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DIES ACADEMICUS 2001

Cérémonie du 8 juin 2001
Uni Dufour, Auditoire Jean Piaget
Prix universitaires
Distinctions académiques
Palmarès des diplômes et certificats
décernés durant l'année civile 2000

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M. Mau rice Bourquin
Recteur de l'Université de Genève

Au nom des membres du Rectorat, je vous souhaite une très cordiale bienvenue au Dies academicus de l'an 2001.

Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation pour entendre les personnes qui s'exprimeront sur le fonctionnement., les problèmes et l'avenir de l'Université et pour assister à la remise de mérites académiques à des personnalités exceptionnelles du monde scientifique.

Je salue tout particulièrement les Recteurs des Universités de l'Europe centrale et de l'Est, hôtes d'honneur de ce Dies academicus.

Aujourd'hui, l'Université de Genève est en fête. Fière de son ouverture vers l'Europe et le monde, elle désire honorer ses nouveaux Docteurs honoris causa et maintenir ses liens roboratifs avec la société civile.

L'Alma Mater désire renforcer ses relations académiques et de solidarité avec d'autres institutions amies. Que ce soit avec celles de la région lémanique, qui nous diront en cette fin de semaine si leur souverain les y autorise, que ce soit avec celles du reste de la Suisse, ou que ce soit avec celles de l'Europe centrale et de l'Est qui nous font le plaisir d'être représentées aujourd'hui au Dies academicus de l'Université de Genève.

Nous avons tous un grand besoin de solidarité.

M. Maurice Bourquin

Recteur de l'Université de Genève

La mission de l'Université

En cette fin d'année académique, la question du devenir de Université se pose en termes nouveaux. Du fait des développements de plus en plus rapides des connaissances humaines, la distinction entre ce qui mérite et ce qui ne mérite pas «être étudié et enseigné à l'Université devient chaque jour plus difficile à opérer. Non omnia possumus omnes, écrivait Virgile: l'homme ru est pas universel, il ne peut tout faire.

De plus, notre Université est confrontée aux nouveaux défis liés aux exigences croissantes du monde économique, de la société civile, des autorités fédérales et cantonales, à la pression, enfin, à la concurrence internationale publique et privée. Ces contraintes multiples et parfois contradictoires, rendent la gouvernance de l'Université plus délicate que par le passé, dans un contexte budgétaire qui restreint les marges de manoeuvre et oblige à des choix.

La délicate question de ces choix était évoquée l'an passé, à cette même tribune, par Madame Brunschwig Graf qui rappelait que, si notre immonde a besoin de femmes et d'hommes capables de dépasser la commode division disciplinaire pour faire le lien entre les différents domaines de la connaissance, cette prouesse, encore aisée à

l'époque de Montesquieu, est aujourd'hui très difficile à réaliser, car les savoirs sont de plus en plus fins et complexes.

S'il appartient à l'Université de former les spécialistes de demain, ceci ne saurait suffire, car la tâche la plus noble, et qui n'est pas toujours comprise, est bien celle de former des esprits critiques, indépendants, curieux, ouverts aux avancées de la science et attentifs au devenir de l'humanité.

C'est ce défi que nous nous attachons à relever. Et, à cet égard, il faut bien dire que l'Université de Genève a un certain nombre d'atouts à faire valoir.

Une ère de réformes et de planification

Peu de périodes suscitent autant de changements. Deux éléments sont notamment en train de modifier la formation de nos étudiants:

Tout d'abord, l'avènement des Hautes Ecoles Spécialisées (HES) exige que l'Université précise ses filières de formation. La mise sur pied de ces écoles doit cependant se faire dans un esprit de complémentarité. A ce titre, sur le plan fédéral, la prise en charge par un seul ministère des secteurs des universités et des HES serait un gage contre une certaine confusion et le gaspillage des moyens.

