Allocution du professeur Eric Martin

recteur de l'Université
Monsieur le président du Département de l'instruction publique, je vous souhaite la bienvenue à ce Dies Academicus, que pour la première fois vous honorez de votre présence, et dans cette maison où vous êtes chez vous.

Messieurs les recteurs des Universités romandes, acceptez l'invitation que nous vous avons adressée comme le signe de notre amitié et de notre désir de collaboration,

Messieurs les nouveaux docteurs honoris causa,

Messieurs les représentants des autorités cantonales et des organisations internationales,

Mesdames et Messieurs,

Chers étudiants,

Relater tous les événements, grands et petits de cette année universitaire, c'est risquer une énumération fastidieuse et longue qui rende bien mal la vie réelle de notre maison. Aussi, après avoir donné les nouvelles traditionnelles, je chercherai à vous exposer brièvement les problèmes que posent le présent et l'avenir de notre Université.

D'avance, je m'excuse des renseignements incomplets que je fournirai, renvoyant ceux qui s'estimeraient lésés par ces omissions ou qui voudraient en savoir davantage à la brochure traditionnelle du Dies qui contiendra les précisions nécessaires.

Décès

Nous avons eu le chagrin de perdre, au cours de cette année les professeurs honoraires suivants:

M. Maurice BOURQUIN, éminent juriste international et prestigieux professeur,

M. René GILBERT, premier titulaire de la chaire de radiologie de la Faculté de médecine.

M. Edouard PARÉJAS, ancien doyen de la Faculté des sciences,

M. Théodore REH, ancien professeur d'hygiène et de bactériologie,

M. Antoine VELLEMAN, fondateur et ancien directeur de l'Ecole d'interprètes,

M. Eugène PITTARD, ancien recteur, professeur d'anthropologie et fondateur du Musée d'ethnologie.

L'Université doit beaucoup à ces personnalités éminentes; leur souvenir restera vivant dans le coeur de leurs collègues et de leurs élèves.

Quatre docteurs honoris causa de notre maison nous ont été enlevés:

M. Luigi EINAUDI, ancien président de la République italienne, docteur en droit honoris causa,

M. Giovanni MIEGGE, docteur en théologie honoris causa,

M. Henry de TORRENTÉ, ancien ambassadeur de Suisse aux Etats-Unis, docteur ès sciences politiques honoris causa,

M. Hans WEHBERG, ancien professeur à l'Institut universitaire de hautes études internationales, docteur en droit honoris causa.

Nous déplorons également le départ de:

Mme Hélène DALMET, maître à l'Ecole pratique de langue française et aux Cours de vacances,

M. Philippe HAHN, maître à l'Ecole d'interprètes,

M. Maxime de SAUSSURE, privat-docent à la Faculté des sciences.

Il y a quelques semaines, la mort ravissait en pleine activité scientifique le professeur Paul WENGER, titulaire de la chaire de chimie minérale, de microchimie et de chimie analytique.

Le recteur a rendu hommage à Saint-Gervais à la mémoire du professeur Wenger, à Saint-Pierre à celle du professeur Pittard, tous deux anciens recteurs. Voici quelques lignes de ces témoignages: «Le professeur Wenger, doyen pendant huit ans de la Faculté des sciences, a montré dans cette charge de l'autorité et une consécration à une tâche qui fut lourde mais où ses qualités de clarté, de bon sens, son besoin de justice ont été appréciés de ses collègues.

Comme recteur, à la veille des fêtes du IVe Centenaire, il a fait bénéficier l'Université de son expérience. C'était, au sein de notre maison, une personnalité dont les conseils étaient recherchés et l'influence reconnue. D'un abord un peu froid, le professeur Wenger avait des qualités de coeur dont ses collaborateurs grands et petits ont bénéficié et, sortant d'une réserve au premier abord un peu déconcertante, il les manifestait par une franche poignée de main, un regard affectueux ou une brève phrase chargée d'amitié.»

«L'Université, au nom de qui je parle, doit beaucoup au professeur Pittard qui créa le Laboratoire d'anthropologie et le Musée d'ethnographie dont les richesses sont incomparables; qui, par son enseignement, éveilla des carrières de chercheurs, marqua de son influence, non seulement des scientifiques mais des artistes, des littérateurs et des poètes, une élite dans la cité.

