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DIES ACADEMICUS 1997

Cérémonie du 31 mai 1997
Uni-Dufour, Auditoire Piaget
Palmarès de l'année civile 1996

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M. Bernard FULPIUS
Recteur de l'Université de Genève

POUR LE DIES ACADEMICUS, FÊTE DE l'Université, nous vous accueillons d'habitude dans un décor de fleurs et de drapeaux. Cette année, nous avons, en plus, pris la peine d'envelopper Uni-Dufour d'un cocon, prélude à une renaissance de ses façades et de ses extérieurs.

Dans son allocution du 6 juin 1975, à l'occasion, comme ce jour, du Dies academicus, le recteur en fonction d'alors, le professeur Ernst Heer, avait eu «le privilège de pouvoir prendre officiellement possession du bâtiment, appelé Uni II». Il soulignait que le lieu avait, en plus de l'enseignement et de la recherche, une autre mission: celle de «créer un lien, un trait d'union entre la Cité et l'Université». La cérémonie académique d'aujourd'hui, destinée notamment à honorer les nouveaux docteurs honoris causa, représente bien un tel événement permettant de maintenir et de renforcer les liens avec la Cité.

Selon le concept de Jacques Vicari, architecte d'Uni-Dufour, le bâtiment et ses composants sont compris dans un réseau modulaire. Vous vous trouvez ici dans un module de ce réseau. Les artistes et architectes qui ont participé au concours de décoration d'Uni-Dufour ont tenu compte et se sont inspirés de cette structure modulaire. Le projet retenu, qui est en cours de réalisation, prévoit d'utiliser chaque cellule extérieure pour y placer une diode qui fera défiler des chiffres selon un rythme propre à chaque élément. Cet appel symbolique au numérique est en harmonie avec la conception modulaire du bâtiment. Il apparaît par contre en contradiction avec les voeux des utilisateurs des lieux d'alors qui, par l'intermédiaire du recteur, s'interrogeaient lors du Dies de 1975 sur la question de la désignation des salles par des numéros ou des noms. La préférence avait été accordée à une nomenclature non technocratique, qui faisait appel aux noms de savants que l'on souhaitait honorer. Le retour

au numérique, mais cette fois dans une déclinaison artistique, ne devrait pas, du moins je l'espère, nous obliger à un nouveau baptême d'Uni-Dufour, même lorsqu'il émergera de sa chrysalide!

M. Bernard FULPIUS

Recteur de l'Université de Genève

_____L'UNIVERSITÉ DE GENÈVE HONORE aujourd'hui six personnalités auxquelles elle va conférer le grade de docteur honoris causa. Dans quelques instants, à l'écoute des présentations des lauréats, nous allons en savoir davantage à leur sujet, mais, d'ores et déjà, je me plais à relever que chacun d'entre eux, dans le cadre de ses activités, a manifesté une ouverture d'esprit et un intérêt pour plusieurs disciplines, une attitude intellectuelle qui a, de façon indiscutable, contribué à enrichir leur oeuvre et à lui donner son caractère original.

Préciser la place à accorder, au sein de l'Université, à des programmes interdisciplinaires, fixer les conditions favorables à leur développement et évaluer le coût de leur éventuelle expansion ne vont pas sans poser aux responsables actuels plus d'une question difficile à résoudre, du fait que l'Université compte, dans ses structures, des facultés qui doivent continuer d'exister et être dotées des moyens nécessaires, car elles sont, en premier lieu, responsables de l'enseignement et de la recherche qui sont associés à toute une série de disciplines bien décrites. Ces disciplines traditionnelles, dont la structure s'est précisée au fil des siècles, continuent de représenter le cadre qui permet, en particulier, d'établir les plans d'études offerts aux étudiants des premier et deuxième cycles. A l'intérieur de chacune d'entre elles, les méthodes, les critères de formation et les modes de transmission du savoir sont bien connus. Dans ce contexte, qui est loin d'être dépassé, les progrès de la connaissance sont rendus possibles par les spécialisations qui sont en réalité une manière d'aborder de façon toujours plus pointue le savoir et de permettre de définir les critères de sélection et d'excellence traditionnels. Une telle organisation ne saurait être remise en question.

