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Présentation des objectifs du rectorat

Mesdames, Messieurs,

Je vais vous entretenir maintenant des principaux objectifs que le nouveau rectorat entend poursuivre au cours de ces prochaines années.

Comme jamais par le passé, la détérioration de l'environnement économique contraint 'Université à adapter ses structures et ses objectifs aux réalités.

Avec des ressources en diminution ou au mieux, en stagnation, des tâches en continuelle croissance, une exigence accrue de qualité des prestations, une concurrence plus vive dans le domaine de la recherche, il nous est demandé, selon l'expression convenue, de «faire mieux avec moins».

En y mettant quelque ironie, elle sous-entend évidemment que les universités disposeraient encore d'un large potentiel qui leur permettrait d'améliorer leur rendement en modifiant leurs structures jugées archaïques.

Les conséquences effectives de ces contraintes essentiellement matérielles sont innombrables, et je vous ferais injure en vous les citant puisque la plupart d'entre vous les vivent quotidiennement.

Il en est cependant une qui me paraît de plus grande portée et que je souhaite aborder en préambule car elle engage l'avenir de l'Université et ses missions à très long terme.

Dès la dernière guerre et surtout depuis mai 68, l'Université à qui l'on reprochait, souvent avec raison, d'être une institution élitaire, une «tour d'ivoire», s'est rapprochée des préoccupations immédiates de la société.

Cette transformation, conséquence de la démocratisation des études et de la complexité croissante du monde, porte en elle la reconnaissance que la formation supérieure est devenue un bien public, donc un bien qui mérite d'être privilégié.

Progrès indiscutable de cette seconde partie du siècle, cette évolution s'opère de manière discontinue avec des accélérations passagères. L'une de ces accélérations, qui trouve son origine dans la raréfaction des deniers publics, est à l'oeuvre depuis quatre ans.

Dans cette optique, l'opinion consistant à considérer l'Université comme un acteur économique, au même titre que les banques ou autres entreprises dont les performances se mesurent à la hauteur de leurs bénéfices, se répand de plus en plus.

Cette vision, que l'on perçoit dans certains milieux politiques et qui fait parfois les titres des journaux, tend à s'introduire dans les milieux les plus proches de l'Université.

Viser vers un modèle de gestion d'entreprise est probablement souhaitable dans la mesure où l'on reconnaît et préserve la mission particulière de l'Université.

Par contre, concevoir l'Université comme une institution soumise à l'impératif de rentabilité immédiate, en mesurant ses prestations à l'aune de ses ressources, est

des plus téméraires. En évitant le vaste sujet, la rentabilité d'une institution de formation, je voudrais relever deux dangers implicitement contenus dans une telle opinion.

Le premier, interne à l'Université, consiste, comme l'a souligné P.-L. Dubied dans un écrit intitulé «Plaidoyer pour une Université agaçante,» en ce que l'Université perde peu à peu son rôle critique en raison de sa trop grande imbrication avec les questions du quotidien de l'immédiateté.

Je cite «celui d'une critique fondamentale et générale qui remet en cause les orientations et les croyances qui paraissent «aller de soi» à l'égard de la société qui la soutient.»

Le second tient au regard que la société peut porter sur la mission de l'Université.

Si elle la considère comme un instrument de son développement, elle sera évidemment tentée de porter des jugements de valeur sur le contenu et les objectifs de ses enseignements et de ses recherches.

La tentation sera alors grande d'ignorer les secteurs peu rentables et de ne privilégier que les disciplines à forte valeur ajoutée pour l'essor économique et industriel.

Le souci de l'efficience et de la rentabilité pourrait peu à peu entraîner un déséquilibre entre les différentes disciplines, voire la disparition de certaines d'entre elles, remettant en cause le principe d'universalisme qui caractérise l'institution universitaire, tout au cours des siècles de sa longue existence.

Tiraillée entre ces deux tendances, — celle de se mettre plus au service de la société ou celle consistant à conserver son indépendance d'esprit et son rôle critique, — l'Université doit veiller à maintenir un équilibre qui tienne compte de sa mission propre: celle de l'acquisition, de la transmission et de la critique du savoir, mission qui ne peut se réaliser pleinement que si l'Université reste à l'abri des pressions de l'immédiateté.

C'est dans cet esprit, Mesdames, Messieurs, que le nouveau rectorat cherchera à conduire les affaires de l'Université de Neuchâtel.

Il s'efforcera de poursuivre les principaux objectifs définis par les facultés et le rectorat précédent dans le cadre de la planification stratégique de 1993.

