonds national. On conçoit qu'il est urgent de reprendre tout le problème pour aboutir à un plan et à des résolutions méthodiques garantissant contre les surprises et les impossibilités. Certes, le Fonds national de la recherche s'est montré compréhensif et généreux pour les besoins de l'Université de Genève, soit plus particulièrement de la Faculté des sciences qui a pris une extension extraordinaire ces dernières années. Le nombre de ses professeurs et chargés de recherches a augmenté de près de 50 en moins de deux ans. Depuis le Dies de 1962 une somme de 4.610.086 francs a été attribuée à notre Université. (On se souviendra que le Fonds national dispose de 23.000.000 de francs en tout). Le 98 % de cette manne, soit 4.528.326 francs sont allés aux Facultés des sciences et de médecine. Les prévisions budgétaires ne cessent de croître: ainsi notamment le budget de construction de la nouvelle Ecole de chimie, agrandie pour abriter aussi d'autres services et devenir en quelque sorte un Institut des Sciences.

Aussi généreuse que soit l'aide du Fonds national et quelle que soit l'augmentation à escompter de l'aide fédérale, il n'en reste pas moins que la situation est alarmante et oblige à poser des questions troublantes à qui non seulement se contente de prendre acte de cette aide présente, mais se soucie de l'ensemble de la situation et de l'avenir de l'Université. D'abord, où s'arrêteront ces développements, cette prolifération et multiplication d'instituts, de laboratoires, de professeurs, d'équipes de chercheurs et d'assistants, de charges financières croissantes? Ne va-t-on pas vers une sorte d'inflation telle qu'elle risque d'entraîner un déséquilibre dangereux, et peut-être un jour tragique, entre les besoins et les possibilités?

D'autre part, une disproportion qui n'est pas sans créer aussi quelque inquiétude et quelque malaise, se dessine de plus en plus entre les sciences dites «exactes» et les sciences «morales» et «humaines», défavorisées ou presque sacrifiées dans ce développement unilatéral menaçant de devenir excessif, et de faire de notre monde un monde avant tout technique. Personne ne nie le bond prodigieux des sciences et la nécessité de s'y adapter, et Genève l'a fait plus systématiquement peut-être que toute autre Université en Suisse. Mais un équilibre est nécessaire. Dans son rapport de gestion pour 1962, paru ces derniers jours, la Société suisse des sciences morales a relevé une fois de plus et très nettement la situation précaire de ces dernières dans la vie scientifique suisse, et s'est interrogée sur ses causes et sur les moyens d'y remédier. Prenant en considération les subsides alloués par le Fonds national et le plan de répartition pour 1963, le rapport a constaté que la part des sciences morales n'atteint pas le 10%puisqu'elle n'est que de 5.676.000 francs sur plus de 57 millions 600.000 francs. Et le nombre des représentants des sciences morales au Conseil de la recherche, qui était de 5 sur 11 au début, n'est plus, depuis le commencement de cette année, que de 7 sur 26.

Il faut se garder d'incriminer le Fonds national lui-même, qui se soucie d'un plus juste équilibre, comme l'a relevé M. le professeur Olivier Reverdin, président de la Société suisse des sciences morales: Les Facultés des sciences morales, les Instituts universitaires eux-mêmes doivent redoubler d'efforts, mieux s'organiser, développer leurs programmes, moderniser leurs méthodes. La Faculté des lettres et celle de droit en particulier, à la suite de l'enquête générale conduite dans l'Université, s'en préoccupent de manière active. Divers instituts spécialisés devraient y être créés. Toujours est-il qu'au sein même de l'Université cette disproportion toujours plus accentuée n'est pas sans causer un déséquilibre fâcheux et sans poser des problèmes de crédits, de place et de locaux, voire même de traitements, qui ne sont pas favorables à la bonne harmonie des enseignements et de la vie universitaire dans ses différents secteurs. Des moyens accrus devraient être mis à la disposition des Facultés de sciences morales pour qu'elles puissent combler leur retard.

b) Nous pouvons ajouter que la recherche de contacts et de solutions partiellement communes, et rationnelles, avec les Universités romandes et particulièrement notre voisine de Lausanne, est en cours. Mais pour aboutir à des résultats pratiques, il faut non seulement des échanges de vues sur le plan académique et au niveau des Universités ou des professeurs. Il faut une entente de principe et une volonté d'aboutir des gouvernements cantonaux mêmes, comme nous l'avons réitérément fait observer dans nos entretiens avec le Conseil d'Etat. Sur le plan universitaire, nous avons approuvé et favorisé les rencontres et les échanges de vues notamment entre les Bureaux et les Secrétaires généraux de Lausanne et de Genève. Des rencontres entre nos conseils universitaires ont eu lieu alternativement à Genève le 10 mars 1961, à Lausanne le 12 mars 1962, et la nouvelle rencontre prévue à Genève pour le 4 mai aura lieu, à cause des difficultés de temps matérielles, le 3 juillet. Une démarche commune des Recteurs de Genève, Lausanne et Neuchâtel avait été faite déjà le 12 octobre 1961 auprès de M. le conseiller fédéral Tschudi sur le principe et l'étude d'une aide fédérale aux Universités.

Des rencontres plus limitées entre doyens et professeurs ont eu lieu d'autre part pour préparer certaines solutions intéressant notamment les Facultés des sciences et de médecine, et celles des lettres et de droit. On a évoqué et préparé une collaboration entre physiciens romands, et l'élaboration d'un projet de convention intercantonale, sur lequel notre Université, à la demande du Département de l'instruction publique, s'est prononcée récemment dans un sens positif. Une entente a été réalisée pour le nouvel observatoire de Chavannes: un pavillon sera construit par l'Etat vaudois; une autre a été cherchée pour la collaboration au sein d'un Centre romand d'hygiène industrielle ou de médecine du travail; une autre encore l'est pour les enseignements

théoriques et pratiques de la criminologie. Les Facultés des lettres de Suisse romande envisagent d'organiser en commun un troisième cycle d'études destiné aux meilleurs étudiants en vue de les préparer à la recherche et au doctorat. Les doyens des Facultés de droit de la Suisse romande se sont réunis à Neuchâtel, dès 1961, pour chercher à organiser une coordination des programmes et des études, et un règlement des équivalences. Il y a quelques jours encore, à la fin de mai, une réunion des bibliothécaires des Facultés de droit s'est tenue aussi à Neuchâtel et a mis au point une procédure de consultation et d'information réciproque.

Sans doute, ces premiers essais et ces commencements de réalisation sont peu de chose encore. Mais l'idée, que les circonstances, les nécessités et la raison imposeront, est en marche. Une étude plus générale et un développement plus systématique de la collaboration scientifique et financière, tant sur le plan fédéral que cantonal, respectant les justes différences et particularités, doivent intervenir.

3. Constructions et locaux

On sait quelles sont, depuis plusieurs années, les difficultés et les préoccupations intenses de l'Université et de l'Etat à ce sujet. Tous les rapports des Recteurs les ont relevées. Le programme de construction est étendu et onéreux. Nous en sommes conscients, et il n'avance que très lentement.

