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Dies academicus et journées universitaires 1982

22 OCTOBRE
Journée d'accueil
23 OCTOBRE
Dies Academicus
25 OCTOBRE
Journée des facultés

Discours de M. Claude Bride!, recteur

Le retour de nos journées annuelles et, tout particulièrement, du Dies academicus, est pour le Rectorat l'occasion normale d'exprimer sa reconnaissance à tous ceux qui, au long des jours de sa responsabilité, l'assistent de leur vigilance, de leurs conseils et de leurs multiples collaborations.

On comprendra que je me tourne en premier lieu vers vous, Monsieur le Conseiller d'Etat, pour vous remercier de votre présence et de vos paroles qui témoignent de l'intérêt avec lequel vous suivez la vie de l'Université, que ce soit dans vos fonctions de chef de département attentif au statut propre d'un établissement doté d'une autonomie pas toujours facile à déterminer, que ce soit en votre qualité de membre du Gouvernement vaudois auprès duquel vous êtes le ferme appui de nos requêtes fondamentales, que ce soit enfin dans votre mandat de conseiller national où vous prenez part à des décisions de grande portée pour notre monde universitaire suisse; nos entretiens, qui peuvent parfois prendre le tour du débat, sont ouverts et directs: nous le devons à l'accueil toujours possible que vous nous réservez. Soyez assuré de nos sentiments d'entière loyauté, et du prix que nous attachons à la poursuite du dialogue le plus franc.

Il m'est agréable, en cette séance publique du Sénat, d'adresser un message de gratitude très cordial au président d'hier et à celui d'aujourd'hui; associés de très près à de sérieuses préoccupations du Rectorat, ils ont remarquablement fait valoir une fonction naguère peu marquée, qui consiste à assurer une liaison dynamique entre les membres de l'autorité supérieure de l'Université et ceux qui la conduisent en leur nom. Notre reconnaissance va encore aux doyens et directeurs, qui ont constitué l'an dernier un conseil particulièrement harmonieux et stimulant pour le Rectorat, ainsi qu'à leurs successeurs qui viennent d'accepter la lourde relève. Je dis enfin un sincère merci aux présidents de nos diverses commissions ainsi qu'à tous ceux qui ont travaillé et travaillent sous leur direction; par-dessus tout, je ne saurais oublier le témoignage qu'il convient de rendre à la confiance et à l'esprit de collaboration du corps professoral; nous vous devons pour une bonne part, mes chers collègues, l'esprit qui règne dans la maison.

Ces propos liminaires seraient incomplets s'ils n'englobaient encore dans notre reconnaissance la totalité de ceux qui ont été salués au début de cette séance. Je n'ai pas à en relire la liste, mais ne puis m'empêcher d'en détacher MM. les membres du Conseil exécutif du canton de Berne qui nous font l'honneur de leur présence aux côtés du lauréat du Prix de Berne, ainsi que nos nouveaux docteurs honoris causa que nous sommes profondément heureux de savoir des nôtres.

Voici déjà le troisième Dies que nous célébrons à Dorigny, sur les lieux même où vit et travaille la plus grande partie de l'Université; mais nous voici aussi au terme d'une année où les manifestations académiques ont pu se multiplier dans ce bâtiment et dans ceux qui sont désormais en service sur le site universitaire. Je n 'en finirais pas d'énumérer les congrès, colloques et conférences qui ont bénéficié de l'hospitalité de ces locaux, dont les dimensions et les installations pratiques sans parler de la situation paisible sont très largement appréciés. On aimerait qu'il en aille de même pour les rendez-vous organisés à l'intention du public lausannois, mais force nous est de constater que les foules de la capitale n 'ont pas encore pris l'habitude d'affluer vers Dorigny pour y visiter les expositions fréquentes qui les attendent, ou pour participer à des cérémonies jadis très courues, telle la remise de son diplôme au lauréat de la Médaille Gonin qui, cette année, n'a rassemblé qu'un maigre auditoire. Après tout, ce n 'est pas en quelques semestres qu'un fleuve change son cours plusieurs fois séculaire; nous ne nous dérourageons pas dans nos efforts pour y pourvoir.