L'Université est enrichie par un maître tel qu'Eugène Pittard, qui allie la science, la culture générale, le rayonnement personnel à un attachement fidèle à la tradition genevoise. Les personnalités de cette envergure sont exceptionnelles; durant leur activité de professeur, elles honorent notre Université; quand elles sont à la retraite, leur exemple nous stimule; quand elles nous quittent, leur souvenir est comme une présence.»

Nous nous réjouissions de pouvoir remettre aujourd'hui la médaille de l'Université à M. Gustave HENTSCH, membre de la Commission administrative de l'Université, ancien président, membre particulièrement actif de la Société académique, et qui a été pour notre maison un conseiller financier précieux et un ami fidèle. Il vient d'être ravi à l'affection des siens; nous prenons part à leur chagrin qui est aussi celui de l'Université. Nous savons qu'il se réjouissait de recevoir le témoignage de reconnaissance de notre maison et nous aurons le privilège émouvant de remettre cette médaille, tout à l'heure, à l'un de ses fils.

Nous avons eu le chagrin de perdre deux étudiants:

Mlle Ysaline GUINAND, en médecine,

M. André BAUDET, à l'Institut de hautes études commerciales.

Nos pensées de sympathie vont à leurs familles.

Démissions

M. Charles BURKY, professeur ordinaire de géographie humaine, M. Paul CARRY, professeur ordinaire de droit commercial, M. Marcel RAYMOND, professeur ordinaire de langue et littérature françaises, ont donné leur démission pour le 15 octobre 1962.

Ces démissions appauvrissent notre maison. L'enseignement de M. Burky a rencontré un grand succès. Ce n'est pas sans un immense regret que nous voyons partir des hommes comme Paul Carry et Marcel Raymond dont l'influence a marqué des générations d'élèves, et qui sont parmi les maîtres les plus respectés de notre Université.

Ces trois professeurs, ainsi que MM. François ACKERMANN et John-Henri OLTRAMARE ont reçu le titre de professeur honoraire.

Nominations

Ont été nommés:

a) professeurs ordinaires:

M. Gérald MENTHA, professeur d'organisation et comptabilité industrielles, de statistique commerciale et industrielle, d'économie commerciale, M. Edouard KELLENBERGER, professeur de biophysique, M. Martin PETER, professeur de physique expérimentale, M. Albert E. RENOLD, professeur «ad personam» de biochimie clinique.

b) professeurs extraordinaires:

M. Jacques BERNHEIM, professeur extraordinaire de médecine légale, M. Raymond GALOPIN, professeur extraordinaire de minéralogie spéciale, M. André CALAME, professeur extraordinaire de chirurgie propédeutique.

c) professeurs associés:

M. Gilbert TURIAN, chargé de cours à la Faculté des sciences, M. Roger FISCHER, chargé de cours à la Faculté de médecine.

Ont reçu une charge de cours:

M. Jean BABEL, chargé du cours d'ophtalmologie propédeutique, M. Daniel MAEDER, chargé de cours d'électronique, M. Charles-André JUNOD, chargé de cours de droit administratif général, M. Franz de CLAVE, chargé de cours de terminologie économique et financière française, allemande et anglaise à la Faculté des sciences économiques et sociales.

Ont été habilités à donner un enseignement de privat-docent:

M. David SPEISER, à la Faculté des sciences, M. Jean-Pierre VERNET, à la Faculté des sciences, M. Nicolas MARIAN, à la Faculté des sciences économiques et sociales, M. Pierre FRAENKEL, à la Faculté de théologie, M. Norbert HUGEDE, à la Faculté de théologie.

Nous souhaitons la bienvenue à ces nouveaux collègues; qu'ils se sentent associés étroitement à la vie de notre Université.

Dons et legs

Il n'est pas interdit de faire un don à l'Université et depuis quelques années cette excellente habitude a été prise, souvent par des personnalités étrangères.

C'est ainsi que la Fondation Simon I. PATINO a donné un million de francs pour la Cité universitaire,

— que Mmc BORZYNSKA a légué plus de 300.000 francs pour favoriser les études universitaires à des élèves d'origine genevoise,

— qu'en souvenir de son mari, Mme Pierre ARMINJON a donné 8000 francs en faveur de la bibliothèque de la Faculté de droit,

— que Mme Jeanne HUET DU PAVILLON a légué à la même faculté une somme de 5000 francs.

Un prix Georges-F. JAUBERT, institué par M. Rennel-Gordon MORETTI, sera décerné pour la première fois au présent Dies.