La Faculté des sciences attend avec impatience la nouvelle Ecole de chimie, dont les plans ont été revus et accrus pour faire face aux nécessités de diverses disciplines; on n'envisage plus guère sa réalisation avant 1970, environ. Cependant, la construction, au bord de l'Arve, des «bâtiments des isotopes» qui abriteront aussi divers autres services, a été commencée, et on espère que ces locaux pourront être utilisés à partir de février ou mars 1964. En attendant, le réaménagement de l'aile du côté du Salève, dans le bâtiment de l'Université à la rue de Candolle, a pu être achevé; elle abrite dans des conditions décentes l'Institut de pharmacognosie, des locaux pour les mathématiques, et la bibliothèque de 1'Ecole d'Interprètes, qui a dû être déménagée pour céder une place absolument indispensable aux installations de l'Institut de zoologie et d'embryologie. La réfection et transformation de l'autre aile, du côté Jura, a été entreprise, pour satisfaire aux besoins plus étendus de la zoologie et de la botanique. Au sous-sol, la transformation complète des locaux du laboratoire d'anatomie et de physiologie comparées, est en voie d'achèvement. Mais toutes ces solutions, qui privent d'ailleurs les Facultés des sciences morales installées dans le bâtiment administratif de l'Université, de locaux dont elles auraient le plus urgent besoin, ne sont qu'un pis aller et ne peuvent constituer qu'une solution provisoire. En attendant, l'installation de l'Institut de biochimie clinique a pu se faire à la Roseraie, et une construction est entreprise à Malagnou pour le laboratoire d'endocrinologie. On peut toutefois regretter la dispersion de ces bâtiments.

Pour la Faculté de médecine, le nouveau Centre médical avance heureusement; les plans généraux définitifs ont été approuvés, les travaux sont en voie d'exécution.

Mais pour les Facultés des sciences morales, la situation est plus que difficile. Elles ne pourront occuper l'aile transformée du Musée actuel qui leur est destinée, tant que la construction et l'installation du nouveau Musée d'histoire naturelle à Malagnou ne seront pas achevées. Il y faudra encore quelques années. Leur situation, leur manque de locaux sont quasiment désespérés. Une commission mixte des quatre Facultés a formulé ses voeux minima et élaboré des projets complets, encore que modestes. Les auditoires suffisants pour les grands cours manquent absolument, il n'y a aucune salle de travail ou de réception pour les professeurs ni pour les assistants, pas d'installations suffisantes pour les conférences et séminaires.

Des démarches pressantes ont été faites pour que certaines installations nouvelles, notamment des auditoires, puissent être créés — avec le goût et la discrétion nécessaires — aux Bastions ou non loin des bâtiments existants. Les emplacements nécessaires devraient à tout prix être assurés. On ne sait plus où loger l'Ecole d'interprètes, si l'établissement de l'Institut des sciences de l'éducation semble maintenant confirmé. La pénurie de locaux est telle qu'on a dû envisager de dédoubler des cours ou de les faire le soir ou entre midi et deux heures de l'après-midi, de les réunir à la Maison internationale des étudiants si elle peut les accueillir, ou dans certains locaux du Bâtiment électoral que l'Université demande de pouvoir utiliser en dehors des conférences internationales fréquentes qui l'occupent totalement, en attendant la disponibilité du Palais des expositions. Les difficultés sont telles que, par exemple, la simple ouverture de deux salles de séminaires avec quelques livres de travail, demandée avec insistance depuis de longues années par la Faculté des lettres, pour des enseignements aussi essentiels que ceux des langues allemande et anglaise, n'a pu être finalement assurée, à titre provisoire, que grâce à la compréhension de l'Institut national genevois qui a bien voulu consentir, par pur dévouement et malgré la gêne qu'il en éprouve lui-même, à cet aménagement de fortune. Qu'il soit très sincèrement remercié pour sa complaisance.

Mais il est bien clair que de telles solutions de fortune, toutes partielles, improvisées et insuffisantes, n'empêcheront pas de placer l'Université dans le plus cruel et, bientôt, le plus insoluble embarras. Tout en étant reconnaissante à l'Etat et au Département des travaux publics pour leur effort très certain et pour ces solutions d'attente, d'ailleurs onéreuses, elle est bien obligée d'attirer sans relâche l'attention sur cette situation qui la met dans l'impossibilité d'accomplir convenablement toute sa tâche. Malgré toute la bonne volonté rencontrée au Département des travaux publics, nous ne pouvons qu'insister et répéter nos appels. Le recours du Département à un nouveau collaborateur, M. Galluser, architecte, chargé d'assurer les liaisons et la coordination des plans, permet d'espérer des progrès plus rapides vers des solutions satisfaisantes.

L'état de la Cité universitaire nous amène à des considerations plus réconfortantes. Grâce aux incessants efforts du président et du Conseil de fondation, nous espérions qu'elle pourrait non seulement être inaugurée mais occupée tout entière, en ce qui concerne les logements, à la rentrée d'octobre de cette année. Cependant, la pénurie notoire des ouvriers sur les chantiers ne permettra pas de remplir complètement ces espoirs, malgré les interventions du président M. le professeur Baumann, la vigilance constante de M. Vicari sur les lieux pour assurer le contrôle et pousser les travaux, et malgré la bonne volonté des architectes, réitérée lors d'une réception à l'Université. Mais M. le conseiller d'Etat Treina a bien voulu intervenir pour que le nombre des ouvriers promis, et qui manquaient, puisse être augmenté dans une certaine mesure. Pour le reste, tous les ameublements sont commandés, l'installation est en cours, les statuts sont signés et les principales nominations sont faites; et malgré les contretemps, un des bâtiments sera terminé et 200 lits seront prêts pour la rentrée. Le reste des travaux sera poussé activement pour que le bâtiment principal puisse accueillir à son tour autant d'hôtes nouveaux au semestre d'été 1964.

Nous souhaitions pouvoir donner aussi de bonnes nouvelles des projets de construction de la Résidence et de l'Hôtel pour les étudiants, que se proposent de réaliser la fondation des Anciens étudiants de l'institut universitaire de hautes études internationales, d'une part, et la Fondation Filipinetti, d'autre part. L'Université s'était intéressée de tout son coeur à ces deux projets et avait décidé d'en assurer la prompte réalisation en concédant gratuitement aux deux fondations un droit de superficie sur une partie de la Campagne Rigot, qu'elle tient de la générosité de M. Rockefeller junior. Elle a vu avec le plus grand regret l'arrêt de ces projets, auxquels plus rien ne semblait s'opposer après la visite commune sur place avec les

représentants des deux fondations et leurs architectes. Les plans d'urbanisme et d'aménagement des lieux, qui prévoient l'utilisation de la partie inférieure de la propriété de l'Université pour l'accès de l'autoroute, et de sa partie supérieure pour la transformation de la place des Nations et l'implantation d'une grande tour à cet endroit, ont malheureusement ruiné ces espoirs. Mais nous n'avons pu que nous soumettre aux exigences publiques qui nous étaient imposées. Un terrain pour la Résidence a pu être heureusement trouvé et offert par l'Etat, à proximité de l'Institut universitaire et des Institutions internationales. Un autre est activement cherché pour l'Hôtel des étudiants de la fondation Filipinetti. Que ces efforts, cette bonne volonté générale et ce désir commun de prompt aboutissement puissent bientôt recevoir leur consécration, pour que ces constructions si nécessaires puissent être commencées et achevées sans autre retard.

