INAUGURATION
DU BÂTIMENT DE L'ÉCOLE
DE PHARMACIE (BEP)
11 septembre 1991
LIBRAIRIE PAYOT
LIBRAIRIE DE L'UNIVERSITÉ
LAUSANNE 1991
Bibliothèque et serre Photo E Bertin
Allocution de M.
Pierre Ducrey
recteur
Mesdames et Messieurs,
Depuis plus de vingt ans, avec une périodicité variant de trois à
quatre ans, le chef du Département de l'instruction publique et des
cultes du canton de Vaud, un conseiller fédéral ou un représentant du
Conseil fédéral, des représentants des législatifs fédéraux et cantonaux,
les autorités universitaires, des professeurs et des étudiants se réunissent
pour inaugurer un nouveau bâtiment à Dorigny. Nous nous trouvons
donc aujourd'hui dans une situation classique, presque traditionnelle,
quasiment normale.
Et pourtant, que de changements depuis l'inauguration du Collège
propédeutique, en 1970, à Dorigny même, chez notre voisine l'EPFL,
dans le paysage universitaire suisse et dans le paysage universitaire
mondial! Commençons par le transfert de l'Université de Lausanne et
de l'EPFL de la ville à Dorigny-Ecublens. La signification de ce transfert
n'apparaît que progressivement dans la mentalité de la population:
le regroupement aux portes de Lausanne du vaste ensemble d'enseignement
supérieur et de recherche de pointe que constituent l'UNIL et
l'EPFL est un phénomène encore trop récent pour qu'il soit pleinement
compris. Ses effets ne portent leurs fruits que de manière progressive.
L'ancienne Université de Lausanne et son Ecole d'ingénieurs sont
aujourd'hui en passe de devenir un institut de formation supérieure
dont l'influence et le rayonnement dépassent de beaucoup la ville de
Lausanne ou le canton de Vaud pour atteindre une dimension romande,
nationale et internationale. Avec leurs bâtiments, dont le plus ancien a
vingt ans, avec leurs équipements ultramodernes, les deux hautes
écoles lausannoises sont bien placées pour affronter le XXIe siècle.
En quoi le nouveau bâtiment de l'Ecole de pharmacie va-t-il modifier
les activités d'enseignement et de recherche des professeurs et des
étudiants? Permettez-moi de répondre à cette question par un souvenir
personnel. En 1955, je suivais les cours du Gymnase classique cantonal,
à la Cité. Comme je faisais partie d'une classe où l'on étudiait le
grec ancien, classes traditionnellement tranquilles et peu nombreuses,
on nous avait éloignés du bâtiment du gymnase proprement dit pour
nous loger tout près de là, à la rue Vuillermet.
Notre première surprise fut de rencontrer des messieurs en blouse
blanche. Nous nous demandions ce qu'ils pouvaient bien faire dans
cette maison un peu vétuste, aux planchers instables et aux escaliers
de bois. La réponse ne tarda pas: des vapeurs, des fumées diverses
passaient devant nos fenêtres, ce qui ne nous dérangeait pas trop, du
moins en hiver. En revanche, durant les chaudes journées d'été, nous
ne pouvions vivre les fenêtres fermées. Nos cours étaient alors agrémentés
d'odeurs aussi diverses que violentes, et pas toujours très
agréables. On peut dire que ma formation classique s'est accompagnée
d'une leçon pratique de chimie, ou du moins étions-nous aux premières
loges pour mesurer les conséquences pour l'odorat de certaines
expériences chimiques. A l'époque, nous ne songions pas trop aux
dangers, jusqu'au jour où l'un de nos professeurs, pas trop rassuré,
nous a dit: «Espérons qu'ils ne feront pas tout sauter!».
Ce fut mon premier contact avec 1'Ecole de pharmacie de l'Université
de Lausanne. Jusqu'au mois d'avril 1991, l'Ecole était dispersée
en quatre localisations de la Cité, dans des bâtiments souvent vétustes,
où la sécurité n'était que mal assurée, où les conditions d'enseignement
et de recherche étaient plus que précaires. Les professeurs et les
étudiants de l'Institut de pharmacie galénique et de biopharmacie, dans
leurs caves de la rue Couvaloup, le savent bien, eux qui ne voyaient
que rarement le soleil et qui devaient périodiquement éponger le sol
de leurs laboratoires, inondés en cas de pluies violentes.
J'ai demandé à nos collègues les professeurs de pharmacie de bien
vouloir m'indiquer, en vue de la journée d'aujourd'hui, en quoi leurs
conditions de travail sont aujourd'hui modifiées.
Vous pouvez deviner leur réponse en jetant un regard autour de
vous: le nouveau bâtiment de l'Ecole de pharmacie est clair, lumineux,
esthétique et accueillant. Tous les usagers se félicitent de l'atmosphère
qui y règne et qui favorise les contacts, les échanges. Les membres
des quatre instituts, jusqu'ici dispersés en ville, se rencontrent chaque
jour. De plus, ils peuvent entrer en contact avec leurs collègues de la
Faculté des sciences et des autres facultés.
Il est évident que les surfaces de travail sont infiniment plus
grandes, plus fonctionnelles, plus sûres aussi. La multiplication des
chapelles permet l'exécution de manipulations et d'expériences dans
des conditions plus sûres et plus efficaces.