Nous avons reçu:

— les oeuvres en langue russe du professeur Lina STERN, actuellement à Moscou, ancien maître à notre Université, et docteur ès sciences honoris causa,

— du professeur F. ACKERMANN, une collection scientifique, fruit d'un long travail personnel, au profit de l'Institut de médecine dentaire,

— une série d'ouvrages littéraires du Conseil des Arts du Canada,

— le buste du professeur Eugène Bord, don de Mile Nathalie BOREL, sera inauguré dans 15 jours.

Sollicitées de soutenir la recherche et d'alimenter le fonds de solidarité de la Cité universitaire, un bon nombre de sociétés américaines installées à Genève ont accepté de faire un versement annuel.

Nous exprimons la gratitude de l'Université à ces donateurs qui, en favorisant notre maison, assurent son indépendance et lui permettent de jouir d'une certaine aisance. Certes, l'Etat subvient à nos besoins avec beaucoup de compréhension, mais nous avons une grande satisfaction à pouvoir employer les revenus de notre petite fortune en pleine autonomie et à des fins utiles.

Distinctions

Le professeur Pierre W. DUCHOSAL a reçu le prix Marcel BENOIST,

Le doctorat honoris causa a été décerné:

-— par l'Université de Lyon, au professeur André REY,

— par 1'Ecole polytechnique fédérale, au professeur Georges de RHAM,

— par les Universités de Cambridge et d'Oslo, au professeur Jean PIAGET,

— par l'Université de Bordeaux, au professeur Arthur-Jean HELD,

—par l'Université de Louvain, au professeur Paul GUGGENHEIM,

— par l'Université de Neuchâtel, au professeur Ernest STUECKELBERG,

— par l'Université d'Aix-Marseille, à votre recteur.

Au semestre d'hiver dernier, se sont inscrits à l'Université 3659 étudiants et 656 auditeurs, au total 4315, soit une augmentation de 211 par rapport à l'année précédente. Cet accroissement constant serait bien plus considérable si nous ne pratiquions pas une sélection sévère parmi les étudiants étrangers, particulièrement pour les sciences et la médecine. C'est plusieurs centaines d'étudiants que nous refusons chaque année dans ces deux facultés, parce que leurs diplômes ou les résultats qu'ils ont obtenus iie satisfont pas au barème que nous avons établi.

De ces 3659 étudiants 2065 sont étrangers, provenant de 75 pays, et 1594 suisses. Il y a un tiers de jeunes filles chez les nationaux, 50% chez les étrangers. Cette différence est due en grande partie à l'Ecole d'interprètes, où l'on a 591 étudiantes en grande majorité étrangères, pour un total de 682 élèves.

Parmi les étudiants nationaux, il y a 702 Genevois et 892 Confédérés.

Il est amusant, à propos de ces chiffres, de rappeler la sombre prédiction du doyen Haller, premier pasteur de I'Eglise de Berne, au moment de la fondation de l'Académie en 1559:

«Les Genevois fondent une académie. Ce sera pour les leurs seulement. Car il est peu probable qu'avec la cherté de vie qui règne là-bas et l'incertitude de la situation, cette académie soit fréquentée.»

Nous ne pouvons pas augmenter le nombre de nos étudiants car nous n'avons pas le personnel enseignant nécessaire et nos locaux universitaires sont trop exigus. Enfin la proportion des étudiants étrangers ne peut être accrue sans rendre encore plus difficile l'effort d'assimilation que nous poursuivons méthodiquement.

A la demande des autorités et dans les délais ont été fournies à M. Ernest Martin, architecte, les propositions des facultés des sciences morales et de l'administration de l'Université quant à l'aménagement de l'ancien musée d'histoire naturelle.

Le bureau du Sénat a été orienté sur la marche et le développement des instituts qui sont plus ou moins étroitement rattachés à notre Université. C'est ainsi que MM. Piaget et Roller nous ont entretenus des préoccupations de l'Institut des sciences de l'éducation; M. J. Freymond, de l'institut universitaire de hautes études internationales; M. Paul Haenni, du Centre d'études industrielles; M. S. Stelling-Michaud, de l'Ecole d'interprètes; celle-ci a brillament fêté son vingtième anniversaire le 11 novembre dernier; M. Ch. Maystre, du Séminaire et de l'Ecole pratique de langue française.