• J'évoquerai ensuite le processus de Bologne: s'il devait se concrétiser en Suisse par le fait que le premier titre universitaire vraiment utile sur le marché du travail s'obtienne après cinq ans, cela entraînerait un allongement substantiel de la durée des études et, de ce fait, une augmentation des coûts de formation. L'Université de Genève reste attachée, en principe, à un titre solide en quatre ans. Elle plaide pour une certaine souplesse et regretterait que la Suisse ne prenne pas, à l'instar des autres pays, le temps d'examiner les conditions optimales dans chaque discipline.

Notre Université participe, par ailleurs, à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'un nouveau cadre stratégique et législatif, dont j'évoquerai quelques éléments:

• L'an passé, le Rectorat avait publié son programme de politique générale, prônant un concept d'Université polyvalente où les différentes disciplines coopèrent entre elles de manière fructueuse.

• Cette année, il négocie une Convention d'objectifs, ayant pu convaincre les pouvoirs publics de substituer, à un contrat de prestations trop rigide et surtout mal adapté à la nature de sa mission, une convention souple, établie avec l'Etat, pour une période de quatre années.

Le souci de bénéficier d'une plus grande souplesse, dans les affaires de collaboration interuniversitaire, le besoin d'une plus grande flexibilité dans la gestion du personnel, plaident, à nos yeux, en faveur de la Convention d'objectifs.

Comme le rappelait le Professeur Bouveresse, Docteur honoris causa de notre Université, en citant Kant, il est toujours difficile à celui qui détient à la fois l'autorité politique et les ressources financières de résister à la tentation de jouer lui-même au savant et parfois aussi au poète et à l'artiste. Mais si l'Académie veut limiter la tentation

des politiques, il faut aussi qu'elle se montre capable de justifier la confiance que la société civile lui accorde, et qu'elle fasse preuve de transparence et d'ouverture.

C'est pourquoi, dans le monde imparfait qui est le nôtre, la Convention d'objectifs apparaît comme l'instrument le mieux approprié à la mise en oeuvre de la mission de notre Université. Elle définit et énumère des objectifs spécifiques, dans lesquels l'Université a choisi de s'investir prioritairement, qui sont: la formation de base et approfondie, la recherche, la formation continue, les services à la Cité et les expertises, le respect de l'égalité des chances, la coordination et la coopération entre les Hautes Ecoles, les infrastructures, la gestion administrative et des ressources humaines.

Au terme d'une période d'essai de trois ans, nous saurons si la Convention d'objectifs a répondu à nos attentes.

L'année prochaine verra la naissance d'un plan de développement se déroulant sur quatre ans, élaboré par les Facultés et le Rectorat, tenant compte du plan financier de la Convention d'objectifs et de la planification fédérale élaborée par la Conférence des Recteurs des Universités suisses (CRUS) et par la Conférence universitaire suisse (GUS).

• De plus, faisant suite à l'harmonisation intervenue dans le chapitre sur les étudiants, l'Université est engagée avec l'Université de Lausanne dans un effort commun de réforme des lois qui régissent les deux établissements lémaniques.

• Cet été, en concertation avec les diff~rents organes de l'Université, le Rectorat se prononcera sur les modifications de la Loi sur l'Université, soumises en consultation par la Commission de l'Enseignement supérieur du Grand Conseil genevois. L'avis s'étendra également sur les questions de gouvernance de l'Université, soulevées par la Loi en vigueur et les révisions proposées.

Enfin, last but not least, notre Université s'est efforcée de répondre encore mieux aux demandes légitimes de la société. J'évoquerai, à ce titre, la création d'une délégation aux questions féminines dont la mission particulière est de mettre en oeuvre le principe d'égalité des droits et des chances ainsi que la promotion des femmes au sein de l'institution, deux dispositions prévues par la Loi.

Ce sont là autant d'éléments de la modernisation de l'Université de Genève dont nous avons tout lieu d'être fiers, qui visent l'amélioration des procédures et de la gouvernance de l'Université.

