DIES ACADEMICUS 1999
Uni Dufour, Auditoire Piaget Palmarès de l'année civile 1998
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Recteur de l'Université de Genève
Aujourd'hui, les drapeaux flottent sur l'Université. Ce n'est pas seulement en raison du Dies academicus, de la fête de l'Université, mais aussi parce que notre manifestation est associée à l'inauguration, cet après-midi, de ce bâtiment grandiose, UNI MAIL.
C'est une réalisation majeure pour l'Université de Genève, permettant de recevoir les Facultés des sciences économiques et sociales, de droit, de psychologie et des sciences de l'éducation, ainsi que 1'Ecole de traduction et d'interprétation et plusieurs centres interfacultaires.
Dans son allocution du 6 juin 1975, comme ce jour du Dies academicus, le recteur en fonction d'alors, le professeur Ernst Heer (tiens, déjà un physicien), avait eu «le privilège de pouvoir prendre officiellement possession d'un autre bâtiment, appelé UNI II». Il soulignait que le lieu avait, en plus de l'enseignement et de la recherche, une autre mission: celle de «créer un lien, un trait d'union entre la Cité et l'Université». La cérémonie académique d'aujourd'hui, destinée notamment à honorer les nouveaux docteurs honoris causa, représente aussi bien un tel événement permettant de maintenir et de renforcer les liens avec la société civile.
M. Maurice BOURQUIN
Recteur de l'Université de Genève
otte Université est privilégiée par un environnement exceptionnel, puisqu'elle est installée dans un canton qui ne compte que 400'000 habitants, mais qui offre les services d'une agglomération de plus de 1 million d'habitants ailleurs. Ville internationale, carrefour des communautés du monde entier, centre reconnu de formation, de recherche et de services, Genève bénéficie, aujourd'hui, de manière exemplaire, du rôle visionnaire qu'ont joué nos prédécesseurs. L'histoire a su tirer parti du cadre géographique de cette ville de partage, de refuge, de rencontres et de négociations qui abrite une population cosmopolite. Elle reflète une longue tradition d'accueil et d'ouverture au monde au cours de ces derniers siècles. Cela est notamment vrai dans le domaine scientifique: le XVIII et le XIX' siècles ont été fortement marqués par la floraison des sciences naturelles. Les savants établis à Genève étaient en relation avec l'élite des chercheurs des autres pays et ont contribué à la renommée de la ville.
Cette tradition trouve aujourd'hui son prolongement dans l'intense activité scientifique et formative qui se déploie au travers d'un vaste ensemble d'institutions dont l'Université n'est qu'un élément: les trois instituts universitaires en relation avec l'Université, l'IUHEI, l'Institut oecuménique de Bossey, l'IUED, les organisations internationales, gouvernementales ou non gouvernementales, le CERN, les nombreux laboratoires d'entreprises privées, les musées, bibliothèques, théâtres et conservatoires.
Cet environnement donne à l'Université de Genève une visibilité sans commune mesure avec d'autres hautes écoles européennes et même mondiales. Il bénéficie également de la proximité des Universités de Lausanne, Neuchâtel et Fribourg et de l'EPFL, sans oublier les établissements universitaires des régions française et italienne voisines.
Des évaluations sectorielles récentes conduites parmi. les Hautes Ecoles suisses ont confirmé la compétitivité des Facultés de l'Université de Genève au plan de l'innovation pédagogique et de l'enseignement. Le volume des subsides de recherche alloués tant par le Fonds national, suisse que par les organismes européens démontre la place de leader qu'occupe aujourd'hui notre Université. Nous pouvons être fiers du rôle que nos prédécesseurs ont joué pour assurer que l'Université contribue, au plus haut niveau, au rayonnement de Genève. Nous pouvons être confiants dans notre capacité à continuer sur cette voie, pour le bénéfice non seulement du canton, mais aussi de la région et de la Suisse.
Pour toutes ces raisons et d'autres encore, nous ne devons pas ménager le soutien accordé à notre Université. Cet appel s'adresse aussi bien à ceux qui font partie de la maison: corps
enseignant, étudiants, personnel administratif et technique, qu'aux citoyennes et citoyens de la Cité qui peuvent bénéficier directement ou indirectement des activités de l'Université de Genève.