Toujours sur la brèche, le maître des sports, M. Jean Brechbuhl, a eu l'occasion de présenter aux autorités universitaires les projets d'installations sportives à la Cité universitaire.

Le Conseil de l'A.G.E. a également été reçu officiellement par le bureau du Sénat. Son président et les responsables des différents offices ont régulièrement orienté le recteur sur leurs projets et le résultat de leurs initiatives. Ils ont été reçus quand ils l'ont voulu, et sans délai.

On se rend ainsi compte de l'activité variée du bureau du Sénat et l'on comprend qu'une séance hebdomadaire de trois heures lui soit à peine suffisante pour accomplir sa lourde tâche.

Parmi les événements de cette année, il faut citer les Journées de l'art organisées les 5-6-7-8 février 1962 et les expositions de peinture à la nouvelle salle de lecture inaugurée officiellement et utilisée largement par les étudiants, qui disposent enfin d'un local tranquille pour préparer leurs cours.

La Journée d'entraide, bien organisée cette année, a eu lieu le 9 novembre 1961. En travaillant ensemble à des tâches variées et souvent imprévues mais désintéressées, nos étudiants apprennent, au début de l'année universitaire, à se bien connaître.

La Kermesse internationale a eu lieu aux Bastions les 2 et 3 juin 1962. La promenade du recteur à travers les stands, si elle lui a permis de se rendre compte du succès de l'entreprise, l'a incité à déguster les différentes spécialités culinaires internationales, et l'a mis dans l'obligation de goûter aux alcools variés que chaque pays lui offrait courtoisement, ce qui a engendré chez lui une douce euphorie. Il est heureux que les soixante-quinze nations représentées à l'Université n'aient pas cru devoir figurer au sein de cette manifestation pittoresque de l'amitié estudiantine, il eut été incapable de préparer l'allocution qu'il devait prononcer aujourd'hui.

Il faut parler encore du succès obtenu par le Théâtre académique qui vient de représenter «Britannicus» devant quatre salles pleines et qui s'apprête à nous montrer, dans cette aula, douze images de la vie de J.-J. Rousseau, citoyen de Genève. Je ne crois pas inc tromper en disant que cette évocation sera particulièrement réussie. Une formule nouvelle: sous le titre de lecture-spectacle, M. Zosso et ses acteurs ont présenté un répertoire de pièces étrangères tout à fait inconnues du public de langue française.

Remerciements au personnel administratif

Avec le départ, l'an dernier, de M. Hermann Blanc ainsi que de Mlle Vallon, on pouvait craindre une période de transition un peu difficile. Nous sommes heureux que MM. Ducret et Corboz se soient si rapidement mis dans la peau de leurs personnages. Nous leur exprimons notre satisfaction pour tout le travail qu'ils ont abattu et l'heureux contact qu'ils ont établi avec les professeurs d'une part, les étudiants de l'autre.

Ils ne sont pas seuls; nous pouvons compter à l'Université sur une équipe de collaborateurs que bien des administrations nous envient. Intelligence, complaisance et dévouement à l'Université, sont des qualités que l'on rencontre aux divers secrétariats, à la caisse, au bureau de logement, à la conciergerie. Le recteur sait qu'il est l'interprète de tous en rappelant les mérites de l'équipe administrative de l'Université.

Présentation du nouveau bureau du Sénat

Le bureau du Sénat sera constitué dès le 16 juillet 1962 et pour une période de deux ans de la manière suivante:

Recteur: le professeur Jean GRAVEN (Droit)

Vice-recteur: le professeur Claudius TERRIER (S.E.S.)

Secrétaire du Sénat: le professeur Marc SAUTER (Sciences)

Doyens: Faculté des sciences: le professeur Bernard Susz Faculté des lettres: le professeur Bernard GAGNEBIN Faculté des S.E.S.: le professeur Jacques L'HUILLIER

Faculté de droit: le professeur Alexandre BERENSTEIN Faculté de médecine: le professeur Jean-Jacques MOZER Faculté de théologie: le professeur Edmond ROCHEDIEU

J'admire chez M. Graven, d'une part cette consécration complète à sa tâche universitaire, le souci d'étudier à fond tous les problèmes qu'on lui confie, le sérieux qu'il apporte à toute chose, et d'autre part cet intérêt juvénile, cette curiosité jamais satisfaite pour tous les aspects de l'activité et du génie de l'homme: les arts, la littérature, la pensée, la philosophie.