Mais le nouveau bâtiment va surtout permettre une extension des
activités de I'Ecole de pharmacie, dans le domaine de l'enseignement,
dans celui de la recherche et dans celui de la formation continue. Le
nombre de places de travail disponible est fortement augmenté et favorise
la qualité de l'enseignement. La collaboration avec l'industrie
pharmaceutico-chimique s'intensifie, ouvrant la voie à de nouveaux
mandats de recherche et, à la clé, au versement de financements qui
permettront à leur tour l'extension des activités de recherche.
Enfin la collaboration avec la Société vaudoise de pharmacie et la
Société suisse de pharmacie permet la mise sur pied d'ambitieux programmes
de formation continue. En résumé, l'atmosphère au sein du
bâtiment est excellente et l'ambiance est à l'optimisme.
Il n'est pas interdit de poser une question impertinente: pourquoi
donc ce bâtiment, qui aurait dû être achevé dans les années 1977-1978,
a-t-il tant tardé? Pourquoi n'abrite-t-il pas une Ecole romande de
pharmacie? Sans doute les temps n'étaient-ils pas venus. Les propos
qui précèdent (ou vont suivre) traiteront largement de coordination
romande. L'échec de la création d'une Ecole romande de pharmacie
compte parmi les cas les plus exemplaires.
Il est vrai que jusqu'à ces dernières années, l'Université de Lausanne
et l'Ecole polytechnique fédérale elles-mêmes ne se regardaient pas
toujours d'un oeil très tendre. Aujourd'hui, le Rectorat et la Présidence
collaborent main dans la main et multiplient les activités et les projets
communs.
Il en va de même pour les Universités de Lausanne et de Genève,
dont les rectorats se sont beaucoup rapprochés. C'est de Lausanne et
de Genève qu'est partie l'idée: deux campus, une Université, idée qui
s'est immédiatement propagée à l'EPFL et à l'Université de Neuchâtel,
puis à celles de Fribourg et de Berne, avec des réserves cependant.
Nous plaçons notre action sous l'étiquette non plus de la coordination,
car en vingt ans et sous les auspices de la Conférence universitaire
romande on a coordonné à peu près tout ce qui pouvait l'être,
mais sous le signe de la mise en commun des ressources, de la mobilité
et de la flexibilité. Les domaines d'application s'appellent
aujourd'hui chirurgie, médecine sociale et préventive, oncologie.
Demain, ce sera le tour de la physique, puis, qui sait, d'autres
domaines, comme la chimie et la biologie. Les dirigeants des universités
sont tout prêts à étudier la mise en réseau de leurs institutions et
leurs spécialisations dans certains domaines, à condition toutefois que
les enseignements de base puissent rester assurés partout et qu'une
aide financière soit trouvée, par le biais d'appuis intercantonaux ou
fédéraux: car des échanges ou des concentrations d'activités sont fort
coûteuses et elles n'apporteront guère d'économies. En revanche, on
peut en attendre une amélioration de l'efficacité tant dans le domaine
de l'enseignement, surtout de troisième cycle, que de la recherche.
Je terminerai en exprimant la reconnaissance de l'Université à la
Confédération, représentée ici aujourd'hui par le Professeur Heinrich
Ursprung, directeur du Groupement de la science et de la recherche au
Département fédéral de l'intérieur, au Canton de Vaud, à son Gouvernement
et à son Parlement. C'est toujours une source d'admiration
pour nous que de constater combien les autorités vaudoises nous comprennent
et nous soutiennent.
L'effort de construction devra se poursuivre à Dorigny encore
jusqu'à la fin du siècle, avec le bâtiment de chimie, dont l'exposé des
motifs pour un projet de décret est achevé et dont l'inauguration
devrait avoir lieu en 1994, si le Conseil d'Etat et le Grand Conseil le
veulent. Suivront le Bâtiment des sciences de la terre, enfin le bâtiment
d'informatique et de mathématiques. Nous remercions et félicitons
les architectes du Bâtiment de 1'Ecole de pharmacie, MM. Patrick
Giorgis et Danilo Mondada. Nous tenons à remercier enfin le délégué
du Rectorat, responsable du suivi de la construction du Bâtiment de
pharmacie, le professeur Bernard Testa, également directeur de l'Ecole
de pharmacie.
Enfin, un mot de reconnaissance particulier va au Comité directeur
du Bureau de construction de l'Université de Lausanne à Dorigny.
Présidé de manière énergique par M. Roger Givel et composé de
MM. Antoine Hoefliger et Jean-François Thonney, le CD-BUD, pour
nous plus familièrement le BUD, fait aujourd'hui partie du paysage
universitaire lausannois. Sous la férule de son architecte en chef, M.
Guido Cocchi, le BUD conduit de main de maître nos constructions. Il
parvient à éviter à l'Université les conflits internes qui se manqueraient
pas de se produire si le corps académique devait opérer en son
sein les arbitrages indispensables, et les difficultés externes, en se présentant
comme interlocuteur unique pour les constructions face aux
autorités politiques. Ce dispositif peu commun fonctionne harmonieusement,
et dans une excellente entente avec le Rectorat de l'Université,
depuis bientôt trente ans. Il assure la conduite des constructions dans
la continuité et joue le rôle de mémoire collective. L'Université vous
exprime aujourd'hui toute sa gratitude, Monsieur le Président, Messieurs
les membres du CD-BUD.