4. Aide et activité du Conseil académique

Le Conseil académique, institué comme organe consultatif du Bureau du Sénat et comme lien entre l'Université et la cité, depuis novembre 1960, a déployé une activité très régulière, dévouée et précieuse, sous la présidence de M. André FATIO. Après s'est informé de près sur la situation et les problèmes principaux de notre maison, il a établi un programme de travail méthodique, examinant les diverses tâches qu'il pourrait utilement accomplir dans ce rôle consultatif. Il a envisagé de le faire dans le secteur social, pour les problèmes de l'accueil, du logement et de l'adaptation des étudiants, ainsi que de leur aide financière et morale. 11 l'a fait aussi dans le domaine des enseignements, de la sélection des étudiants, des méthodes d'étude, des examens, etc. Il s'est naturellement préoccupé aussi des problèmes financiers, notamment de la recherche de ressources nouvelles pour les enseignements, les laboratoires, la Cité universitaire, les bourses, et de la documentation financière utile à l'Université. Il s'est enfin voué aux problèmes des contacts extérieurs, des publications, des émissions, etc., destinées à faire mieux connaître et apprécier l'Université. Depuis sa constitution, il a tenu 21 séances, dont 7 pendant l'année universitaire en cours.

A un moment où le nombre des étudiants est appelé à augmenter par l'octroi plus libéral des bourses et des allocations d'études, il s'est particulièrement préoccupé d'une sélection judicieuse, d'un bon encadrement, et de méthodes d'enseignement telles que l'étudiant soit intégré le mieux possible dans la vie universitaire, et en profite au maximum.

Le nouveau «Guide de l'étudiant» a été créé à son initiative, avec l'appui financier très substantiel de la Société académique (avec laquelle il ne faut pas le confondre à cause d'une analogie terminologique qui devrait être corrigée). Il a appuyé aussi l'action destinée à permettre aux étudiants confédérés et étrangers d'entrer en contact avec les familles genevoises, et les initiatives de l'Association des anciens étudiants et de l'Université à ce sujet. Il a approuvé et encouragé la vaste enquête faite par l'Association des anciens étudiants sur les problèmes de l'enseignement et de ses réformes souhaitables, animée par le président des Anciens, M. Racine, membre du conseil, et dont il s'occupe à dégager les résultats. Il s'est préoccupé aussi de la santé mentale des étudiants, il a entendu M. le professeur Stelling-Michaud sur les observations faites à ce sujet et corroborées par celles du conseiller aux études ou de 'assistante sociale, et il a pu présenter au Bureau du Sénat un rapport et des propositions précises, qui seront retenues pour l'action psychologique et sociale qui se recommande.

Actuellement, le Conseil s'occupe principalement du problème des locaux et de leur pénurie, qui est le souci majeur auquel il a décidé de se consacrer. Car il lui a paru

évident que la qualité de l'enseignement et la participation plus active et si désirable des étudiants, dépendent de la solution de ces difficultés.

Sur le plan administratif, une collaboration étroite s'est établie entre le Conseil académique, le Département de l'instruction publique et l'administration de l'Université, en vue de l'inventaire financier des différentes facultés et institutions universitaires. Un fichier des ressources nécessaires à chaque professeur doit aider à l'établissement annuel du budget de l'Etat. Le Secrétaire général de l'Université, M. Ducret, s'associe à cette tâche.

Enfin, à la demande du Bureau du Sénat, le Conseil procède à l'étude approfondie du Message du Conseil fédéral du 29 novembre 1962, concernant l'insertion dans la constitution fédérale d'un nouvel article sur l'allocation de bourses d'études et les autres aides financières à la recherche scientifique et à l'instruction. M. le professeur Olivier Reverdin, conseiller national et familier de ces problèmes, établira le rapport devant servir de base aux discussions et au préavis soumis au Bureau du Sénat. Celui-ci, si lourdement chargé par les nombreuses affaires courantes tout au long de l'année, ne peut que se féliciter de ces travaux préalables étendus, qu'il n'aurait lui-même pas le temps d'accomplir à bref délai.

5. Comité d'action sociale

L'accroissement constant du nombre des étudiants, l'augmentation très sensible du coût de la vie et donc du coût des études, l'accès à l'Université d'étudiants de plus en plus nombreux qui ne peuvent pas compter sur l'appui matériel de leur famille, et l'obligation qui est faite à l'Université de prendre en charge les étudiants non seulement pour leur formation intellectuelle mais aussi pour la satisfaction de leurs besoins essentiels (logement, santé, alimentation, etc.) tels sont quelques-uns des éléments qui ont amené le Sénat, en 1962, à remplacer le «Comité de patronage» des étudiants par un organisme plus large: le Comité d'action sociale.

Ce Comité est composé des quatre commissions permanentes suivantes: a) logement et alimentation, b) accueil, c) santé et questions médicales, d) entr'aide. Chaque commission constitue une sorte de forum où tous ceux qui travaillent dans un domaine spécifique au bien-être social des étudiants peuvent se rencontrer, échanger des expériences, coordonner des projets. Ces commissions sont ouvertes à tous ceux qui, en dehors de l'Université proprement dite, oeuvrent directement pour les étudiants (par ex. l'Institut africain, le Centre Patino, la Maison internationale des étudiants, le Foyer John Knox, etc., pour ne parler que de la commission du logement). Le Comité d'action sociale assure l'animation et la liaison des activités des quatre commissions permanentes.

Quels sont les problèmes principaux qui doivent aujourd'hui retenir l'attention du Comité d'action sociale? Le Secrétaire général de l'Université, M. DUCRET, qui préside et coordonne toutes les actions, les résume dans le programme suivant.

Augmentation des crédits de bourses pour les étudiants suisses et étrangers, tant pour permettre de prendre en charge un plus grand nombre d'étudiants, que pour permettre d'augmenter le montant des bourses (actuellement, en règle générale, de 350 francs par mois) — Accroissement des possibilités de fréquenter un restaurant universitaire; utilisation du restaurant de la future Cité; peut-être aussi agrandissement du restaurant de l'avenue du Mail —Réorganisation de la caisse-maladie qui n'est pas adaptée aux exigences actuelles —introduction d'une assurance-accidents qui couvrirait des risques plus larges que ceux provenant d'accidents au sein de l'Université ou sur le chemin de l'Université — Etude sérieuse de la possibilité de créer un petit service médico-social; pendant quelques jours par semaine, un médecin

pourrait être à la disposition des étudiants — Renforcement du contrôle radiophotographique; consultations psychiatriques, etc.

En redistribuant plus judicieusement les locaux de la rue de Saussure et en doublant Mlle Secrétan d'une seconde assistante sociale, on pourrait aisément jeter les bases d'une organisation nécessairement souple — car en matière d'action sociale, le maximum de souplesse s'impose — qui, sur le plan administratif viendrait heureusement compléter les initatives du Comité d'action sociale. Il ne fait pas de doute que nous souffrons actuellement d'un éparpillement des responsabilités entre les divers services de l'Université dans ce domaine.