A côté de ces qualités essentielles qui le préparent si bien à remplir sa nouvelle tâche, comment ne pas souligner sa grande courtoisie et un dévouement à la cause des étudiants que l'on ne sollicite jamais en vain?

Vous savez les services éminents que le vice-recteur Terrier a rendus à l'Université, au sein de la commission du Sanatorium universitaire ou du Restaurant universitaire, dans la mission décevante de convaincre les étudiants de mettre un peu d'ordre dans leurs finances. Ses conseils, fruits de sa longue expérience, nous ont été précieux tout au long de notre rectorat.

Si nous saluons avec joie les nouveaux doyens Gagnebin, L'Huillier, Mozer et Rochedieu, nous voyons partir avec tristesse les doyens Schaerer, Montant et Leenhardt. Non seulement, ils ont bien représenté leurs facultés respectives, mais ils ont toujours eu présent à l'esprit l'intérêt général de l'Université.

M. Jacques L'Huillier, secrétaire impeccable et ponctuel, passe la plume à M. Marc Sauter dont la disponibilité à l'égard de notre maison appelle notre reconnaissance.

En m'adressant aux membres de l'ancien bureau qui, pendant deux ans, chaque mardi de 5 à 8, se sont penchés sur les petits et les grands problèmes de notre Université, j'ai à coeur de leur dire ma gratitude et ma fidèle amitié. Nous avons travaillé dans un esprit parfaitement collégial, mettant en commun nos préoccupations, nos projets et nos espoirs; une complète franchise et une cordialité réelle ont inspiré nos discussions, exemptes de pédanterie et de solennité professorales. Chacun apportant les problèmes de sa spécialité, nous nous sommes enrichis au contact les uns des autres, nous rendant compte chaque jour davantage qu'une Université est tout autre chose que la cohabitation des facultés. Merci à mes collègues de m'avoir permis de faire cette expérience, elle est exceptionnelle et féconde.

Examinons maintenant quelles ont été les préoccupations majeures du bureau du Sénat au cours de cette dernière année et quelles sont par conséquent les lignes directrices de la politique universitaire.

1) Contacts et relations sociales

Les fêtes du IVe Centenaire ont suscité dans la population un intérêt inattendu pour une maison respectée mais qui demeurait un peu à l'écart de la vie de la cité. L'Université doit maintenir un contact avec des milieux professionnels et sociaux les plus divers dont elle forme les cadres, et qui ne peuvent être indifférents à son développement et à son adaptation aux besoins de l'époque.

Par l'intermédiaire du Conseil académique que préside avec un dévouement total M. André Fatio, l'Université demeure en relation avec des représentants qualifiés des professions et des milieux économiques et industriels de la ville, qui, au cours de séances très animées, ont examiné divers aspects des problèmes universitaires, fait des critiques et présenté des suggestions qui ont été soumises au bureau du Sénat.

Le recteur a eu le privilège d'être convié très fréquemment à des réunions tenues dans la cité par des cercles divers, Association des architectes et ingénieurs, Cercle français, Rotary. Il peut ainsi expliquer l'Université, ses besoins, ses difficultés, ses projets.

Une campagne d'information doit être méthodiquement entreprise; notre maison doit avoir ses «public relations».

Nos rapports avec la presse ont été très suivis. Les quotidiens désignent actuellement un de leurs collaborateurs pour s'occuper spécialement de l'Université. L'enseignement supérieur et ses techniques, l'organisation des étudiants, les constructions universitaires, la collaboration sur le plan national, le logement des étudiants, ont été l'objet de longs articles. On doit se réjouir de l'intérêt que portent nos journaux à notre Université.

Récemment, grâce à Radio-Genève, nous avons pu organiser cinq émissions de 30 minutes consacrées à des sujets universitaires et qui présentent aux auditeurs les problèmes qui se posent à notre maison et qu'elle cherche à résoudre.

Ce ne sont pas seulement les milieux genevois et confédérés avec lesquels nos relations ont été entretenues, mais aussi avec les centres internationaux.

Nous nous sommes rapprochés des organisations internationales dont certains hauts fonctionnaires ne vouent pas à Genève un intérêt de commande seulement, mais sont attachés à notre ville par une réelle amitié. N'est-ce pas l'un d'entre eux qui me disait récemment: «Je suis persuadé que la mission internationale de votre ville est issue de l'Académie de Calvin.»

Les services que nous a rendus l'Organisation mondiale de la santé doivent être une fois encore soulignés.