Rappelons l'idée centrale de cette planification: concentrer une partie importante de nos moyens au profit d'une douzaine de centres de gravité reconnus ou émergeants, répartis dans les différentes facultés.

S'affirmer pleinement au travers de tels centres de compétences, tout en entretenant le tissu essentiel des différentes disciplines est la seule voie qui s'ouvre à une université de la taille de celle de Neuchâtel.

La communauté universitaire neuchâteloise s'efforcera de comprendre et d'accepter qu'il n'est pas envisageable d'assurer un développement égal pour tous et qu'il sera nécessaire de redistribuer peu à peu les moyens pour permettre des développements qui assurent un enseignement et des recherches de haute qualité.

L'effet d'entraînement — et je l'ai personnellement vérifié dans ma propre discipline — restera bénéfique pour l'ensemble de la communauté.

Dans la continuité de cette politique, nous souhaitons mettre l'accent sur les points suivants.

Sur le plan externe

1. La politique de mise en réseau des universités initiée par le précédent rectorat sera évidemment poursuivie aussi bien dans le cadre de BENEFRI que dans celui de la CUSO. Seules chances pour les universités d'accroître leur potentiel

d'enseignement et de recherche en favorisant la mobilité, la mise en réseau constituera, sous ses multiples formes, un souci majeur.

Dans ces domaines, il faudra, entreprendre constamment une réflexion et une évaluation des réalisations, se concentrer sur l'essentiel, éviter que, dans l'entraînement général, les signatures de conventions ne restent que des alibis. L'initiative est ici principalement du ressort des disciplines elles-mêmes, seul niveau où les besoins et les complémentarités peuvent être définis. Le rôle du rectorat sera d'en définir le cadre.

Renforcer la politique d'ouverture de notre Alma mater en consolidant et en suscitant des accords avec d'autres institutions européennes et extra-européennes sera également au coeur de nos préoccupations.

2. La création des Hautes Ecoles Spécialisées, dans les années à venir, aura des conséquences importantes. Pour nous, il s'agira, dans des domaines connexes, d'aménager des collaborations entre les deux institutions dans le respect des compétences et des attributions de chacune.

Le dialogue est bien amorcé à cet égard, et une déclaration d'intentions a déjà été signée entre l'Université et les écoles neuchâteloises, futures partenaires de la Haute Ecole spécialisée romande.

L'Université est consciente qu'elle sera conduite à abandonner certaines filières de formation dont elle s'était chargée auparavant en l'absence d'autres structures d'accueil.

C'est donc avec une grande confiance, renforcée par le fait que les dossiers Université et Hautes Ecoles spécialisées dépendent de la responsabilité du même département, que nous aborderons cette cohabitation.

3. La réforme des structures universitaires suisses annoncée dans le message du Conseil fédéral et actuellement discutée dans plusieurs cénacles, représentera pour l'Université de Neuchâtel, selon ce qui sera proposé, un enjeu important pour son avenir.

Nous souhaitons que les universités puissent participer pleinement à l'élaboration de ces structures.

L'autonomie qui leur est de plus en plus accordée sur le plan cantonal devrait se traduire par une position plus forte dans les organes qui seront mis en place au plan suisse.

Si cette réforme n'est pas soutenue par la volonté de replacer la formation supérieure parmi les premières priorités de la Suisse, elle risque de n'être qu'un alibi de partage de pouvoir. Les conséquences pourraient n'être dès lors que négatives.

Sur le plan interne

Notre premier souci consistera à améliorer les conditions de l'enseignement et de la recherche par l'évaluation systématique des unités d'enseignement et de recherche.

Au travers de l'évaluation nous poursuivrons deux objectifs:

— l'un consiste en une prise de conscience plus aiguë des potentiels existants. Une meilleure maîtrise des tâches devrait en découler. L'évaluation servira d'instrument de valorisation.

— l'autre, est de mettre en place des structures propres à favoriser une gestion plus efficace de l'Université. Les facultés qui ne le sont pas encore s'organiseront en unités d'enseignement et de recherche regroupant plusieurs chaires ayant des intérêts communs ou complémentaires, dans le double but d'encourager les synergies et de concentrer les pouvoirs de décisions.

Le rectorat conçoit donc cette évaluation aussi comme une façon de conduire les affaires avec plus de souplesse et de renforcer, par là même, l'autonomie de l'Université.

En deuxième lieu, nous chercherons à favoriser, l'éclosion de nouvelles formations postgrades dans les domaines qui ont été retenus comme prioritaires et dans les domaines qui disposent d'un potentiel de coordination inter-universitaire fort.