Pour ceux qui sont appelés à prendre position sur des questions de politique universitaire, la situation est complexe du fait d'une tendance

croissante de la société à poser, au-delà des schémas de pensée traditionnels, un regard nouveau sur les disciplines existantes. Cette tendance a mené progressivement à l'identification de nouveaux secteurs interdisciplinaires que d'aucuns appellent les nouveaux objets du savoir. Nous sommes, au Rectorat, de plus en plus souvent confrontés à cette demande, clairement exprimée, de décloisonnement des disciplines existantes et de traitement de certaines questions de façon interdisciplinaire.

Notre position face à cette demande est nuancée. Si, d'une part, nous sommes convaincus que la formation de hase, offerte dans le contexte de chaque discipline établie, est indispensable et que ce n'est qu'à titre, à la fois d'un approfondissement et d'un élargissement de la formation, qu'une approche interdisciplinaire devrait être introduite à partir du 3e cycle, nous sommes, d'autre part, ouverts au lancement de programmes plurifacultaires, lesquels devraient offrir, sans créer de nouvelles structures, les conditions propices à l'avancement d'un certain nombre de projets d'enseignement et/ou de recherche considérés, en premier lieu, sous l'angle de l'interdisciplinarité. A cet égard, les programmes plurifacultaires, rappelons-le, constituent l'une des priorités de la politique du Rectorat. De tels programmes doivent être conçus et gérés de façon relativement autonome et leurs objectifs clairement exprimés au moment de leur lancement. Considérés en quelque sorte comme des laboratoires «sans murs» regroupant enseignants et chercheurs rattachés par ailleurs administrativement à l'une ou l'autre des facultés engagées, ils doivent bénéficier, pour leur avancement, non seulement des contributions de certains membres de chacune des facultés concernées, mais aussi de crédits destinés à couvrir les frais qui leur sont propres et à assurer, pour un temps défini, la participation de collaborateurs supplémentaires. Prélevés par le Rectorat dans le cadre de l'enveloppe budgétaire qui est allouée à l'Université, ces crédits doivent pouvoir être mis à disposition du ou des responsables de chacun de ces programmes plurifacultaires. Le respect des buts de chaque programme doit faire régulièrement l'objet d'une évaluation et d'une vérification, deux conditions indispensables si l'on veut être à même de poursuivre ou de renoncer à l'opération.

A notre sens, l'exécution de tels programmes devrait pouvoir satisfaire aux nouvelles exigences en matière de gestion des services publics qui offrent une large place aux pratiques contractuelles.

Disposant, en effet, d'une enveloppe budgétaire destinée à leur réalisation sur une période d'au moins trois ans, et qui pourrait être étendue

si les conclusions des évaluations menées régulièrement sont positives, ces programmes plurifacultaires devraient pouvoir être l'objet d'une contractualisation, par exemple sous la forme de mandats de prestations établis entre le Rectorat et les responsables de chacun d'entre eux.

Pour l'Université, les pratiques contractuelles, dont on vient d'entrevoir une application possible, ne sauraient être envisagées de façon systématique. Rappelons tout d'abord que, à leur origine, se trouve une volonté politique de connaître comment les institutions qui dépendent des deniers publics, l'Université par exemple, dépensent les crédits mis à leur disposition, et cela d'autant plus que ces derniers leur sont alloués sous forme d'enveloppes.

Dans ces conditions, pour le Rectorat et son partenaire concerné, qu'il s'agisse de l'Etat dans une approche globale ou des responsables d'une faculté, d'un programme ou tout simplement d'un projet, dans une approche plus spécifique, le recours à des pratiques contractuelles implique:

a) une discussion préalable des objectifs fixés;

b) un engagement concernant les ressources sur une période de plusieurs années et

c) la fuse en place de mesures d'évaluation aux fins de contrôle des réalisations.