6. Questions administratives et publications

Les proportions déjà excessives de cette chronique de l'Université obligent à effleurer seulement quelques innovations introduites au cours de cette année pour adapter et simplifier les méthodes d'information et les documents destinés aux étudiants et au public en général. Nous en remercions le Secrétaire de l'Université, M. Corboz, qui s'y est voué avec beaucoup de soin.

L'innovation essentielle a été de renoncer, à l'avenir, à la double publication du programme général des cours de l'Université, une fois pour le semestre d'hiver, puis une autre pour le semestre d'été. Les frais et la perte de temps sont considérables, et au fond peu justifiés car la mise au point, la vérification par tous les professeurs et la publication, au semestre d'été qui est si court, exigent un tel temps que le programme lui-même paraît trop tard et ne rend ainsi plus du tout les services qu'il est supposé offrir. Un seul programme sera donc désormais publié par année, contenant les enseignements pour les deux semestres, et il pourra être préparé assez tôt, pendant les vacances d'été, pour être prêt à temps et servir dès avant la rentrée. Cette innovation demande des professeurs un surcroît de travail et d'attention auquel ils ont bien voulu se soumettre. La présentation, l'ordre et la lisibilité du programme lui-même ont été revus et mis au point selon la proposition de la Faculté de droit. Les différentes disciplines, dans chaque Faculté ou Institut, ont été méthodiquement regroupées et classées. La lecture et les recherches en sont par là plus claires et plus faciles, et l'effet meilleur.

Dans le même dessein d'ordre et de lisibilité meilleurs, la présentation du rapport du Dies Academicus avec toutes ses mentions détaillées, a été refaite. 11 s'offre depuis cette année de manière plus frappante et plus heureuse, et sera plus aisé à consulter.

Enfin, toujours dans l'intention d'aider mieux les étudiants auxquels le «Guide» nouveau a été offert, un Répertoire des prix, bourses et fonds à leur intention a été établi. On veut espérer qu'ils sauront y recourir, et profiter de manière plus systématique et plus générale de ces avantages.

III. La vie et les problèmes des étudiants

Mais j'ai hâte d'arriver ainsi à ce qui est au fond l'essentiel, c'est-à-dire les étudiants eux-mêmes, car n'est-ce pas pour eux que l'Université est faite, et vers eux que tendent tous ses efforts et toute notre attention? S'ils les jugent sans doute parfois insuffisants, inefficaces, ou trop lents, du moins pouvons-nous avoir conscience de ne rien épargner

de la sympathie, de la volonté et de la ténacité qui devraient nous permettre de mieux répondre à leurs voeux, à certaines de leurs critiques aussi sans doute, ou même parfois aux exigences de leurs réclamations.

1. Relations avec l'A.G.E.

Ce problème des relations avec les étudiants, qui ne sont jamais absolument faciles, le Recteur l'aborde en toute sérénité d'esprit, avec confiance, parce qu'il faut l'aborder d'abord avec loyauté, et avec un respect mutuel. Et le respect implique la reconnaissance de ce simple fait que l'élève, l'étudiant n'est pas un enfant mineur, mais un être qui réfléchit, a ses propres vues des choses, cherche à prendre ses responsabilités ou à faire reconnaître ce qu'il estime ses droits. Les relations entre le maître et l'élève sont toujours délicates, parce que les rôles de donner et de recevoir, de former et de se laisser former, qui devraient être complémentaires, sont dans le fait antagonistes et que, quoi qu'on fasse, la génération du maître et celle de l'élève ne pensent, ne sentent et ne jugent pas selon les mêmes critères. C'est particulièrement le cas dans le monde actuel, où les rapports traditionnels sont dépassés, rompus beaucoup plus rapidement et profondément que ce ne fut jamais le cas, puisque le rythme de la vie et de ses changements ne fut jamais aussi précipité, et le désir d'émancipation aussi grand. Entre la bienveillance un peu trop confiante, taxée de paternalisme ou de condescendance, et l'autorité, l'austérité du magister qui aboutit à la contradiction, au refus ou à la recherche de l'évasion, l'équilibre est difficile à trouver. Mais je pense que ce n'est pas impossible, à condition de le chercher —et de le chercher patiemment et dans un esprit de justice total, avec le souci de comprendre les situations nouvelles et les aspirations de la jeunesse étudiante. Mais comment les comprendre si nous n'allons pas «à sa rencontre» et si nous ne savons trouver auprès d'elle un écho de notre jeunesse et un ferment de renouvellement?

Je ne cacherai pas que le Recteur qui, tous les quinze jours, le mardi matin, reçoit dans son cabinet le président et les membres du Bureau de l'A.G.E., attend et accueille toujours cette visite avec plaisir. Toutes les questions intéressant l'A.G.E. et la vie de l'Université vue du côté des étudiants, tous les problèmes qui les préoccupent et qui par conséquent doivent aussi nous préoccuper, sont abordés avec franchise et, j'ai le devoir de le dire, avec beaucoup de raison et une évidente bonne volonté, un désir sincère de collaboration, par les représentants des étudiants. Le plus souvent, même s'il peut y avoir divergence dans la manière de considérer une question, de chercher ou même simplement de nommer le remède préconisé (mais qu'importent les étiquettes par rapport aux réalités?), l'accord sur l'essentiel finit par être constaté.

Le Recteur précédent, M. Eric Martin, dans son rapport de l'an dernier, avait déjà relevé avec équité l'effort très méritoire, et couronné de succès, accompli par l'A.G.E. pour assainir sa situation financière et corriger d'anciennes méthodes de gestion très fortement marquées d'amateurisme et d'excessif optimisme, qui avaient fréquemment donné de graves soucis au Recteur et au Bureau du Sénat. Ces soucis ont aujourd'hui disparu, la situation est prospère, le budget sain, et l'Université ne peut que souhaiter qu'il continue d'en aller ainsi: cela d'autant plus qu'en étendant son activité et ses institutions comme elle désire le faire, l'A.G.E. a d'autant plus besoin d'ordre scrupuleux, d'esprit de suite et d'efficacité dans sa gestion.

De ce point de vue et quoi qu'on dise de la constitution du Conseil de l'A.G.E. et de son orientation, qui sont ce que les élections, c'est-à-dire la volonté ou l'abstention

des étudiants eux-mêmes les ont faites, il faut reconnaître que nombre de ses propositions sont l'effet d'une vue intelligente et généreuse des choses et se rencontrent avec les propres souhaits et encouragements, plus d'une fois exprimés, du Bureau du Sénat de l'Université. Si je reprends quelques-uns des titres des discours des Recteurs précédents, notamment de MM. Babel en 1944 et de Ziegler en 1954: «L'Université a-t-elle failli à sa mission?» et «L'Université et l'époque», j'ai bien le droit de dire, en 1963, que la première question doit se poser toujours à l'Université, et que celle-ci a le devoir de s'interroger scrupuleusement et d'y répondre le front haut; et d'autre part, que cette interrogation elle doit la faire et cette réponse la donner, en fonction des problèmes, des besoins et des aspirations du temps présent, de son époque, c'est-à-dire dans la perspective d'avenir qu'elles ouvrent et dans laquelle il faut savoir s'engager résolument; car la richesse du passé ne sera pas une consolation ni une excuse, si l'avenir est stérile.

