DIES ACADEMICUS 1989
21 octobre 1989
LIBRAIRIE PAYOT
LIBRAIRIE DE L'UNIVERSITÉ
LAUSANNE 1989
DISCOURS DE M.
PIERRE DUCREY,
RECTEUR DE L'UNIVERSITÉ
L'an dernier nous inaugurions, du moins pour le Dies de notre
Université. En effet, au lieu d'un discours de politique universitaire,
le vice-recteur Bachmann avait préparé un exposé sur sa
discipline. Cette année, nous transformons cette innovation en
tradition, puisque, à son tour, le vice-recteur Hauck nous entretiendra
d'un sujet relatif à sa spécialité, qui est l'astronomie, comme
vous l'avez deviné, d'après le titre lumineux de son exposé
«Pourquoi le ciel est-il noir la nuit?». Le recteur, quant à lui, se
bornera donc à évoquer brièvement deux questions d'actualité qui
sont aujourd'hui au coeur de nos préoccupations.
La première touche à l'orientation même de notre système
universitaire et, plus généralement, de notre système d'éducation.
Le canton de Vaud, plus peut-être que la plupart des
cantons suisses, est parvenu à maintenir une ancienne tradition,
celle qui place au premier plan les disciplines culturelles, au
nombre desquelles figurent encore en bonne place le latin et le
grec, l'histoire, les langues. On peut remarquer que, pris globalement,
un peu plus de la moitié du budget de 1990 de
l'Université est consacré aux facultés des sciences humaines. On
peut se réjouir de cet état de choses, puisque notre faculté «des
arts», soit la Faculté des lettres, nos facultés des sciences
sociales et politiques, de droit, de théologie, et notre Ecole des
HEC perçoivent ainsi une part importante des moyens mis à la
disposition de l'Université par la collectivité. Nul ne songe à
nier aujourd'hui l'importance de la culture, celle des musées,
des arts, du cinéma, de la photographie, de la danse, auxquels
nos autorités politiques et, plus particulièrement, notre chef du
Département, portent une attention accrue, réjouissante et inégalée
à ce jour dans le canton.
Il va sans dire que celui qui vous parle, latiniste, helléniste,
professeur d'histoire ancienne et archéologue, donc professionnel
de la culture la plus traditionnelle et de sa transmission, se réjouit
de cet état de choses. Mais, en même temps, il s'en inquiète. A
l'heure où la chimie, la biologie, la biochimie, les biotechnologies.
la physique et la gestion des entreprises jouent un rôle grandissant
pour l'avenir de la société occidentale et de la Suisse en particulier,
nous nous demandons s'il n'y aurait pas lieu de nous poser
quelques questions douloureuses, comme celle de la place des
disciplines économiques et scientifiques dans nos universités et,
au-delà, dans nos écoles, par rapport à celles qu'occupent les
sciences humaines.
L'utilité de la chimie, de la physique, de la biologie n'est pas
toujours bien comprise du grand public et l'image de ces disciplines
est parfois négative. Les dirigeants de nos firmes industrielles
nous disent que nous ne formons pas assez de chimistes,
pas assez de biologistes initiés aux disciplines nouvelles.
Pour renverser la situation, l'effort devrait porter sur les classes
d'âge précédant l'entrée à l'Université, sur le gymnase, le collège,
voire l'école primaire, sur la formation des maîtres dans ces
disciplines, sur la formation continue de ceux qui sont en place. Il
s'agit là d'une oeuvre de longue haleine, mais sans doute indispensable,
dans laquelle l'Université jouera le rôle qu'on attend d'elle.
L'autre sujet de nos réflexions porte sur l'ouverture nécessaire
de nos universités. La Conférence des recteurs suisses et la
Conférence universitaire suisse se préoccupent de la mobilité des
étudiants. Nous nous efforçons d'harmoniser les conditions
d'entrée, de libre passage en cours d'études, enfin l'équivalence
des diplômes entre les hautes écoles suisses.
Par ailleurs, nous devons trouver rapidement un moyen de
répondre à la demande grandissante de nos étudiants qui, soucieux
de pouvoir profiter des facilités promises ou même offertes par les
hautes écoles européennes, souhaitent pouvoir suivre un semestre
en dehors de leur université d'origine.
Enfin, nous nous préoccupons de la compatibilité des grades
décernés par nos universités avec ceux des universités européennes.
Si nous n'y prenons garde, nous verrons soudain le
nombre des étudiants «Europe s'effondrer dans nos hautes écoles,
pour la simple raison que les titres que nous décernons ne seront
pas reconnus au-delà de nos frontières. Il en résulterait un appauvrissement
considérable pour notre institution. En outre, nos
propres diplômés seront exposés au risque de ne pas trouver de
travail en dehors de la Suisse. Nous serons donc appelés à revoir le
programme de certaines licences.
Notre Université, de même que la plupart des universités
suisses, s'efforce de construire un réseau d'universités amies,
proches et lointaines. C'est pour nous un plaisir tout particulier
d'accueillir ici ce matin le professeur Michel Cusin, président de
l'Université Lumière, Lyon 2, et du professeur Alain Bony, vice-président
chargé des affaires extérieures de cette université. Nous
signerons aujourd'hui même une convention de collaboration avec
l'Université Lumière. Cet accord se situe dans une perspective plus
large, celle d'un réseau d'universités régionales, placé sous le
signe SLG2, soit Savoie — Saint-Etienne, Lausanne, Lyon,
Genève, Grenoble, qui forment un ensemble de près d'une douzaine
d'universités de la région Rhône-Alpes.
Au-delà, il y a l'Europe et le monde. Sans entrer clans les
détails, vous savez que le Rectorat a désigné en la personne du
professeur Pierre de Senarclens un délégué aux affaires européennes
et internationales. Notre délégué a pour mission de nous
aider à créer un réseau de collaborations interuniversitaires sur une
hase bilatérale et mondiale. J'ai la joie de saluer ici parmi nous un
ami brésilien, le professeur Jean Cavalcanti, fondateur de l'Université
Estacion de Sa, à Rio de Janeiro, avec laquelle nous
espérons pouvoir lancer des projets communs.
Comme vous le voyez, nous nous chargeons de conduire notre
institution clans une voie nettement orientée vers l'avenir, en
mettant un accent accru aux disciplines scientifiques, d'une part, et
en affirmant notre ouverture au monde, d'autre part.