Ainsi, nous souhaitons que les 16000 membres de l'Université privilégient avant tout la qualité de la formation et de la recherche (plutôt que le nombre des étudiants), qu'ils s'associent à la vie universitaire pour améliorer son bon fonctionnement, chacun à son niveau, qu'ils soient sensibles à valoriser, à transmettre hors de ses murs leurs compétences et connaissances. Nous nous engageons à promouvoir la participation du corps enseignant aux diverses facettes du développement de l'Université, qu'il s'agisse de politique de recherche, de priorités d'enseignement, de relève académique, de promotion académique des femmes. Nous invitons les étudiants à participer de manière informée et responsable à cet effort.
Il s'agit de promouvoir la vitalité de la recherche à l'Université. Elle est une condition indispensable à la qualité et à l'adéquation de son enseignement. Elle se définit par l'exigence constante de projets de recherche et par des résultats à valeur différée. Elle se mesure par des indicateurs fiables: l'intérêt de l'énoncé des projets et l'impact des publications qui en résulte.
Cependant, nous ne devons pas oublier que les moteurs principaux de notre société sont non seulement de nature scientifique, mais aussi économique.
L'évolution du système économique de la Cité n'est pas sans effet sur le développement de l'Université. Ses ressources financières proviennent, en effet, en partie des pouvoirs publics qui, eux-mêmes, tirent leurs ressources de l'économie. Tout aussi importante et actuelle est l'évolution rapide des profils de compétences dans le secteur de la production et des nouvelles techniques de la communication et de l'information. Cette dimension socio-économique doit être présente dans le développement des missions de l'Université.
Il convient, du reste, de s'attendre à ce que l'écart entre les moyens mis à disposition par les collectivités publiques et la demande en matière d'enseignement, de formation, de recherche et de services continue de croître. Parmi les facteurs qui contribuent à augmenter la demande à l'Université, on trouve:
• Une tendance à la hausse du nombre d'étudiants et de la proportion des étudiants qui doivent être mis au bénéfice d'une bourse (déjà aujourd'hui, la moitié des étudiants —les moins favorisés — sont dispensés de la taxe semestrielle).
• L'émergence de nouveaux domaines scientifiques innovateurs, sans pouvoir toujours abandonner les secteurs établis.
• Une demande accrue en formation de personnel hautement qualifié, notamment pour des activités dans des secteurs de pointe exigeant des savoirs nouveaux.
• Une augmentation de la demande, notamment externe, en formation continue.
• Les attentes pour une collaboration renforcée entre recherche fondamentale à l'Université et recherche appliquée dans les autres Hautes Ecoles (polytechniques, HES) et dans l'économie.
• L'émergence de domaines à l'intersection de disciplines.
Mesdames et Messieurs, chers étudiantes et étudiants,Cette convergence d'atouts et de contraintes appelle une diversité de réponses à laquelle le Rectorat de l'Université doit faire face.
Dans le cadre de cette allocution, je suis heureux de vous informer que le nouveau Rectorat mène à ce propos une réflexion approfondie avec les organes de l'Université, les doyens, directeur et président et qu'il présentera prochainement son programme de politique générale. Je tiens aussi à rendre hommage au Rectorat précédent, et particulièrement au recteur en fonction jusqu'au 14 juillet, le professeur Bernard Fulpius. J'ai eu le privilège de bénéficier de manière essentielle de l'appui de ce dernier lors du passage de témoin.
Il faut souligner la vision et l'engagement du Rectorat de Bernard Fulpius dans la collaboration de l'Université de Genève avec les organisations internationales et avec l'Université de Lausanne.
Soutenu par l'ambassadeur Walter B. Gyger et le secrétaire d'Etat Charles Kleiber, un réseau universitaire international de Genève (dit RUIG) a été fondé par l'Université, l'Institut universitaire de hautes études internationales et l'Institut universitaire d'études du développement. Il permettra de concrétiser les nombreux projets de recherche, de formation, ou tout simplement de dialogue, qui sont en attente dans les communautés universitaires et les organisations internationales.