La création d'une «commission de gestion» inspirée de la bonne expérience de I'UNES, afin de garantir une certaine continuité des actions entreprises et des améliorations réalisées, et de s'assurer temporairements le conseil d'anciens membres du bureau dont l'expérience peut être utile et même nécessaire au nouveau, est une suggestion qui a été faite, au Bureau du Sénat, il y a plusieurs années déjà, lorsqu'il était obligé de constater le désordre et les tâtonnements ou recommencements résultant de l'inexpérience et du continuel changement des dirigeants et des titulaires des principaux offices de l'A.G.E., et notamment de la trésorerie.

La création d'un nouvel «Office des affaires universitaires» à un moment où elles prennent tant d'importance avec le développement de l'Université et où pourtant la très grande majorité des étudiants s'en désintéressent, ne peut être que recommandable et avantageuse: qu'est-ce en effet qu'une Université que ses étudiants désertent, spirituellement, affectivement et même matériellement? L'idée de coordonner les efforts quant aux réformes et à la modernisation des programmes, des études et des méthodes, d'établir un lien entre les autorités civiles et universitaires ayant pour tâche de décider et de diriger le développement de l'Université, et de se faire entendre d'elles, n'a rien que de logique et de raisonnable. De même, la création d'un «Office des affaires culturelles» remplaçant l'organisation périmée du service d'art et culture, qui n'a pas répondu aux très vastes espoirs de ses animateurs, correspond à ce que le Recteur même conseillait aux fins de mieux coordonner dans l'Université tous les efforts, toutes les bonnes volontés et tous les moyens disponibles: théâtre et lectures-spectacles, expositions, musique et chant, ciné-club et photo-club, au lieu de disperser tous les efforts, de diviser les organisations et d'émietter des ressources d'ailleurs assez maigres pour des résultats souvent douteux.

Enfin, les associations de Facultés et d'Instituts sont une raisonnable et désirable création dans la vaste extension, le compartimentage et l'isolement de plus en plus marqués de l'Université d'aujourd'hui, et il ne tient qu'aux meilleurs éléments de les animer et de les rendre profitables et fécondes en les reliant au centre vital où toutes les forces devraient converger.

Je souhaite que le Président de 1'A.G.E., M. PATTARONI, dans son allocution, puisse nous renseigner sur le sens et le sort de ces projets, et sur l'accueil qu'ils ont trouvé — dans un débat digne de l'Université et de l'intelligence dialectique des étudiants, on l'espère. Pour ma part, il ne me gêne personnellement pas, d'où que viennent les propositions, les projets ou les enquêtes, de les étudier et de m'y intéresser pourvu qu'on ne puisse leur dénier l'objectivité, le sérieux et la bonne foi, et pourvu qu'il en résulte un apport solide présentant des conclusions honnêtes. Une contribution sérieuse venant des étudiants a droit d'être prise en considération, même si tout ce qu'elle contient n'entraîne pas pleine approbation et s'il n'y a que quelques semences à en tirer pour les faire germer en bonne terre. C'est un devoir de répondre honnêtement à tout effort honnête, et l'on doit tenir pour certain qu'il ne peut en

sortir que du bien. Si les étudiants sont divisés, que chacun fasse un effort analogue, discute et présente ses conclusions, au lieu de s'abstenir, de «manifester» par «une certaine absence». J'aimerais reprendre la formule de M. le Vice-recteur Terrier dans le numéro de février d'Action étudiante: «Seul coopérer compte».

2. Quelques réalisations pratiques: Nouvelle installation, Club et Coopérative

La vie quotidienne de l'A.G.E. s'est modifiée aussi quant au cadre dans lequel elle s'exerce désormais. Trop à l'étroit dans la fameuse «salle 50» de l'Université, son administration et ses offices ont pu être transférés dans des locaux mieux adaptés à leurs besoins, grâce à l'utilisation de l'ancien Restaurant universitaire transformé et rénové, à la rue de Saussure où divers autres services, comme ceux de l'assistante sociale, du maître des sports et du responsable de l'office du logement, ont pu être groupés. L'A.G.E. s'en est montrée satisfaite, elle a reconnu que l'appartement dont elle dispose est agréable et pratique, et qu'elle peut travailler dans des conditions meilleures.

L'A.G.E. s'est réjouie encore de l'installation, à la rue de Saussure, du Club d'accueil des étudiants qu'elle désirait depuis longtemps et pour l'ouverture duquel ses dirigeants, et notamment M. Maldonado, vice-président étranger, et M. Marco, auteur des plans d'aménagement, se sont beaucoup dépensés. L'événement est heureux, l'installation s'est faite avec goût, un mobilier approprié a été acquis grâce à l'appui financier de la Société académique jamais sollicitée en vain. Une décoration artistique lui sera donnée par des élèves de l'Ecole d'architecture et beaux-arts. Le Club est ouvert tous les jours de 9 à 23 h. Il sera officiellement inauguré le 13 juin. Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes, si malheureusement le bruit de la musique et les soirées dansantes ne valaient aux étudiants quelques difficultés de la part des locataires troublés dans leur tranquillité. Nous souhaitons que cet inconvénient puisse être levé par un autre règlement d'heures ou la recherche de meilleurs aménagements ou d'un autre local.

Plus ou autant que pour l'activité qu'elle déploie dans le domaine proprement universitaire, l'A.G.E. recueillera probablement l'éloge et la reconnaissance des étudiants pour une autre initiative encore: l'ouverture d'une Coopérative où tous les articles qui leur seront utiles, des «produits de consommation» aux «fournitures scolaires» pourront être trouvés, à des conditions très favorables. Elle aura bien mérité des étudiants qui, quoi qu'on dise, sont presque toujours des «économiquement faibles».

3. Accueil et adaptation des nouveaux étudiants et des boursiers

a) L'A.G.E. s'est efforcée comme précédemment, au début des semestres d'hiver et d'été, d'organiser l'accueil et l'information des nouveau-venus dans le hall du premier étage de l'Université, en liant son action à celle du Secrétariat et des Facultés elles-mêmes. Cette action générale, qui visait à bien introduire dans leurs habitudes universitaires environ 400 nouveaux au début de ce semestre, doit être encore mieux

coordonnée. Dans ce domaine de l'engagement personnel et du service social comme dans certains autres, nombre d'étudiants font encore montre de trop d'indifférence: lors de la dernière réunion préparatoire, sur plus de 90 convoqués, 15 environ ont répondu à l'appel de leurs camarades.

En revanche, le Cartel des Sociétés d'étudiants portant couleurs —Zofingue, Stella, Salévia et Lega —reprenant et développant une louable initiative de la première de ces associations l'an dernier, a organisé le dimanche 12 mai une journée d'accueil pour les nouveaux étudiants. Près de 200 étudiants, pour la plupart étrangers à la Suisse, avaient répondu à son invitation. Le Cartel les a conduits à travers la ville et la campagne pour les leur faire connaître, visitant les principaux monuments de la cité, le siège des Nations Unies et la commanderie de l'ordre de Malte à Compesières, où une aimable réception fut offerte par M. le maire Delétraz qui en retraça l'histoire, et par les autorités. L'excursion au cours de laquelle une franche camaraderie a pu s'établir entre étudiants de toutes nationalités, s'est terminée le soir à la salle communale de Cologny, où un buffet froid fut servi avant l'ouverture d'un bal conduit par un orchestre d'étudiants genevois. Cette initiative commune, encouragée et matériellement soutenue par l'Université et l'A.G.E., représente le modèle même de l'esprit de solidarité et de communauté qu'au-delà de toutes origines et nuances, nous désirons si fort voir s'instaurer dans notre maison.

