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Allocution rectorale

Mesdames, Messieurs,

La loi sur la réorganisation des autorités universitaires de 1 971 précise que c'est le rectorat qui dirige et administre l'Université, non le seul recteur.

C'est pourquoi les quelques propos qui vont suivre ont fait l'objet d'une réflexion du rectorat tout entier, et c'est en son nom que j'ai l'honneur de les tenir.

Nous n'aborderons pas aujourd'hui la question financière, sauf pour exprimer notre profonde reconnaissance au Département de l'instruction publique, au Conseil d'Etat, au Grand Conseil et au peuple neuchâtelois d'avoir, dans les conditions économiques que chacun connaît, accordé leur soutien à l'Université et d'avoir manifesté ainsi qu'ils comprenaient et appréciaient son rôle dans le pays et les besoins qui sont les siens.

Les difficultés actuelles, si elles sont évidemment cause de soucis, ont néanmoins un aspect positif. Elles ont conduit à intensifier singulièrement la réflexion sur le rôle, sur la nature et sur l'avenir de l'Université neuchâteloise. Nous sommes heureux de signaler le travail de clarification et de prospective entrepris par le Conseil de l'Université, et en particulier par sa Commission «Avenir de l'Université», par le Conseil rectoral, par les Commissions de prospective des facultés, par le rectorat enfin dont c'est une des tâches essentielles, Il ne fait d'ailleurs là que poursuivre le travail du rectorat auquel il a succédé. Nous tenons, à cette occasion, à remercier nos prédécesseurs et à les féliciter. Comme le disait récemment l'un d'entre nous: «Chaque nouveau jour augmente notre admiration pour l'ancien rectorat.»

Il est réjouissant aussi de voir des organisations privées, comme la toute jeune Association des professeurs de l'Université de Neuchâtel, comme le Groupe Université de la VPOD, répondre aux mêmes soucis. Nous nous en réjouissons.

Il est classique d'envisager l'Université sous ses deux aspects d'enseignement et de recherche. Nous voudrions en ajouter un troisième: celui de sa place dans le canton et dans la région, celui de sa place aussi parmi les autres universités, Il s'agit, en bref, du problème de l'insertion de notre Aima Mater dans le pays et de ses collaborations. Certaines sont institutionnalisées, d'autres sont plus diffuses, ce qui ne signifie nullement d'ailleurs qu'elles soient moins vivantes. Nous aimerions dire quelques mots des unes et des autres.

1. Les collaborations

Il y a d'abord la collaboration romande qui, par des conventions précises établies au niveau des Départements de l'instruction publique, concernent nos quatre facultés, donc aussi et avec plein succès la Faculté de théologie. Nous ne pouvons que nous féliciter des conventions dites de troisième cycle, celles donc qui ont trait à la formation postgrade. Elles paraissent donner, pour le moment en tout cas, entière satisfaction à toutes les parties.

Les conventions de deuxième cycle, celles donc qui règlent des enseignements préparant à la licence ou à un diplôme, font parfois, il est vrai, quelques difficultés. Celles-ci sont dues avant tout à l'inégalité des forces en présence, c'est-à-dire à la différence de taille entre nos institutions. Elles sont toutefois loin d'être insurmontables et les organes compétents travaillent à les éliminer. Puisque nous faisons allusion à ces organes, nous voudrions citer particulièrement la Conférence universitaire romande, la Commission de planification universitaire, la Commission financière romande ainsi que les commissions scientifiques, au niveau des disciplines elles-mêmes. Nous croyons que l'importance de ces organes ne tient pas seulement aux travaux qu'elles mènent à chef, mais encore à ce qu'ils constituent des lieux de rencontre et qu'ils permettent aux parties de se mieux connaître et de s'estimer mutuellement.

Nous sommes aussi particulièrement heureux de saluer la collaboration avec l'Université de Besançon. Son président, le professeur Lévêque, n'a pu être des nôtres aujourd'hui et il s'en excuse; mais quelques-uns de ses collègues sont ici. ils savent donc le prix que nous attachons à resserrer encore les liens avec eux. Déjà existent un échange de cours entre nos facultés de droit, de fructueuses rencontres dans le domaine de l'histoire de nos régions, des travaux communs en hydrogéologie.