Depuis notre dernière rencontre, les services centraux de l'Université se sont accoutumés à leur nouvelle implantation. La commodité des installations mises à notre disposition jointe à la stimulation d'un environnement splendide compensent les quelques inconvénients de ce relatif exil; il est vrai cependant qu'un certain nombre de nos plus anciens collaborateurs l'ont plus ou moins bien supporté. Tel ne sera sans doute pas le cas pour le contingent massif d'étudiants qui va rejoindre la Faculté des lettres au moment où elle prend ses quartiers provisoires dans la partie ouest du nouveau Bâtiment central; gageons qu 'après les inévitables nostalgies du début, les nouveaux occupants seront bientôt acquis aux multiples avantages d'un séjour en ces lieux, d'autant plus qu'ils s'y trouveront porte-à-porte avec la plus moderne des bibliothèques, leur principal instrument de travail. Et puis, à partir de juillet dernier, les restaurants ont progressivement commencé à fonctionner; ils sont tous en service pour cette rentrée grâce à la diligence des bâtisseurs et des gestionnaires que nous félicitons chaleureusement.

Quand nous aurons rappelé que le vaste bâtiment de la biologie est en cours d'achèvement, et que la mise au point des plans du second bâtiment des sciences humaines est fort avancée, ainsi que d'autres projets de moindre importance, on conviendra qu'en dépit des difficultés de l'heure, ni l'Etat de Vaud, ni le Bureau des constructions universitaires, ni les services de l'Université, n'ont manqué au grand projet du transfert de notre institution à la campagne. Ceux qui doivent de toute façon rester en ville —j'ai parlé dela Faculté de médecine sont maintenant tous logés grâce à un CHUV enfin inauguré lors d'une récente et brillante manifestation. Quant à nous, qui devons prendre encore quelques années de patience, nous pouvons, à côté du labeur parfois ardu de la planification, nous laisser aller à quelques rêveries plus poétiques et moins coûteuses, comme d'imaginer la réalisation d'une garderie, l'aménagement d'une grange en locaux culturels ou, encore plus gratuitement, la désignation des nouvelles constructions par des titres puisés dans l'histoire vaudoise de préférence aux rébarbatives initiales et autres sigles hermétiques...

Dans un instant, vous pourrez entendre l'allocution que prononcera le secrétaire général de la Fédération des associations d'étudiants. L'évènement vaut qu'on le souligne, puisqu'il renoue avec une tradition interrompue depuis près de quinze

ans; emmenée avec les remous de mai 68, l'Association générale des étudiants trouve enfin une manière de réincarnation dans cette structure inédite d'une réelle souplesse, et dont le moindre mérite n'est pas d'être montée de la base. Ses débuts, coïncidant à peu de chose près avec la mise en place des structures de participation prévues par la loi, ont été tranquilles mais résolus, et nous pouvons attendre avec confiance le déploiement de ses efforts dès la reprise des cours. Pour sa part, le Rectorat n'a pas manqué de réserver l'accueil qu'il méritait à cet interlocuteur qu'il espérait.

Ce Rectorat, qui s'adresse à vous ce matin est bien celui que l'on installait à l'automne 1979... Il est peut-être utile de le confirmer à ceux qu'a pu troubler l'application dès le mois de mai dernier des nouvelles dispositions sur l'élection des autorités universitaires. Quinze mois de délai ont en effet été accordés à nos successeurs désignés pour se préparer à leurs nouvelles fonctions; nous en sommes heureux pour le professeur André Delessert dont le mandat de recteur commencera le 1er septembre de l'an prochain, tout comme celui des vice-recteurs, les professeurs Pierre Ducrey, Emile Gautier et Georges Leresche. L'équipe au travail a donc encore une pleine année académique devant elle et s'efforcera dela vivre comme le dernier quart d'une belle entreprise, et non comme quelque version vaudoise de «Tandis que j'agonise...».