Cet événement, dont nous espérons qu'il est le fondement d'une tradition que rien n'altérera, mérite d'être signalé dans les annales universitaires de 1963. D'ores et déjà, le Cartel a pris contact avec le bureau de l'A.G.E. pour la manifestation du semestre d'hiver prochain. Le Recteur voudrait, s'il en avait le temps, reprendre ici l'éloge que, s'adressant à Stella de cette place, lors de son centenaire récent, il adressait aussi, à travers elle, à tous les groupements d'étudiants où se fait l'apprentissage de l'amitié, de la solidarité, de la mise en commun d'un même idéal, dont ceux qui ont eu le bonheur de connaître ces vertus savent qu'elles orientent et marquent toute une vie.

Une soirée agréable avait été organisée d'autre part à l'Institut africain de Drize, le dimanche 17 février, par l'Association des étudiants et étudiantes de l'Afrique noire. Dans une atmosphère amicale et détendue, encore que la soirée fût rehaussée par la présence de quelques ambassadeurs ou délégués permanents au siège genevois des Nations Unies, nos jeunes Africains surent offrir à leurs hôtes un menu de spécialités culinaires africaines et un programme folklorique de musique, de chants et de danses, dans lesquelles certains invités fort dignes se laissèrent entraîner, autant par l'élan du rythme que par celui de la sympathie. L'«âme africaine » apparut en pleine lumière dans certains poèmes pathétiques de Césaire et de Senghor, très bien dits, qui donnèrent le véritable ton et la signification de cette fête, à laquelle présidait avec bonne grâce M. Pierre BUNGENER, le directeur de l'institut africain.

b) C'est le lieu de relever l'attrait particulier qu'exercent les instituts d'instruction supérieure de Genève sur les étudiants de l'Afrique francophone. Genève semble en voie de devenir un centre important pour la formation des élites noires. Cela non seulement à cause du charme et de l'agrément qui lui sont propres, mais aussi et surtout parce que les bacheliers et boursiers venus d'Afrique désirent une formation universitaire donnée dans un parfait esprit de liberté et de respect civique, dégagé de toute influence et même de tout souvenir des principes de l'administration coloniale. La Confédération devrait tenir compte de cette situation pour apporter à notre canton une aide efficace correspondant à ces charges particulières. Au semestre d'été, plus de 130 Africains (en comptant un certain nombre d'auditeurs) suivaient des cours à l'Université, à l'institut universitaire de hautes études internationales, ou à l'institut africain. Nous savons bien qu'une sélection sévère doit être la condition de leur admission, et que seuls des étudiants bien préparés et vraiment capables d'assimiler un

enseignement supérieur doivent être accueillis pour le recevoir chez nous; c'est chez eux, en Afrique même, que nous devons aider les nouveaux Etats à former leurs cadres moyens. On s'en préoccupe d'ailleurs et la conférence des Recteurs suisses, en décembre dernier, s'est longuement consacrée à ce problème. Il est clair qu'un choix qualitatif strict doit s'opérer déjà au départ, qu'une admission doit être subordonnée à un examen sérieux, et que pour les boursiers et les candidats insuffisamment préparés, une année propédeutique préalable ou des cours complémentaires spéciaux sont nécessaires: les Universités suisses ont prévu qu'ils puissent être donnés à l'Institut Saint-Justin, à Fribourg, qui est particulièrement organisé pour cette tâche.

Tous ces problèmes ont été discutés aussi à fond lors de la première assemblée générale des universités entièrement ou partiellement de langue française (AUPELF), dans l'association desquelles Genève a reconnu souhaitable d'entrer. Des journées intéressantes qui se sont tenues à Paris du 24 au 28 avril, le Recteur et le Secrétaire général de l'Université ont pu rapporter de nombreuses informations, accompagnées de relations d'une grande utilité pratique et qui nous guideront plus sûrement dans nos expériences. On voudra bien me permettre de dire que le congrès a tout particulièrement apprécié aussi les observations que Genève a déjà eu l'occasion de faire dans le domaine de la collaboration universitaire avec l'Afrique, puisque les organisateurs ont demandé à M. Bungener, directeur de l'institut africain, et au Recteur de notre Université d'exposer, dans deux des sections de travail, les problèmes de l'accès aux études et de la formation des cadres supérieurs africains, dans la perspective continentale qu'offrent les premiers essais accomplis par notre cité.

c) L'adaptation et la formation des étudiants et boursiers étrangers, et en particulier des ressortissants des nouveaux pays, exigent sans aucun doute, si l'on veut de bons résultats, que l'on s'occupe d'eux de manière toute particulière afin qu'ils puissent surmonter le dépaysement et la solitude, les difficultés de méthodes et d'enseignements nouveaux, l'exigence des travaux de séminaire et de conférence, et plus encore celle des examens qui doivent être maintenus, pour eux aussi, à un niveau élevé.

L'Université y a pourvu en instituant, la première en Suisse, comme le souhaitaient les organes fédéraux, un conseiller aux études chargé plus spécialement d'apporter aide et conseil aux étudiants étrangers. Nous avons eu la chance de trouver pour ce poste nouveau un titulaire bien qualifié, M. Jean ZIEGLER, avocat et docteur en droit, nommé en même temps chargé de recherches à la Faculté de droit, qui a eu l'occasion d'expérimenter le rôle de conseiller aux études dans les Universités américaines, et qui connaît les problèmes de l'Afrique où il a séjourné comme professeur à l'Ecole de droit et d'administration de Léopoldville, et sur lesquels il a publié plusieurs études. Ses efforts et ses expériences au semestre d'hiver, leurs premiers résultats et les suggestions qu'il y a lieu d'en tirer, ont été exposés dans un rapport au Recteur, rapport qui a été soumis au Bureau du Sénat et qui servira pour nos déterminations et notre action future en ce domaine. A son avis, 32 boursiers fédéraux sont «des étudiants capables et ambitieux» qui donnent satisfaction et réussiront; 4 d'entre eux seulement n'ont «ni les qualités ni la volonté nécessaires pour faire des études universitaires»; sur l'ensemble enfin, 9 seraient d'ailleurs en mesure de pourvoir à leurs études par leurs propres moyens, vu leur situation de famille et n'auraient pas strictement besoin de l'aide fédérale. C'est souligner une fois de plus l'importance de la présélection et du choix.

Ne manquons pas de signaler enfin, vu l'intérêt de ce chapitre nouveau qui débute pour l'Université, que pour mieux ouvrir la compréhension et assurer l'assimilation pratique des boursiers étrangers à notre vie locale et nationale, à notre esprit civique, à nos institutions et à leur sens, sont organisés des colloques périodiques, qui ont eu l'honneur d'être inaugurés par un exposé de M. le Conseiller d'Etat Chavanne lui-même: des sujets généraux sont introduits par des personnalités particulièrement

propres à initier les étudiants, qui sont appelés ensuite à leur poser toutes les questions qu'ils jugent désirables et à manifester leur intérêt par un débat général.