A l'initiative du président Lévêque, nous avons fait le projet d'un jumelage, plus solennel, jumelage qui sera parallèle à celui qui, déjà, lie nos deux villes.

Enfin nous ne voudrions pas omettre de rappeler, sans chercher bien sûr à être le moins du monde exhaustif, quelques-unes des formes que prend l'insertion de notre Université dans la vie de la région et du pays.

Nous pensons, par exemple, aux accords qui lient notre Institut de chimie à l'industrie chimique suisse, aux travaux de l'institut de physique, à ceux de l'institut de géologie, à ceux des Groupes des sciences économiques. Que l'on songe aussi au rôle que des Neuchâtelois comme MM. Labhardt et Clottu ont joué dans la mise en place d'une politique suisse des universités et de la culture; que l'on songe à la participation de nos collègues à la réforme des institutions juridiques, à leur participation au Conseil suisse de la science, au Fonds national suisse de la recherche scientifique, à la direction de sociétés savantes. On s'aperçoit alors que, par ses membres et par elle-même, l'Université de Neuchâtel est beaucoup plus présente dans la vie du pays tout entier que certains ne se l'imaginent parfois.

2. L'enseignement

L'Académie de Neuchâtel a été fondée pour «former les pasteurs dont la Principauté avait besoin».

Chacun sait que les républiques sont rapidement revenues sur l'idée, qui a coûté si cher à Lavoisier, qu'elles n'avaient pas besoin de savants, Il est aujourd'hui évident que l'une des tâches majeures d'une université comme la nôtre est de former les maîtres, les savants, les juristes, les économistes, les pasteurs dont la République a besoin, et elle le fait.

Néanmoins, et pour parodier Valéry: «Nous autres, civilisations, nous savons que nous sommes changeantes.»

Les connaissances se développent, les méthodes se modifient, les techniques progressent et personne ne reste à la hauteur de sa tâche, si l'occasion ne lui est pas offerte de se former tout au long de sa carrière. Bien sûr, une petite université ne peut songer à accompagner chacun de ses anciens diplômés, jusqu'à la pointe de savoirs, aujourd'hui si divers.

Mais il serait absurde, voire contradictoire avec la définition de son rôle, que notre Université ne choisisse pas quelques domaines où elle puisse offrir à ceux auxquels elle a donné les bases d'une formation la suite que réclame leur profession.

Il existe d'ailleurs d'autres catégories d'adultes auxquels une université même modeste peut et doit offrir certains services. Nous pensons à des adultes qui ne sont pas nécessairement de nos anciens étudiants, mais que leur métier place devant l'exigence de compléments d'information qui, eux, sont du ressort de l'Université.

Nous pensons aussi à d'autres adultes qui, à la suite de l'extrême technicité de leurs activités, éprouvent l'impérieux besoin d'un élargissement de leur expérience personnelle. A eux aussi, l'Université doit songer.

Enfin, il y a ceux grâce au travail desquels nous existons: nous voulons dire les personnes du troisième âge. Il existe certes des organisations qui, admirablement, les aident à lutter contre leur isolement, qui leur permettent de s'instruire là où les circonstances de leur vie ne leur ont pas permis de le faire. Il ne s'agit pas de les suppléer, mais nous sommes persuadés que, ici encore, l'Université a un rôle à jouer.

L'expression consacrée «Université du troisième âge» est peut-être un peu exagérée pour nous. Toutefois, et grâce à un groupe de personnes auxquelles nous tenons à exprimer notre gratitude, l'Université de Neuchâtel, sitôt qu'elle aura reçu les autorisations des autorités dont elle dépend, va procéder à une première expérience. Elle est prête à organiser, dès le début de 1977, deux cours:

— l'un intitulé «Neuchâtel, ou la vie d'une cité» sera fait d'exposés, de travail par groupe, d'ateliers,

— l'autre sera un cours plus restreint dans son public, et destiné à initier ses participants au travail de documentaliste.