La simultanéité, que nous avons voulue il y a quelques années, de cette cérémonie et de la rentrée universitaire nous trouve au plus fort de nos réflexions sur l'irrépressible croissance des effectifs d'étudiants (environ 5%d'augmentation cet automne) et, partant, sur la valeur du travail qu'ils vont poursuivre ou entreprendre. Pour parler net, on ne peut se garder d'une certaine inquiétude au spectacle du contingent impressionnant que nous venons d'accueillir lors de la séance organisée hier à leur intention; combien seront-ils, de ces centaines de jeunes gens et de jeunes filles dont la bonne volonté est manifeste, à achever avec succès l'année académique qui va s'ouvrir? et combien d'entre eux maintiendront-ils le cap qu'ils se sont fixé? Les chiffres sont malheureusement éloquents qui rendent compte d'un taux excessif de défections, d'échecs et d'abandons.

Comment expliquer cette situation préoccupante? Au cours de la récente discussion sur fameux «numerus clausus» en médecine, on a beaucoup incriminé les procédures d'orientation durant la scolarité secondaire; il est probable que, par le biais d'une meilleure information et l'usage judicieux, et surtout plus précoce, des meilleures techniques en la matière, on. pourrait prévenir un certain nombre d'erreurs. Mais, outre le fait que l'Université n'exerce sur ce processus qu'une influence relative, il ne faudrait pas qu'elle y trouve une sorte d'alibi pour se dispenser des tâches qui lui incombent en propre. Les travaux ardus de planification qui nous sont actuellement imposés en commun avec toutes les Hautes Ecoles de Suisse — singulièrement avec celles de Suisse romande — seraient irréalistes s'ils se bornaient à tabler au départ sur un taux d'accroissement compensé de manière gênante par la perspective d'une élimination dont les critères ne sont pas tous évidents. Quelle est donc notre part de responsabilité dans le vaste problème de l'évaluation et de la sélection qui se pose à l'ensemble du système éducatif?

Le Rectorat a consacré plusieurs heures de ses séances «extra-muros» à s'entretenir du sujet, qui est en définitive celui de nos liaisons et de notre coordination avec trois secteurs bien caractérisés: l'enseignement gymnasial, l'enseignement tertiaire non universitaire et la formation du corps enseignant secondaire. Il est évident que l'Université entretient depuis longtemps des relations avec chacun de ces trois domaines; une place nous est fait à des degrés divers, dans les commissions qui se préoccupent de leur définition, voire de leur gestion. Mais un phénomène nouveau a surgi depuis peu, à la faveur semble-t-il d'un effort de réflexion fondamental imposé par les circonstances: dans ces divers milieux, dont la proximité avec l'Université ne fait pas de doute, on on renonce de plus en plus à nous considérer avec déférence comme le sommet majestueux d'une montagne inaccessible, et l'on se met à nous poser des question, y directes et souvent embarrassantes. Heureuse innovation, puisqu'elle a d'emblée le mérite de postuler chez nous une capacité de retour sur nous-mêmes et de transformation!

J'en veux pour première preuve le rapport que vient de publier la Commission Gymnase-Université de la Société suisse des professeurs de l'enseignement secondaire*. Sous forme de thèses incisives suivies de propositions concrètes, ce document, dû à un groupe mixte (parmi lequel l'Université de Lausanne est la seule à se signaler par son absence!) fait l'inventaire des questions qu'on range sous le titre d'«Evaluation et sélection dans les écoles secondaires et dans les Universités», mais qui touchent en réalité l'ensemble de la pratique pédagogique. Avec raison, nous semble-t-il, on insiste ici sur la communauté de destin de l'école et de l'Université, confrontées à la même évolution, inéluctable, d'une civilisation pour qui formation au sens le plus technique du terme a pris le pas sur l'initiation à ce qu'on nommait hier encore la culture générale. L'école est alors portée à morceler son entreprise en disciplines quasi autonomes, alors que l'Université, prenant le relais, délaisse le grand projet humboldtien pour intensifier la spécialisation scientifique. Ici comme là s'estompe la requête d'unité, du sens global de ce que nous entreprenons dans nos établissements d'enseignement, qu'ils soient secondaires ou supérieurs; la relation dynamique entre la «Bildung» et l'«Ausbildung» disparaît de notre horizon: les procédures de contrôle et d'évaluation appliquées à tous les niveaux en portent trop souvent la marque.