L'aide aux étudiants en difficulté pour leurs études, l'institution de répétitoires ou de groupes de travail spéciaux pour la préparation aux examens —répétitoires où se sont inscrits ce semestre plus de deux cents étudiants pour les seules facultés des sciences morales — et toute l'action du conseiller aux études en général ont déjà donné des résultats si probants, que cette institution s'est rapidement imposée et que le Bureau du Sénat unanime s'est prononcé en faveur de la création d'un second poste analogue, tout aussi nécessaire, pour les sciences et la médecine.

4. Quelques événements de la vie universitaire, la culture générale, les arts et les sports

En tournant les pages du calendrier des deux semestres écoulés, on peut retenir quelques faits marquants dont certaines leçons d'ordre général se dégagent non sans profit.

a) Dans le programme des «grandes conférences» annuelles sur le thème Science et Vie sociale, introduites à la suite d'une heureuse initiative des principales Organisations internationales établies à Genève et réalisé en concours avec l'Université, nous avons eu le privilège d'offrir, après la brillante conférence du professeur OPPENHEIMER, organisée l'an dernier par le CERN, une seconde conférence préparée cette fois par l'OMS, sous le patronage du directeur général, M. le Dr Candau. M. René DUBOS, membre et professeur de l'Institut Rockefeller à New York, membre de l'Académie nationale des sciences et du Conseil national de la recherche, est venu, le 12 février, nous entretenir d'un sujet exaltant s'il en fut: «Les rêves scientifiques de l'humanité». Cette haute méditation retraçant l'espèce d'épopée qui a conduit l'homme, tiré de la cellule initiale, du vieux rêve d'Icare foudroyé, à la réalité des cosmonautes sillonnant ces espaces infinis dont le silence effrayait encore Pascal, eut un succès très mérité. Elle nous obligea cependant à constater, à regret, le manque de curiosité des étudiants, qu'un tel sujet, exposé par un tel savant aurait dû pourtant attirer en foule. Que cette constatation n'empêche cependant pas le Bureau international du travail, l'Organisation mondiale de la santé, l'Organisation météorologique mondiale et l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire, de poursuivre le cycle de ces conférences qui s'insèrent au plus haut niveau universitaire, et qui ont inauguré une coopération dont l'Université est fière et très désireuse d'étendre les avantages.

b) Les Journées de l'art, préparées avec beaucoup de foi par M. Maldonado, vice-président de l'A.G.E., Mile Egli, responsable de l'Office d'art et culture, et M. Botbol, se sont déroulées du 2 au 6 février; elles ont voulu offrir au public, et surtout aux étudiants, un programme riche et varié: représentations théâtrales et danses folkloriques, concert, exposition de peinture et de photographie. Si l'on a plaisir à enregistrer le succès des spectacles folkloriques costumés d'Espagne et de Grèce, et celui de notre jeune chorale universitaire, force est bien de constater encore que les manifestations de haute qualité, comme le concert d'oeuvres de Bach, interprétées par un maître tel que le violoncelliste Honnegger, ou la représentation excellente du Théâtre académique de Padoue, qui passe pour le meilleur d'Italie, n'ont attiré que peu d'auditeurs.

On pardonnera à un Recteur ami des arts et désireux de voir les étudiants de Genève se cultiver de manière exemplaire, ces considérations un peu désabusées. Il préfèrerait ne pas les faire et ce serait plus facile de les taire; il faut pourtant les

formuler: car c'est là un phénomène assez inquiétant et contre lequel il convient de mettre en garde les étudiants eux-mêmes. La facilité, l'indolence, sont nos pires ennemis, des ennemis qui nous investissent sournoisement. Il n'est pas juste de reprocher son indifférence à l'Université, et en même temps ne pas accorder d'attention aux possibilités d'enrichissement spirituel qu'elle espère donner à ses étudiants, avec le concours de l'A.G.E. et de son office spécialisé, comme aussi des autorités municipales et spécialement de M. Pierre Bouffard, chargé de la direction des Beaux-Arts, professeur à notre Faculté des lettres, dont la sympathie pour les étudiants a tenu à favoriser le plus possible cette action, notamment en mettant à leur disposition des billets pour les spectacles et concerts. Croit-on qu'il soit réjouissant d'apprendre que les avantages offerts par le Service des spectacles et concerts de la Ville de Genève l'ont été vainement? Alors que nous avions la joie, pouvait communiquer le directeur du Service, de voir de très nombreux apprentis assister à des spectacles au Théâtre et à la Comédie, à des concerts et récitals au Victoria-Hall, à la Réformation, au Conservatoire de musique, nous n'avons pour ainsi dire pas eu l'occasion de remettre des billets aux étudiants et, ce qui est plus regrettable encore, c'est que souvent nos propositions sont restées sans réponse. C'est donc du côté des étudiants eux-mêmes qu'un effort doit être fait, et c'est à eux qu'un encouragement doit être donné. Sera-ce par la comparaison avec le zèle de connaître des apprentis de la même classe d'âge, et des hôtes de la «Maison des jeunes»? Ce zèle ne marquerait-il pas un point de plus en faveur de la large ouverture de l'Université à ceux qui témoignent d'un réel désir de savoir et de culture?

Certes, il y a pour faire contrepoids, les Lectures-spectacles dont René Zosso est l'animateur et le principal artisan, et le Théâtre académique pour lequel le professeur François PACHE s'est dévoué pendant des années et auquel il a réussi à donner un niveau très honorable, avec des représentations comme «Britannicus», «Arlequin poli par l'amour», «Jean-Jacques Rousseau, citoyen de Genève», à l'occasion de l'anniversaire de sa naissance en juin dernier, et cette année le «Jeu d'Amis et Amile», le «Mystère» de l'amitié adapté du vieux français par le professeur Stelling-Michaud et si ingénieusement mis en scène et décoré par MM. Mentha et Stehlé. Mais ne s'agit-il pas de quelques personnes seulement, dont il faut saluer la foi et l'effort, de quelques fervents de «l'amour des planches», peu nombreux et toujours les mêmes, dont certains appartiennent d'ailleurs ou finiront par appartenir à l'original Théâtre d'avant-garde de Carouge, autant ou plus qu'au Théâtre académique?

c) Puisque nous interrogeons ainsi la suite des événements, comment ne pas parler de notre expérience et de l'état actuel du Studium generale, dont au sein de notre Université M. le professeur STELLING-MICHAUD, président de la Commission mixte de professeurs et d'étudiants, s'est fait l'apôtre convaincant et le réalisateur? Les premiers essais de l'an dernier avaient permis la mise en place et pouvaient autoriser nos espoirs. Les résultats de cette année, eux aussi, ne sont toutefois guère encourageants. Après les sujets sur des thèmes philosophiques, éthiques et littéraires qui l'an dernier se proposaient d'attirer aussi des étudiants en sciences désireux d'y mieux pénétrer, les sujets retenus par la Commission mixte pour ce cycle, concernaient des problèmes empruntés à la médecine mais capables d'intéresser et d'attirer chaque étudiant: il s'agissait en effet de la santé et de la maladie dans la société contemporaine, de l'examen des causes somatiques, psychiques et sociales de la maladie, de la situation du malade devant sa maladie et devant son médecin, de l'éthique médicale enfin, tous problèmes dont on peut bien dire qu'ils ne peuvent laisser indifférent aucun homme, malade en puissance qui s'ignore. Or, il fallut battre le rappel et pour le séminaire commun du 14 mai, pourtant dirigé par un professeur d'une culture à la fois littéraire et médicale admirable, il n'y avait encore que trois inscriptions la veille...