Le Bureau international du travail, en créant l'Institut international d'études sociales, dont le directeur est le ministre Marquand, demande à l'Université de collaborer à l'enseignement et à son recteur de figurer parmi les membres de la commission consultative.

L'Office européen a invité le recteur pour accueillir le secrétaire général des Nations Unies, M. U Thant, en visite à Genève.

L'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) collabore avec notre Institut de physique.

Et c'est une initiative des organisations internationales, du directeur du CERN en particulier, le professeur Weisskopf, qui associe l'Université à l'organisation de conférences internationales d'une qualité exceptionnelle et groupées sous le titre général Science et vie sociale. La première sera faite le 27 juin dans cette aula par le professeur Robert Oppenheimer.

Si les autorités universitaires sont priées par les représentants diplomatiques ou des organisations internationales à assister à de multiples réceptions, le recteur a également été l'hôte du Groupement des juristes internationaux, de l'Association des anciens élèves d'Oxford et de Cambridge.

Ainsi se comble au profit des uns et des autres le fossé qui existerait entre la Genève traditionnelle et nationale et les milieux internationaux. L'Université intéressée à cet effort de rapprochement, désire poursuivre son action; elle est sensible à la confiance que lui témoignent les organisations internationales qui ont leur siège dans notre ville.

2) L'accès à l'Université des élèves qualifiés doit être facilité sans égard pour leur situation sociale

Le recteur se réjouit de l'accroissement du nombre des bourses accordées par notre gouvernement, la Confédération, les organisations officielles ou privées, les pays étrangers; il donne sa signature à des centaines de demandes d'exemption

de taxes universitaires; il sait le travail utile qui est fourni au profit des étudiants nationaux par la Caisse de subsides, au bénéfice des étudiants étrangers par l'Office d'entraide.

Un effort très important est déjà réalisé, il doit être encore développé, tant sur le plan matériel que psychologique. C'est, en effet, en premier lieu un problème psychologique à résoudre lorsqu'il faut convaincre des milieux ouvriers que leurs enfants ont les qualités nécessaires pour faire des études supérieures et qu'ils sont en droit de demander, après des formalités fort simples, une aide matérielle qui leur permettra de les accomplir.

L'information des élèves des écoles secondaires sur les études universitaires et leur aboutissement a été organisée par le doyen Schaerer; elle a rencontré un plein succès et complète les mesures prises par le Département de l'instruction publique.

En créant récemment, sous la présidence du secrétaire général, une commission d'action sociale au sein de laquelle les étudiants sont largement représentés, les autorités universitaires ont désiré que l'aide matérielle aux étudiants soit coordonnée, rendue plus efficace et inspirée d'une psychologie compréhensive.

Nous sommes convaincus que ce qu'on appelle la démocratisation des études, nécessité sociale, doit être réalisée progressivement, sans promesses démagogiques, et ne pas s'accomplir au détriment de la qualité des études et des exigences des examens.

3) L'accueil des étudiants étrangers doit être amélioré

Avant que soit terminée la Cité universitaire, la pénurie de logements compromettra à Genève tout ce qui pourra être fait pour accueillir les étudiants, les encadrer, les assimiler.

La Cité n'offrira pas seulement la possibilité de loger 400 étudiants mais sera un centre d'activités diverses et de rayonnement spirituel et intellectuel, comme le sont déjà les Centres protestant et catholique.

L'accueil des nouveaux étudiants est mis sur pied au début du semestre par les facultés et l'A.G.E. mais ce n'est pas suffisant. Des déjeuners organisés dans des familles genevoises à l'intention d'étudiants étrangers ont permis de faire une très heureuse expérience et nous avons pris connaissance avec satisfaction des témoignages reconnaissants des invités et des amphytrions. Cette initiative sera poursuivie et étendue cet automne.

Il semble que le dépaysement et que l'isolement soient des facteurs qui compromettent chez les étudiants déracinés le succès des études académiques. Les facultés doivent s'occuper d'encadrer les nouveaux venus et chercher à réaliser une formule appropriée de parrainage.

Le bureau du Sénat étudie la création de postes de Student advisers, conseillers d'étudiants qui sont réclamés par les organisations estudiantines et ont fait leurs preuves dans certains pays, en Allemagne, aux Etats-Unis, en particulier.