3. La recherche

Il est vraisemblable que chacun d'entre vous ne fait pas de nos Annales son livre de chevet. Ceux toutefois qui ont coutume de les consulter n'auront pas manqué d'être frappés par le nombre des recherches qui se font à l'Université de Neuchâtel et, à en juger par le niveau des revues savantes qui les accueillent et qui les citent, par leur qualité. Cet état de fait réjouissant est dû à l'esprit d'initiative et à la valeur de nos collègues et de leurs collaborateurs. Nous les en félicitons.

Il est dû aussi à ce que la plus grande part de ces travaux est prise en charge par le Fonds national suisse de la recherche scientifique. Nous tenons à lui rendre hommage.

Nous ne voudrions pas non plus parler de la recherche sans rappeler le don que Chocolat Suchard SA a fait à l'Université afin de favoriser la recherche dans le domaine de l'économie d'entreprise. Nous répétons notre reconnaissance à sa direction. Pour terminer, nous voulons évoquer brièvement un problème qui est d'importance vitale pour la région et qui, de surcroît, est exemplaire du rôle que l'Université peut jouer dans l'enseignement, la recherche et la collaboration. Nous pensons au problème de la microtechnique. Actuellement, l'Université de Neuchâtel est la seule de Suisse — Ecoles polytechniques fédérales comprises — à délivrer un titre d'ingénieur en microtechnique. Ces étudiants, si certains d'entre ceux sont issus des gymnases, viennent aussi d'une école technique supérieure, Ils reçoivent une formation de base en mathématiques, en physique et en chimie, puis une formation spécialisée en micromécanique, en connaissance des matériaux (ce qui inclut les méthodes d'analyses les plus modernes), et surtout en électronique et en microélectronique.

A ce propos, nous nous félicitons de la qualité de notre collaboration avec le Laboratoire suisse de recherches horlogères et le Centre électronique horloger.

Consciente de l'intérêt d'une telle formation pour toute la région suisse occidentale, l'Université de Neuchâtel attribue une priorité au développement de son Institut de microtechnique, et ceci avec le plein accord du Conseil d'Etat, qui appuie et encourage ses efforts. Nous pensons en particulier au budget extraordinaire qui a été décidé en faveur de la microtechnique, et ceci dans le cadre de la relance. II s'ensuit que cette discipline n'a pas subi durablement les effets de la réduction du nombre d'assistants et qu'un nouveau poste de chef de travaux a même pu lui être attribué cette année.

Notons aussi que des crédits d'installation non négligeables ont été accordés pour compléter son installation dans de nouveaux locaux à Pierre-à-Mazel.

Il faut souligner de plus que l'institut de microtechnique assure lui-même le financement d'une partie de ses travaux grâce à des subsides du Fonds national suisse de la recherche scientifique et du Fonds Allemann, subsides alloués sur la base de requêtes dûment motivées et grâce enfin à des mandats qu'il a reçus de l'industrie.

Il est utile, en cette période de chômage, de mentionner que des offres d'emploi parviennent déjà à l'institut de microtechnique, offres destinées à des étudiants qui n'ont même pas encore terminé leurs études. Et ce simple fait montre suffisamment selon nous la portée de cette formation.

Certes, les études en microtechnique sont difficiles. Mais ceux qui ont le courage de les entreprendre seront à coup sûr récompensés par une carrière professionnelle passionnante, tant il est vrai que chaque crise économique est suivie d'une période novatrice où les esprits originaux peuvent enfin donner leur pleine mesure. Il ne suffit pas en effet de parler de diversification de notre industrie, il faut aussi lui donner les moyens de la réaliser.

L'Université de Neuchâtel, quant à elle, est décidée à assurer et à promouvoir constamment un enseignement de pointe dans les domaines de la microtechnique; elle sait qu'elle sera soutenue par nos autorités.

La jeunesse de ce pays, si prompte et parfois si justifiée à déplorer l'immobilisme de ses aînés, saura-t-elle reconnaître ainsi l'occasion offerte? Nous en sommes convaincus.

Le recteur:
Jean-Blaise Grize