Trois inscriptions sur plus de 4000 étudiants inscrits à l'Université: cela se passe de commentaire. Devrons-nous abandonner une fois de plus ces louables efforts, comme on a dû le faire devant la désertion des étudiants, et pour les anciennes Communautés de travail organisées le soir, avec la participation de professeurs qui en prenaient la direction non sans sacrifices de leur temps, et plus récemment pour les Cours généraux que l'Université s'est vainement efforcée de maintenir et de sauver en luttant, contre vents et marées, sous plusieurs rectorats, pour en rendre les sujets et les orateurs toujours plus attractifs?

N'est-ce enfin pas, aussi, un symptôme à relever, que tant de prix universitaires, fondés pour encourager les études et les travaux personnels et pour récompenser les étudiants, ne les intéressent pas? Car certains de ces prix ne font l'objet que d'un seul mémoire et de temps en temps, tandis que pour d'autres il faut des démarches et presque des pressions afin de trouver un travail et un candidat possibles; d'autres enfin ne sont pas du tout sollicités, comme nous aurons à le regretter dans la seconde partie de cette cérémonie, au moment des honneurs, pour l'un des prix que j'avais la satisfaction d'annoncer plus haut et pour bien d'autres plus anciens. Sur un total de 56 prix de concours et récompenses, 28 seulement cette année ont réussi à éveiller l'intérêt des étudiants à qui ils étaient destinés.

d) Je puis finir cependant sur une note d'optimisme car il nous reste heureusement une excellente fiche de consolation, et l'autre aspect de l'antique maxime: mens sana in corpore sano n'est en tous cas pas négligé dans notre Université. Nos sportifs battent nos intellectuels par le nombre et par les performances (honneur à ceux qui réalisent l'idéal d'être les deux à la fois) sous l'impulsion de notre dynamique maître des sports, M. Jean Brechbühl. Les cours de ski d'hiver, aux dernières vacances, n'ont pas attiré moins de 1000 étudiants et étudiantes; nos équipes universitaires ont remporté les championnats suisses de basket universitaire, et le championnat suisse de cross, par équipes et individuel; et notre champion universitaire et suisse de saut à la perche, Gérard Barras, qui vient de battre son propre record, porte le renom de Genève à des hauteurs encore jamais atteintes et nous fait grandement honneur. Que ces vainqueurs et leur maître sachent bien que nous en sommes enchantés et les en félicitons.

5. Et quelques réflexions en guise de conclusion

Les faits et constatations rapportés plus haut doivent nous servir, en nourrissant nos réflexions et nous incitant à prendre un nouveau et meilleur départ. Je disais qu'ils se passent de commentaire. Ils en appellent un au contraire, si l'on veut que ce rapport ait quelque utilité et nous apporte quelques améliorations dont nous pourrons nous réconforter dans quelque autre rapport futur.

Ce chapitre, chers étudiants et étudiantes, doit vous sembler beaucoup tourmenter votre Recteur. Mais ces réflexions soulignées d'un trait un peu appuyé ne sont ni la diatribe d'un nouveau «Docteur Akakia», ni l'effet d'un accès d'humeur; elles sont la preuve de mon intérêt, laissez-moi dire de mon amitié, pour vous. Car l'inquiétude que je n'ai su dissimuler, elle est pour vous et non pour nous. L'Université, les professeurs, font leur mission et remplissent leur devoir du mieux qu'ils peuvent, et le plus savant maître donnerait son enseignement même si trois élèves seulement se réunissaient au pied de sa chaire pour l'entendre. Mais vous, en vous abstenant avec une telle indifférence, accomplissez-vous votre devoir envers vous-mêmes et vous préparez-vous suffisamment à la mission que notre société, qui n'a déjà que trop tendance à se tourner de plus en plus vers les tâches et le succès d'ordre matériel, est en droit de voir assumer par une «élite» vraiment digne de ce nom?

Les meilleurs d'entre vous veulent prendre «toutes leurs responsabilités», certains vont même jusqu'à revendiquer en votre faveur celles qui appartiennent aux organes directeurs de l'Université. Mais ne voyez-vous pas tous, et dans la plénitude de l'évidence, que le privilège d'être étudiant suppose aussi et d'abord des devoirs, de grands devoirs, dont le premier est de demander aux études supérieures, de prendre d'elles, d'assimilier, tout ce qu'elles ont pour but de vous donner, non seulement dans le champ de vos techniques professionnelles, mais dans les domaines élevés du coeur et de l'esprit? Relisez le discours du précédent recteur, M. Eric Martin: «Dignes de vos privilèges et riches de vos diversités», et pénétrez-en le sens. Relisez, dans le Guide de l'étudiant pour ses études à l'Université de Genève, qui vous a été remis pour des raisons bien précises, les considérations sur «l'esprit des études supérieures» que Marcel Raymond, avant de quitter l'Université, a voulu laisser à tous ses étudiants à venir, comme un message spirituel de méditation et de ralliement. Relisez aussi, quelques pages plus loin, les sages considérations pratiques du pasteur Pierre Reymond, aumônier des étudiants, ancien président de l'A.G.E., qui par conséquent est très près de vous et vous comprend particulièrement bien: L'étudiant, vous rappelle-t-il, chercheur de la vérité, futur serviteur de la société, a raison de demander des conditions de vie et d'étude «normales», un enseignement stimulant, le partage des responsabilités, mais il ne doit pas oublier que l'étudiant est avant tout «celui qui étudie», qu'il doit s'imposer une discipline personnelle et se montrer digne de la «liberté académique» que nous lui accordons, qu'il est solidaire de la communauté universitaire comme il doit se préparer à le devenir de la communauté sociale, et que s'il doit se forger un jugement lucide et se donner des méthodes sûres, il doit aussi se persuader que l'Université est le lieu «de la recherche commune d'une réponse aux problèmes de l'homme», de tous les problèmes de l'homme.

Ainsi, plus qu'à tout autre, c'est à lui, c'est à vous chers étudiants et étudiantes, que doit s'adresser et convenir la noble parole de Térence: «je suis homme et rien d'humain ne m'est étranger». C'est cet humanisme scientifique vrai, intégral, honneur de l'homme, que vous devez chercher ici pendant vos années d'étude. Puissiez-vous, par nos bonnes volontés et nos efforts conjugués, le trouver pour la suite de votre carrière et de votre vie. Vous avez beaucoup à nous demander, mais nous aussi nous vous demandons une chose: Aidez-nous; aidez vos maîtres, par votre concours entier, à réaliser toutes les ambitions que nous avons le devoir et la responsabilité de nourrir pour vous. Le Recteur et l'Université ont confiance en vous: comptez sur nous, comme nous comptons sur vous.

N.-B. Seul un abrégé de ce rapport a été fait oralement à la séance solennelle. Nous publions ici le texte en entier.