A ceux qui s'étonneraient de l'importance attribuée à cet accueil en alléguant qu'autrefois l'étudiant n'avait pas besoin que l'on prît soin de lui, je conseillerais de passer 15 minutes à 10 heures dans le bar de l'Université; ils se rendraient compte de la diversité de nos étudiants, ils les entendraient parler dix langues différentes et ils comprendraient que pour un Africain débarqué de Léopoldville ou d'Accra, il y a une adaptation malaisée à un milieu inconnu, à une discipline nouvelle, à un enseignement difficile.

Le nouveau venu peut rester parfois des mois sans rencontrer un étudiant suisse, seul dans la médiocrité d'une mauvaise chambre louée très cher, objet d'une certaine xénophobie qui existe encore dans notre cité.

L'Association générale des étudiants a fait établir une statistique consacrée aux conditions de logement. Sur 2683 réponses recueillies, 817 concernent des étudiants

qui vivent chez des parents, tous les autres, soit 1866, sont en chambre ou dans une pension. Les foyers pour étudiants où l'on prend soin de créer une atmosphère familiale et amicale, ne peuvent recevoir aujourd'hui que 169 personnes.

Sans doute existe-t-il, au cours de l'année, des occasions de rencontres et se préoccupe-t-on au sein de quelques facultés de mettre les étudiants suisses et étrangers en contact les uns avec les autres, mais ce sont souvent des efforts limités et parfois sans lendemain.

Les boursiers de la Confédération ont été invités à passer 48 heures à Berne; ils ont été reçus par la municipalité, l'Université, et ont été logés dans des familles. Ils ont également fait une randonnée en car à travers l'opulente campagne bernoise. Cette expérience heureuse sera reprise l'an prochain.

Les Groupes universitaires de relations internationales ont organisé récemment un colloque de quatre jours à Montana pour réunir des ressortissants des nouveaux pays et des étudiants suisses. Le succès a également couronné cette initiative.

Le Centre africain de Drize, dont la direction a été confiée à M. Pierre Bungener, deviendra certainement pour nos étudiants africains un foyer accueillant et, pour leurs amis qui s'intéressent au développement des nouvelles nations, un centre d'information et de culture africaines.

4) Les méthodes d'enseignement doivent être ajustées aux besoins actuels

La part trop grande donnée à l'enseignement ex cathedra, où l'étudiant reste passif, est actuellement critiquée. La préférence va aux séminaires, aux entretiens par petits groupes, ce qui demande le concours d'assistants dont le nombre est encore trop restreint, surtout dans les sciences morales.

On déplore également le cloisonnement qui sépare les différentes spécialités, et l'on réclame un studium generale. Les méthodes de cet enseignement interfacultés ont été étudiées par une commission ad hoc, approuvée par le Sénat et animée par le professeur Stelling-Michaud.

Des expériences ont déjà été réalisées cette année; elles seront étendues; l'automne prochain on cherchera à faire exposer un même sujet par des représentants de disciplines diverses et à inciter ensuite les étudiants à prendre part à un débat, où ils apprennent à s'exprimer — ce qui n'est déjà pas inutile — mais également où ils entendent des points de vue différents. Le problème de la peine de mort introduit par le professeur Graven a donné lieu à une passionnante discussion.

Les cours généraux du jeudi n'attiraient plus guère les étudiants; lorsqu'on choisit l'orateur et le sujet, ils viennent en foule, témoin l'expérience faite récemment avec quatre conférences de Denis de Rougement sur Les chances de l'Europe.

5) Une collaboration doit être établie entre les Universités suisses

Limitée jusqu'à présent à quelques enseignements donnés par le même professeur dans deux universités, la collaboration entre les universités romandes s'est intensifiée par des contacts plus fréquents entre recteurs et doyens.

Le contact a particulièrement été étroit entre Genève et Lausanne et un effort se fait pour chercher à harmoniser les programmes, à uniformiser les diplômes et la durée des études. Le mérite de cet effort revient en grande partie au recteur Guisan, auquel va notre reconnaissance.

Les secrétaires des deux Universités collaborent régulièrement; les étudiants de Genève peuvent suivre gratuitement des cours à l'Université de Lausanne et réciproquement.

Ce rapprochement romand est opportun à un moment où la Conférence des recteurs suisses, en désignant un président rééligible et en choisissant le professeur

Portmann, de Bâle, une personnalité de premier plan, marque son intention de s'attaquer aux problèmes essentiels qui intéressent les universités et qui, jusqu'alors, n'étaient jamais abordés.