Tenir compte rigoureusement de ces trois paramètres en ce qui concerne l'Université, partie prenante d'un contrat, fait apparaître certaines difficultés quant au recours systématique aux pratiques contractuelles. Citons trois exemples: tout d'abord le danger à recevoir de l'argent pour réaliser des choses précises, trop précises peut-être, dans la mesure où la production des connaissances, trop étroitement liée au financement, risque de négliger certains aspects scientifiques. Il se pourrait, en effet, que le mandat, par définition davantage lié au produit qu'au processus, occulte la signification par définition différée dans le temps de la recherche et de l'enseignement. Or, l'acquisition progressive des méthodes d'analyse est aussi importante dans l'activité universitaire que l'obtention de résultats, plus faciles à quantifier dans l'immédiat. Mentionnons ensuite la difficulté de concilier la mise sur pied, au niveau de l'Etat, de budgets conçus sur base annuelle et la nécessité, dans le secteur de l'éducation et de la recherche, de définir dans le cadre de contrats de plus longue durée des objectifs souvent ambitieux, une situation qui, si elle n'est pas claire aux yeux des deux partenaires, pourrait avoir pour conséquence d'influencer les choix et les décisions de l'Université à partir de critères qui

surestiment le court terme au détriment du long terme. Cette dernière dimension temporelle est inhérente aux processus de production et de transmission des connaissances. Relevons enfin qu'il est probablement utopique de vouloir quantifier l'ensemble de la mission de l'Université qui devrait pouvoir disposer d'une autonomie telle qu'elle puisse continuer d'être un lieu propice à la liberté de réflexion et au développement de nouveaux savoirs. Cela n'implique nullement que l'institution veuille se placer, face à l'évolution actuelle, en position défensive en évoquant le respect de la liberté académique, mais il s'agit d'une réalité qu'il est de notre responsabilité de rappeler. Ce que l'on appelle la «production» de l'Université, pour utiliser une terminologie d'actualité, comporte des aspects immatériels qui ne sauraient être planifiés pour ce qui est de la recherche, ni quantifiés à outrance pour ce qui est de l'enseignement.

Il est certainement vrai que plusieurs paramètres liés à la production de diplômes universitaires pourraient être mieux cernés en faisant appel à des indicateurs pertinents On peut évoquer à ce propos la durée des études, le taux d'échec et l'adéquation à l'offre, dans la vie professionnelle, de la formation proposée. Mais la façon de construire ce «produit» qu'est le porteur d'un diplôme universitaire ne saurait par contre faire l'objet d'un contrat privilégiant le quantitatif, aisément mesurable, au détriment du qualitatif qui, en l'occurrence, est le seul aspect qui compte vraiment. Ceci est particulièrement vrai de la transmission des valeurs dites universitaires, à savoir le développement chez l'étudiant d'un esprit d'analyse qui devrait lui permettre une fois ses études terminées et en sa qualité d'universitaire digne de ce nom de s'adapter aux réalités nouvelles propres à toute société en évolution et d'être à même, dans le cadre de celle-ci, de s'engager et d'assumer ses responsabilités. Pour l'exécutif de cette maison, le maintien de la qualité universitaire liée aux diplômes qu'elle délivre est une priorité. Elle implique le développement et la mise à disposition de nouvelles méthodes pédagogiques, la possibilité d'évaluer la qualité de l'enseignement et, surtout, une meilleure valorisation de cette tâche essentielle du corps enseignant.

Je terminerai en m'adressant aux étudiants: qu'ils croient en notre adhésion à l'idée d'aider à ce que la formation universitaire reste ce qu'elle doit être, non pas seulement une formation permettant à terme d'exercer une profession, mais une formation à un certain esprit analytique et critique dont le bénéfice ne peut être comptabilisé à court terme. Sachant cela, j'espère qu'ils ne sous-estimeront pas les possibilités offertes

d'accéder à des enseignements complémentaires et à des contacts privilégiés avec l'un ou l'autre membre du corps enseignant, et ce hors du cadre strict d'un plan d'études.

J'engage les étudiants, en ma qualité de recteur, à prendre une part active à la vie universitaire et à tirer profit des possibilités de mobilité tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de l'institution, d'ouverture vers des études qui, à partir d'un fil conducteur disciplinaire, comportent une offre pluridisciplinaire, voire interdisciplinaire, autant de garanties sur le long terme du développement d'une activité originale et créatrice.