Une nécessaire augmentation des revenus

Investie d'une mission de service public, l'Université est reconnaissante à la population du Canton de Genève pour son soutien financier par le biais d'une importante subvention annuelle, mais également pour la mise à disposition de bâtiments et de services. Elle remercie également la Confédération pour l'aide financière apportée aux Universités cantonales par ses subventions, et les Cantons pour la contribution financière qu'ils versent pour chacun de leurs ressortissants venant étudier à Genève.

Mais il faut dire que ces financements sont aussi la contrepartie de la contribution fondamentale de l'Université de Genève à la formation, à la recherche et aux services rendus à la Cité et il faut être conscient que l'adaptation de l'Université aux nouvelles attentes a un coût croissant, que ne suffisent plus à couvrir les financements étatiques actuels: pour assurer pleinement l'ensemble des activités de l'Université, nous sommes contraints de rechercher des soutiens financiers complémentaires auprès de tiers.

Ainsi, une part importante des ressources de l'Université provient d'organismes publics, tels le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNRS), l'Union Européenne, des Offices de la Confédération, des fondations et de généreux donateurs. Ces fonds sont obtenus «ad personam» grâce aux efforts et aux mérites personnels de nos professeurs.

Soulignons aussi que, du fait de la stagnation du soutien financier public et du prestige de notre corps enseignant, ce type de financement à tendance à croître fortement. Et, s'il ne fait aucun doute que l'obtention de mandats externes est la preuve évidente de l'excellence de l'Université de Genève, il ne faudrait pas cependant que cette tendance prenne le dessus.

Pour assurer pleinement ces tâches, l'Université de Genève doit pouvoir bénéficier d'un financement stable. En contrepartie, l'Université se doit d'ouvrir ses livres de comptes et être en mesure d'établir clairement comment ses ressources sont utilisées.

Les résultats

L'analyse des dépenses témoigne des contributions importantes de notre Université à la société civile et les chiffres suivants illustrent sa singularité:

Dans le cadre de sa mission d'enseignement, l'Université a prodigué un enseignement aux 13191 étudiants inscrits cette année. Parmi ceux-ci, notons un pourcentage important de femmes (57%) et d'étudiants étrangers (35%), qui représentent 130 nationalités. 40%des 3024 enseignants de l'Université de Genève sont étrangers et représentent 72 nationalités.

Notre Université de Genève a rempli sa mission en recherche scientifique de base dans les disciplines enseignées. Elle a connu de remarquables succès, qu'elle a pu expliquer au public intéressé, dans des domaines tels que la biologie moléculaire, l'informatique quantique, l'astrophysique, la médecine en collaboration avec les Hôpitaux Universitaires de Genève, sans oublier évidemment ses contributions éminentes dans le domaine des Sciences de l'homme, du Droit et des Lettres.

Par ailleurs, nombreux sont les membres du corps enseignant qui ont obtenu des mandats institutionnels de recherche avec des organismes publics ou privés, ou qui ont mis sur pied des programmes de formation continue pour 5000 inscrits cette année. Si de tels développements sont réjouissants et révèlent la place éminente de l'Université au sein de la Cité, il nous revient aussi de rappeler régulièrement chaque membre du corps enseignant au devoir de limiter ses activités et à les faire approuver par les autorités universitaires.

L'ouverture nationale et internationale

Mais l'Université de Genève est aussi immergée dans une communauté nationale et internationale, dont les décisions pèsent sur son devenir, souvent en bien, parfois en moins bien.

En tout premier lieu, je dirai que nombre de réformes récentes impulsées par la Confédération, vont dans le bon sens: en particulier, le renforcement du rôle de coordination de la Conférence des recteurs des Universités suisses (CRUS), qui permettra des collaborations plus étroites entre les Universités et les Ecoles polytechniques fédérales (EPF), une planification fédérale allégée et mieux ciblée.

