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ALLOCUTION DU RECTEUR DE L'UNIVERSITÉ

Monsieur le conseiller fédéral, Messieurs les conseillers d'Etat, Messieurs les membres des autorités politiques cantonales et communales, Messieurs les représentants des corps constitués, Chers collègues, chers étudiants, Mesdames et Messieurs,

Monsieur le conseiller d'Etat Jeanneret vient de relever les circonstances qui confèrent au Dies academicus 1971 de notre Université un caractère exceptionnel:

— la mise en vigueur d'une nouvelle loi témoignant de la volonté d'ouverture de l'Université, et l'installation d'autorités nouvelles qui devraient lui permettre de faire face plus efficacement aux problèmes du présent et de l'avenir;

— l'inauguration d'une Cité universitaire des étudiants dont le rayonnement culturel devrait manifester lui aussi la volonté d'intégrer plus directement l'Université dans la Cité;

— la présence enfin de Monsieur le conseiller fédéral Tschudi, chef du Département fédéral de l'intérieur, qui, dans cette période de reconversions et de concentrations, accepte de venir nous dire —j'en juge par le titre de sa conférence —- que notre Université restera, pour peu qu'elle le veuille, une université à part entière de ce pays.

J'interprète dans le même sens la présence parmi nous des recteurs des universités et hautes écoles de notre pays et de membres dirigeants de la Conférence universitaire suisse, du Conseil suisse de la science, de la Division fédérale de l'enseignement et de la recherche, du Fonds national de la recherche scientifique. A tous j'exprime notre salut et nos sentiments de gratitude.

Quiconque connaît les problèmes que posent la création, l'entretien et le développement d'une université ne peut qu'admirer le courage et la clairvoyance

de ceux qui, en 1866, créaient la seconde Académie d'où devait sortir l'Université, lui donnant pour mission «de former des citoyens pour les carrières qui exigent une instruction supérieure, ainsi que pour l'enseignement public, et d'entretenir dans le pays une culture scientifique et littéraire».

Ceux qui savent les difficultés financières que notre canton a connues dans la crise des années trente sont reconnaissants aux autorités politiques de n'avoir pas jeté le manche après la cognée. Ils félicitent le peuple neuchâtelois d'avoir, plus près de nous, consenti les sacrifices nécessaires au développement remarquable dc notre Université dans les deux dernières décennies.

Et pourtant il faut reconnaître que le mariage du peuple neuchâtelois et de son Université n'a été jusqu'ici qu'un mariage de raison. Sans doute l'Université a-t-elle vécu trop repliée sur elle-même, par modestie plutôt que par volonté délibérée, mais par une modestie coupable puisque ressentie bien souvent comme une manifestation d'orgueil ou de froideur hautaine.

Puisse cette journée, placée tout entière sous le signe de l'ouverture au pays, marquer le départ de relations plus actives, plus vivantes et plus cordiales. C'est le voeu que je forme, au nom de l'Université, en vous saluant et en vous remerciant de votre présence.

Mesdames et Messieurs,

Dans les quelques réflexions que j'ai eu l'honneur de vous présenter l'an dernier en pareille circonstance, j'ai évoqué la crise actuelle des universités et les synthèses auxquelles devrait parvenir leur effort de réflexion: synthèse entre la conception traditionnelle de la mission d'enseignement et de recherche de l'Université et l'acceptation des fonctions nouvelles que l'évolution du monde lui impose; synthèse entre son idéal de culture désintéressée des esprits et la prise de conscience de son intégration dans le monde; synthèse entre le respect de la liberté académique requise par toute recherche de la vérité et les exigences qu'implique, pour l'Université, son engagement légitime au service de la société.