Les relations de confiance qui se sont tissées avec le Rectorat et les Facultés de l'Université de Lausanne sont précieuses. La coordination d'enseignements, de recherches et de tâches de gestion en commun sera poursuivie. De plus, nous estimons que la coopération interuniversitaire doit être étendue à d'autres Hautes Ecoles. Déjà, le projet de coordination et de développement avec l'EPFL et l'Université de Lausanne progresse. Ce projet triangulaire doit nous permettre d'offrir aux étudiants une plus large palette en formation de base et en formation approfondie, ainsi que de développer la recherche dans les sciences de la vie, les sciences exactes et les sciences humaines. Ceci au bénéfice de Genève et de la région lémanique.
Mais il importe de bien souligner que la mise en oeuvre de ce projet triangulaire reste tributaire de certaines conditions:
1. La volonté des trois institutions d'établir un réel partenariat au sein duquel les initiatives se développent non seulement de manière concertée, mais en réelle synergie, dans un esprit de mise en commun de nos forces respectives. Pour notre part, nous nous y engageons.
2. L'accord des instances politiques genevoises de maintenir l'enveloppe budgétaire de l'Université ainsi que les crédits d'investissement, tout particulièrement, et c'est vraiment crucial, le crédit de construction pour le bâtiment de Sciences III. Celui-ci avait été retardé, en attendant l'achèvement d'Uni Mail.
3. L'allocation par la Confédération de moyens annuels prévus par la nouvelle loi fédérale sur l'aide aux Universités et la coopération dans le domaine des Hautes Ecoles. A cet effet, je profite de l'immense satisfaction que nous avons d'avoir parmi nous aujourd'hui la présidente de la Confédération, Mme Ruth Dreifuss, pour souligner l'importance vitale de l'engagement du Conseil fédéral lui-même pour ce projet de réforme universitaire, certes complexe, mais que je n'hésiterai pas à qualifier d'exemplaire.
4. Une autonomie de l'Université entendue comme une indépendance sur les plans académique, scientifique et organisationnel, à laquelle correspond évidemment une responsabilité de l'Université à informer sur ses activités. Nous devons être clairs. Dans cette période où des changements profonds des relations entre la Confédération et les Universités cantonales s'instaurent, grâce à la nouvelle loi sur l'aide aux universités, il serait néfaste que des réformes législatives divergentes, non directement liées à ces harmonisations régionales ou fédérales, soient poursuivies au niveau des cantons seuls.
5. Enfin, un point très important, la participation active des communautés universitaires concernées lorsque les conditions-cadres auront été établies et que les autorités politiques nous autoriseront à mener une concertation étendue avec elles.
Notre institution publique peut-elle faire encore davantage pour apporter des réponses concrètes aux attentes de la société, de son corps enseignant et de ses étudiants? Le recours au financement dit privé suscite certaines inquiétudes, compréhensibles d'ailleurs. Le Rectorat tient à réaffirmer que si des fonds privés doivent être recherchés, et ils doivent l'être, ils le sont en expliquant clairement aux intéressés potentiels les principes que l'Université défend. L'utilisation, en toute connaissance de cause, des nombreux fonds déjà mis à la libre disposition de l'institution en témoigne. Cet automne, par exemple, grâce à l'aide d'un financement privé, nous pouvons mettre à disposition des étudiants et du personnel une deuxième crèche; nous pouvons aussi mettre au concours, sans contrainte, deux postes de professeur et d'assistant dans les domaines des sciences économiques et des sciences de la vie; nous pouvons encore, par exemple, poursuivre un programme de doctorats communs entre Genève et Lausanne dans le cadre de FAME, le partenariat des universités avec les milieux bancaires.
Je terminerai en m'adressant encore aux étudiants: nous souhaitons qu'ils soient attachés à une formation universitaire permettant non seulement, à terme, d'exercer une profession, mais aussi de développer un esprit critique et analytique dont le bénéfice ne peut être comptabilisé à court terme.
Je les engage, en ma qualité de recteur, à prendre une part active à la vie universitaire, et ce hors du cadre strict d'un plan d'études, à développer des contacts privilégiés avec l'un ou l'autre membre du corps enseignant et à tirer profit des possibilités de mobilité, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Université.
En contrepartie, je peux les assurer que l'Université dans laquelle ils ont choisi de faire leurs études ne traîne certainement pas. Avec leur collaboration et avec celle des autorités politiques, l'Université de Genève a tous les atouts pour maintenir et développer encore un rayonnement qui ne se dément pas depuis des siècles.