J'évoquerai également la politique innovante des Pôles de recherche nationaux (PRN), dont la vocation est de renforcer la coopération entre les Hautes Ecoles. L'Université a été sélectionnée pour participer à cinq PRN dont deux ont Genève pour centre de gravité. La reconnaissance de ces pôles d'excellence ajoute encore, si besoin était, à la crédibilité scientifique internationale de nos enseignants et de nos chercheurs.

Cependant, nous ne devons pas non plus dissimuler les inquiétudes suscitées par certains aspects de cette politique. L'exigence par la Confédération d'un apport de l'Université à hauteur de 50%, pour tout projet de coopération et d'innovation, nous semble démesurée. Comment les facultés peuvent-elles dégager de nouvelles ressources pour des projets qu'elles n'ont pas toujours choisis, ou changer leurs priorités en quelques mois, quand la planification universitaire est quadriennale? Et que dire de l'absence de projets de coopération dans les domaines des Sciences Humaines et Sociales? Sur ce point, l'Université de Genève peut fournir une réponse double qui s'appelle Projet tripartite et Réseau universitaire international de Genève (RUIG).

L'Université de Genève souhaite ardemment franchir une étape nouvelle de son développement par la création de l'espace académique tripartite avec l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et l'Université de Lausanne (UNIL), projet d'innovation le plus ambitieux de Suisse, qui a obtenu le soutien financier de la Confédération et du Canton de Genève. Les Sciences Humaines et Sociales seront bien représentées, à l'instar des Sciences de la vie. Nous espérons que le Canton de Vaud pourra aussi l'accepter en cette fin de semaine.

Quant au RUIG, ou, pour abandonner le jargon, le Réseau universitaire international genevois, l'Université, l'Institut Universitaire des Hautes Etudes Internationales et l'Institut Universitaire d'Etudes du Développement cherchent à instaurer un large ensemble de collaborations dans des domaines fondamentaux pour l'avenir que sont le développement durable, les relations sociales équitables, la globalisation et le commerce international, le dialogue et les rapports interculturels, le Droit humanitaire et les droits de la personne. Disons-le d'emblée, cette opération est déjà un grand succès: parmi la soixantaine d'avant-projets soumis, la moitié émane de l'Université de Genève, en partenariat avec d'autres institutions. La qualité d'ensemble est impressionnante.

C'est, là encore, la tradition historique de Genève qui se perpétue dans cette optique internationale. Cette tradition se retrouve pleinement dans notre politique d'accueil des étudiants étrangers et d'encouragement à la mobilité. Le Rectorat de Genève a la volonté claire et explicite d'encourager les étudiants genevois à accomplir une mobilité, de les soutenir, afin qu'ils en tirent le meilleur profit. C'est là une expérience unique, qui enrichit considérablement le parcours d'un étudiant.

Mais la réalisation de ces échanges nécessite la mise à disposition de bourses de mobilité pour les étudiants méritants. De nouveau, nous lançons un appel aux organismes publics et privés qui seraient susceptibles de nous aider.

Ainsi, l'Université de Genève a su développer une politique de collaboration avec les meilleures Universités du monde. Témoins en sont les représentants des Universités d'Europe Centrale et Orientale qui sont les hôtes d'honneur de ce Dies.

Voici venu enfin le temps de conclure:

Le destin de l'Université de Genève s'écrit dans une perspective vaste et passionnante. Chacun pressent la place que vont occuper, dans le siècle à venir, les Universités, lieux privilégiés de production et de transmission des connaissances, tout autant que d'apprentissage de la culture dans son expression la plus haute. L'Université de Genève entend pour sa part tenir cette place, avec le soutien, et parfois la critique, de la Communauté dont elle est l'émanation, et relever des défis considérables, au nombre desquels la mise en oeuvre de l'«apprentissage tout au long de la vie», de la contribution aux politiques de l'égalité, d'un plus large usage de l'anglais à l'Université, de la participation aux aventures scientifiques les plus extraordinaires de notre temps.