L'Université est prête à hâter la réforme de ses programmes d'études, à séparer plus clairement ce qui est indispensable à l'obtention des grades et ce qui doit appartenir à une formation postgraduée. Elle est disposée à ouvrir plus généreusement ses auditoires, ses laboratoires et ses séminaires à des catégories plus larges d'étudiants dont la formation exigerait un enseignement universitaire partiel ou complet. Mais son devoir impérieux commande de n'accepter des tâches nouvelles que dans la mesure où lui seront octroyés les moyens nécessaires en locaux, équipements et personnel enseignant, car il ne serait pas admissible que cette croissance entraîne une chute irrémédiable de la qualité de son enseignement.

L'Université est consciente aussi de l'urgence qu'il y a pour elle d'intensifier ses rapports avec les institutions scientifiques ou culturelles du pays, qui pour une part la supportent et dont elle peut apprendre beaucoup. Mais là

encore, ces activités nouvelles ne sauraient se développer au détriment de sa tâche fondamentale, à savoir initier les meilleurs de ses étudiants au travail personnel qui leur permettra de reconnaître ou d'affermir leur vocation. C'est à cette condition seulement qu'elle pourra conserver aussi ses maîtres les plus éminents et accroître son rayonnement au service de notre pays. On peut d'ailleurs penser que l'une des tâches principales des nouvelles autorités universitaires sera précisément de reconnaître les domaines et activités dans lesquels notre Université pourra se manifester avec excellence.

L'Université est-elle capable de promouvoir cette nécessaire évolution, voire cette mutation? On en doute beaucoup dans certains milieux, où l'on cultive obstinément l'image de l'Université tour d'ivoire livrée à l'égoïsme sacré des professeurs. Quant à nous, nous ne partageons pas ce pessimisme et fondons de grands espoirs sur l'organisation nouvelle donnée à l'Université par la loi du 23 mars 1971, approuvée en votation populaire le 6 juin 1971.

Comme on le sait, cette organisation instaure, sur le plan interne, une large participation au niveau des instituts et collèges, des facultés et des autorités centrales de l'Université.

En accord avec l'Université, les autorités politiques ont voulu cette ouverture à tous les membres de l'Université, non pas tant pour se mettre au goût du jour que parce qu'elle semble répondre à une nécessité.

Les étudiants pourront donc délibérer avec leurs assistants et leurs professeurs de toutes les questions touchant à l'accueil des étudiants et au passage parfois difficile du gymnase à l'Université, de l'aménagement des plans d'études et d'examens. A la Cité universitaire, ils seront largement responsables de l'animation culturelle, en coopération avec le Centre culturel neuchâtelois, que nous remercions ici de sa collaboration.

Les chargés de cours et les assistants sont appelés également à participer de plein droit à la gestion des affaires universitaires. Quoi de plus normal, quand on sait qu'outre le rôle qu'ils jouent dans l'enseignement ils supportent, avec les professeurs dont ils dépendent, une part essentielle de la recherche qui s'effectue à l'Université. On sait que l'organisation de la recherche dans les universités modernes implique la création de postes de collaborateurs durables qui, pour n'être pas professeurs, n'en sont pas moins indispensables au fonctionnement des instituts. La définition d'un statut correct pour ces collaborateurs dans la hiérarchie universitaire est l'un des problèmes délicats dont les autorités auront à se saisir et il est heureux que les principaux intéressés puissent officiellement être associés à cette étude.

Avec le Conseil de l'Université, composé exclusivement de personnalités externes à l'Université, le législateur a voulu garantir la transparence de la vie universitaire et intensifier les relations entre l'Université et le monde politique, économique et culturel.

Le Conseil d'Etat, auquel il appartenait de désigner les membres de ce conseil, a veillé à ce qu'il représente équitablement les tendances et les milieux de ce canton. Nous lui sommes surtout reconnaissants d'avoir su intéresser au sort de l'Université des personnalités capables, par leurs critiques ou leurs

suggestions, d'infléchir les projets de l'Université et de leur garantir, si besoin était, un niveau honorable.

Le législateur nous accorde une période de quatre ans pour donner la preuve que cet appareil, évidemment perfectible, est en mesure de fonctionner efficacement. Ne laissons pas passer l'occasion.

WERNER SÖRENSEN,
recteur.