Le second cycle, essentiellement attaché à la formation de généralistes n'est plus en mesure, en regard de la multiplication des connaissances et donc des disciplines, de dispenser un enseignement très spécialisé ou un enseignement à fort contenu interdisciplinaire.

C'est à la formation postgrade de reprendre ces tâches que nous envisageons donc selon deux axes principaux, celui de la spécialisation et celui de l'interdisciplinarité.

Il n'est pas dans notre intention, et nous n'en aurions pas les moyens, de créer, comme on tend à le faire dans d'autres universités, un troisième étage bien structuré et bien meublé de notre Alma Mater.

Tout naturellement c'est aux centres de gravité reconnus — certains l'ont déjà fait —qu'il reviendra de proposer des projets dans ces domaines.

Il est cependant évident pour tous que cette tâche ne sera réalisable que par l'effet d'une coordination des moyens de plusieurs universités. C'est probablement à ce niveau que la coordination inter-universitaire devrait manifester le plus de réussite.

Les discussions sur ce sujet, qui, nous l'espérons se poursuivront au sein de la Conférence universitaire de Suisse occidentale, devraient fixer le cadre général d'un tel développement. Il est cependant souhaitable que ce cadre reste souple, afin de garder une large capacité d'adaptation à l'évolution des besoins et à l'émergence de nouvelles initiatives.

Notre troisième thème se rapporte aux besoins en locaux et bâtiments.

Lors du Dies academicus de 1987, M. Jean Guinand, alors recteur sortant de charge, énumérait avec satisfaction les réalisations terminées sous son rectorat. Il citait:

— l'inauguration du bâtiment de la Faculté des lettres,

— celui de l'institut d'ethnologie,

— la rénovation du bâtiment principal,

— l'installation de l'institut de microtechnique dans le bâtiment du laboratoire de recherches horlogères,

— l'installation de la Faculté de théologie au faubourg de l'Hôpital 41 et

— l'aboutissement du concours d'architecture pour les instituts du Mail.

Depuis lors, pour ne citer que les réalisations d'une certaine importance, j'ajoute:

— l'aménagement de l'ancien conservatoire au profit de la Division juridique et de services à caractères administratifs,

— la réalisation de près de 50% de la construction Unimail, et

— la réfection de l'ancien laboratoire de recherches horlogères qui logera l'essentiel de l'institut de microtechnique,

— la Cité universitaire dont la réfection est en cours.

Cette énumération n'est qu'un moyen d'exprimer la profonde gratitude de l'Université envers le Canton de Neuchâtel et envers la Confédération qui ont largement contribué à leurs réalisations.

Mais, Messieurs les membres du Conseil d'Etat, il est de mon devoir de vous annoncer que cette énumération ne peut pas se clore ainsi.

Soyez cependant rassurés, contrairement à mes prédécesseurs, je n'aurai qu'un seul projet à vous présenter, il est en cours de gestation et le rectorat souhaiterait vous le proposer dans les meilleurs délais.

Depuis longtemps, nous savons tous que la Faculté de droit et de sciences économiques est à l'étroit, principalement en ce qui concerne les salles de cours.

Il est tout aussi notoire que le nombre d'étudiants ne va pas se stabiliser, même s'il augmente bien en deçà des prévisions de l'Office fédéral de la statistique. Nous pouvons donc prévoir des débordements de toutes parts.

Au vu de la situation existante et des prévisions, le rectorat s'est déjà mis à la tâche et prépare un concept qui tienne compte de l'ensemble du développement de ce que nous appellerons dorénavant le site Uni-Lac par opposition au site Uni-Mail.

Quant à la nouvelle loi sur l'Université, il revient, maintenant, aux organes politiques d'en discuter les propositions. Le jour où elle sera acceptée, le rectorat aura le souci de la mettre en oeuvre, donc de proposer des règlements d'application et de procéder à la mise en place des organes nécessaires.

C'est une tâche importante qui exigera un engagement non seulement du rectorat mais également des facultés.

Mesdames, Messieurs,

La société actuelle, même si elle est quelque peu bousculée par les contraintes économiques, a trop tendance à se préoccuper de son présent et pas assez de son avenir.

N'oublions pas que d'autres sociétés, moins favorisées que la nôtre, se trouveront des motivations beaucoup plus efficientes et compenseront rapidement par leur énergie les lacunes qui les séparent de nous.

C'est pourquoi nous devons tout mettre en oeuvre pour garder à la formation une place privilégiée. L'étudiant comme le chercheur coopéreront à la formation du monde de demain, ils doivent représenter le point de mire de toutes nos préoccupations.

F. Persoz