Il faut être reconnaissant aux auteurs du rapport, d'avoir été plus loin que le diagnostic en cherchant à définir avec plus de rigueur les conditions qui, dans l'enseignement gymnasial, permettront de mieux discerner les élèves véritablement aptes aux études universitaires. Mais il saute aux yeux qu'une telle définition repose

sur une certaine conception du rôle spécifique de l'Université, et c'est ici que le bât blesse. En dépit de ses louables efforts, la commission n'arrive pas à débrouiller l'écheveau complexe où s'entremêlent les fils si divers de nos multiples voies de formation. On ne saurait lui en faire grief si l'on considère que, parmi nous, le nouveau Humboldt n'est pas encore survenu pour ressaisir la totalité d'un projet universitaire adapté à la culture qui se cherche aujourd'hui. En attendant, le rapport a le mérite incontestable de poser d'utiles questions aux Universités, qui peuvent de moins en moins s'y dérober. Que dire, par exemple, de la scolarisation de tant de nos programmes et du gonflement continuel de ceux-ci? Comment répondons-nous, à de rares et remarquables exceptions près, à la question pas du tout insolente de la relation entre les études que nous dispensons et la pratique professionnelle? En quoi consistent nos efforts pour dégager la signification des matières enseignées, par des cours généraux et des séminaires interdisciplinaires? Quels sont enfin —sujet tabou pour beaucoup —les principes dont se réclament nos propres évaluations? Voilà, glanés dans un programme beaucoup plus étendu, quelques thèmes pour une réflexion urgente, que nous sommes heureux de savoir amorcée.

Qui dit évaluation et sélection dit forcément possibilité de choix et, si possible, de choix gratifiant à l'opposé des contraintes moroses résultant des duretés de l'élimination. C'est ici que, brièvement, je voudrais signaler l'apport éminent du séminaire organisé l'an dernier par l'Office fédéral de l'éducation et de la science sur «La diversification de l'enseignement tertiaire»; les text es produits à cette occasion ont paru récemment * et méritent toute notre attention. Il me paraît en effet très profitable pour l'Université d'aujourd'hui d'être parfois tirée un peu à l'écart de la situation particulière qu'elle se plaît à occuper, pour être rangée — le temps d'une confrontation — dans cette catégorie de l'enseignement dit tertiaire où elle se retrouve avec le nombre respectable des institutions

Je voudrais dire ici deux choses seulement. La première, c'est que le profil de l'universitaire doit être redessiné en fonction du rôle assigné par la société aux porteurs de nos diplômes, et surtout par comparaison et distinction avec le profil des bénéficiaires des autres formations tertiaires; c'est dire qu'un contact beaucoup plus proche doit s'établir entre l'Université et les établissements de la même catégorie. En second lieu, force m'est de constater, à la faveur de diverses rencontres de ce genre, que nous avons ici beaucoup à recevoir de l'imagination et de l'ouverture desdits établissements à des méthodes de travail inédites, mieux: à une conception de l'enseignement de base et de la formation continue qui nous interpelle dans notre insuffisance. Il y a longtemps que nous prônons l'apport de l'Université au reste de la formation; pourquoi ne pas reconnaître aussi ce que nous devons, ou pouvons devoir, aux autres, nos partenaires du tertiaire! J'ai dit enfin tout à l'heure que, par le temps qui court et dans les circonstances qui sont les nôtres, il est important que nous prenions, en tant qu'Université, une part active à la réflexion et à l'action pour la formation du corps enseignant secondaire. Je dis bien «en tant qu'Université», car cette affaire concerne tout le monde, et pas seulement les Facultés qui, traditionnellement, envoient une bonne partie de leurs licenciés au nombre des maîtres de