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Allocution du recteur

Mesdames, Messieurs,

La tradition neuchâteloise veut que la cérémonie du Dies, une fois la bienveillance du public acquise par un peu de musique, commence par une allocution du recteur.

Cette disposition qui pourrait sembler impertinente est tout au contraire, me semble-t-il, empreinte d'une grande courtoisie. Elle revient à proposer au public d'abord ce qui est le plus conventionnel — un rapport d'activités — pour lui permettre ensuite de goûter tout à loisir au plaisir qu'une conférence ne manque jamais de procurer, celle de tout à l'heure moins que toute autre. Je vais donc brièvement évoquer quelques-uns des principaux événements qui ont marqué l'année universitaire écoulée. Je dois dire tout de suite que, ainsi qu'il arrive chaque fois que l'on se penche sur une tranche de vie, que ce soit celle d'une personne ou celle d'une institution, les ombres et les lumières se succèdent et parfois se mêlent. Je m'efforcerai de ne pas dissimuler les premières, mais je dirai aussi les événements heureux.

Permettez-moi de commencer au sein même de notre Alma Mater en signalant quelques faits relatifs à nos collègues:

L'Université prend aujourd'hui congé, totalement ou partiellement, de trois de ses maîtres: MM. André Labhardt, Pierre-Jean Pointet et Charles Terrier; trois de nos Facultés, lettres, droit et sciences, sont ainsi touchées. D'autres, plus compétents que moi, ont déjà eu l'occasion de rappeler les travaux de ces collègues et de dire leurs mérites, mais je veux saisir l'occasion de cette cérémonie pour leur exprimer publiquement toute la gratitude du rectorat et de l'Université. Chacun de vous, messieurs, a marqué de sa personnalité nos étudiants, nos Facultés et notre maison, et j'aime à penser que vous savez combien, même après votre retraite, vous nous restez présents.

Au moment où M. André Grisel, après une longue collaboration au Tribunal fédéral, dont il est l'actuel président, se retire, l'Université ne saurait ni oublier que, professeur honoraire, il est l'un des siens, ni omettre de lui dire sa très grande reconnaissance pour les services qu'il a rendus au pays et de lui présenter ses voeux respectueux.

Si tous nos collègues, enfin, ont sans doute l'estime de leurs pairs et ils ont la nôtre, cette estime a été concrétisée récemment

pour deux d'entre eux. Il s'agit d'un ouvrage de Mélanges dédiés à M. Jean Rychner et d'un fascicule spécial des Helvetica physica acta dédiés à M. Jean Rossel. Nous les en félicitons; nous en sommes heureux et pour eux et pour l'Université.

Mais lorsque les uns se retirent, d'autres leur succèdent. Par crainte de donner à mes propos le ton fastidieux d'un communiqué d'état civil, je renonce à énumérer leurs noms; mais à chacun d'eux, quoique à tous ensemble, je souhaite la très bienvenue et je forme mes voeux pour leur enseignement, pour leur recherche et, pourquoi craindre les mots, pour leur bonheur parmi nous. J'en viens maintenant à deux événements qui ont marqué la vie du Conseil de l'Université dont je rappelle, pour nos hôtes, qu'il est, parallèlement au Conseil rectoral, un des organes de l'Université. Mais, tandis que le Conseil rectoral est composé de professeurs, de chefs de travaux, d'assistants et d'étudiants, le Conseil de l'Université est constitué de personnalités toutes extérieures à l'Université elle-même.

Comme l'a dit sans doute quelque part le poète, la gloire du roi fait la fierté de ses sujets. C'est ainsi que, par les membres du Conseil de l'Université interposés, l'Université de Neuchâtel est toute remplie de fierté; Me Pierre Aubert, premier président de ce Conseil, dont la tâche délicate est tout à la fois de conseiller l'Université et d'en défendre les intérêts au sein de la République, a été élu conseiller fédéral le 7 décembre 1977. L'Université est heureuse de lui présenter, une nouvelle fois, ses plus vives félicitations, de lui redire sa reconnaissance pour tout le soin qu'il a pris d'elle et de lui exprimer son respectueux et très cordial attachement.

La preuve étant ainsi faite que cette présidence prédispose aux plus hautes destinées, il ne nous reste qu'à nous réjouir que M. Willy Schaer ait bien voulu accepter de succéder au conseiller fédéral Pierre Aubert tout en faisant le voeu — tant sont excellents les rapports qu'il a déjà su établir entre nous — qu'il ne nous quitte que le plus tard possible pour accéder à de plus hautes charges.

Je voudrais aussi saluer la parution du rapport de sa Commission de prospective «Avenir de l'Université». Placée sous la bienveillante mais ferme présidence de M. le ministre Gérard Bauer, elle a travaillé plus de deux ans à établir ce document riche et précieux, document qui s'adresse tout à la fois à l'Université et aux autorités politiques de notre canton.

L'existence d'une Université dans une région dont la population tout entière n'atteint pas la taille d'un seul arrondissement d'une grande ville ne va pas de soi. Cette situation exige une réflexion approfondie et en particulier l'estimation des besoins de la collectivité qui en supporte la charge financière. Il arrive souvent que ses besoins coïncident avec ceux de l'Université en tant que telle, mais il peut aussi survenir une opposition entre les intérêts économiques du pays et les intérêts académiques de l'Université. Le rapport «Avenir de l'Université» est conduit à insister par exemple sur les débouchés qui vont s'offrir aux nouveaux diplômés, à mettre l'accent sur les connaissances que je ne dirai

pas appliquées mais plus ou moins directement applicables, et cela est juste. Mais pour leur part les universitaires soulignent plus volontiers le caractère désintéressé des études, l'importance de la culture considérée pour elle-même, indépendamment de l'usage pratique que peuvent en faire ceux qui en bénéficient, et cela est juste aussi.

Il s'ensuit — et le rapport le marque — qu'il y a non pas des compromis à trouver (le terme a un relent de médiocrité qui ne convient pas), mais un équilibre à construire et à reconstruire sans cesse entre des intérêts, tous légitimes, mais néanmoins parfois distincts. C'est à cette tâche que ce document convie tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont aujourd'hui le soin de l'Université et l'auront demain.

Si tout ceci est finalement encourageant, je ne saurais passer sous silence la profonde déception que nous a causée la consultation populaire de mai passé sur la «Loi d'aide aux hautes écoles et à la recherche».

Cette loi, dont la partie financière ne constituait que l'un des aspects, importait tout autant aux Universités par les structures nouvelles qu'elle voulait mettre en place. Elle aurait pu constituer un pas décisif vers l'harmonisation de nos hautes écoles; elle aurait pu conduire à renforcer chacune d'elles par la présence de toutes les autres; elle aurait pu unir les Ecoles fédérales aux Universités cantonales, coordonner d'une façon efficace la recherche et l'enseignement. Le peuple suisse n'en a pas voulu. Le peuple est souverain.

Deux faits cependant se sont produits, tous deux réconfortants et de nature à éclairer le tableau. L'un est la façon dont nos concitoyens neuchâtelois ont jugé du problème, acceptant, eux, par leurs votes la loi proposée par le Parlement fédéral. L'Université de Neuchâtel, je peux le dire en son nom, en est profondément heureuse. L'autre fait est une conséquence directe de cet échec sur les relations entre Universités: il a contribué d'une façon très nette à renforcer l'esprit de corps entre elles. La chose est tout particulièrement sensible au niveau des Conférences des recteurs, celle des recteurs suisses d'une part, celle des recteurs romands d'autre part. Nous sommes, en effet, désormais parfaitement convaincus que non seulement nous avons des intérêts communs, mais que même les problèmes qui ne touchent que l'un d'entre nous seront plus faciles à résoudre si nous sommes unis. Il ne s'agit nullement d'offrir un front commun contre d'imaginaires ennemis, mais de nous unir pour améliorer sans cesse l'enseignement et la recherche.

Je pense que la récente création du Diplôme d'ingénieur en microtechnique, délivré désormais par la seule Ecole polytechnique fédérale de Lausanne mais à la préparation duquel l'Université de Neuchâtel et quelques-uns de ses enseignants participent, offre un exemple significatif de ce que je viens de dire.

La confiance entre nos Universités et leurs rectorats ne cesse de s'accroître. Nous échangeons maintenant des projets que nous tenions naguère secrets par crainte d'être pris de vitesse dans

une concurrence mal comprise. Nous nous informons des difficultés que nous rencontrons sans plus craindre d'être méjugés. Bien sûr, par la force des choses et plus précisément à cause des différences de langues et de structures, cette communauté universitaire se concrétise plus visiblement sur le plan romand que sur le plan suisse tout entier. Mais nous sommes aujourd'hui persuadés que rien de cela n'est de nature à empêcher la progression vers l'Université suisse, que la vérité est la même en deçà et au-delà de la Sarine.