L'Office central universitaire suisse, à Zurich, dont on a longtemps contesté l'utilité, est devenu, sous la direction du Dr Hans Kuhn, que j'ai le plaisir de saluer ici, un organisme vivant qui prendra toujours plus d'importance.

6) Le problème des nouvelles constructions universitaires se pose cette année avec autant d'acuité que l'an dernier, car rien ou presque rien n'a été fait

Je me tourne vers Monsieur le conseiller d'Etat Chavanne qui a témoigné à l'Université, depuis la prise de ses fonctions, un intérêt constant, cherchant à se renseigner, exigeant des situations nettes, imposant l'ordre et la discipline, je me tourne vers Monsieur Chavanne pour lui dire notre gratitude mais en même temps nos préoccupations. Deux sont essentielles:

Quand pourra-t-on construire la nouvelle Ecole de chimie? Dans mon rapport du Dies 1961, je parlais du printemps 1962; je crains fort que ce ne soit pas même en 1963.

L'état actuel des laboratoires de l'Ecole de chimie serait supportable si l'on avait l'espoir d'en sortir dans trois ou quatre ans; mais cette incertitude a des conséquences graves, elle risque de compromettre la repourvue de chaires, actuellement ou bientôt vacantes.

Le désir de «planifier», de voir large et loin, qui inspire le chef du Département des travaux publics est absolument légitime; nous avons trop longtemps fait une politique à la petite semaine. Mais une décision doit intervenir pour l'Ecole de chimie dans un délai très bref. II y va de l'avenir de l'enseignement de la chimie à Genève.

Lors de l'exposé des besoins en bâtiments de nos instituts et de nos facultés, exposé dont vous et M. Peyrot avez pris l'initiative, ce dont nous ne vous serons jamais assez reconnaissants, il est apparu que le plan de reconstruction, au bord de l'Arve, des bâtiments de la Faculté des sciences, était compromis faute de place. Les immeubles H.L.M. et la Télévision se partageraient ce qui avait été précieusement mis de côté pour l'Université. Nous avons hâte d'être rassurés ou nous devons connaître les espaces qui seront, définitivement et inaliénablement, mis à la disposition de l'Université pour son extension à venir.

Monsieur le président, nous vous confions ces deux préoccupations majeures; elles pèsent sur nous comme une menace pour l'avenir de la Faculté des sciences, à laquelle vous appartenez, et où se sont illustrés tant de savants genevois.

Nous venons de préciser les exigences de l'immédiat, mais que nous réserve l'avenir?

Où va l'Université? Quel est l'avenir de nos Universités suisses?

A une époque où ce ne sont pas seulement les valeurs cotées en bourse qui sont à la baisse, mais bien aussi celles qui ont inspiré notre manière de vivre, de penser, d'enseigner et d'agir, comment l'Université pourrait-elle rester en dehors de la tourmente?

Traditionnelle dans sa structure et dans le message que l'expérience lui demande d'apporter, elle est aux prises avec une jeunesse happée par les idéologies extrêmes, impatiente et en réaction systématique contre l'ordre établi.

Il me paraît assez heureux que la structure de notre maison, les méthodes d'enseignement et même les matières enseignées puissent être critiquées par nos

étudiants, qui exercent ainsi sur leurs professeurs une sorte de pression tonique et revigorante les empêchant de s'endormir dans la routine et dans la satisfaction de soi-même.

Bien entendu, si flous avons intérêt à voir nos étudiants plus actifs, plus réellement intéressés par les problèmes qui se posent à leur Alma Mater, nous avons le droit et le devoir d'imposer à nos jeunes interlocuteurs la déférence que l'on doit marquer à ceux qui sont chargés de les instruire, de les former, de leur donner une pensée et une réflexion logiques, et d'exiger d'eux un travail effectif.

Naguère encore, l'opinion publique suisse réclamait un regroupement de nos facultés et parlait du luxe représenté par nos huit universités cantonales et nos deux écoles polytechniques. Tient-on aujourd'hui le même langage?

Il y a quelques semaines, un conseiller d'Etat, grand maître d'une université alémanique, dont j'étais le voisin de table, me tint les propos suivants: «Nous avons besoin d'une nouvelle université en Suisse alémanique, celle de mon canton ne peut s'agrandir, je ne dispose plus d'un mètre carré pour bâtir, et le nombre des étudiants ne fait que s'accroître. L'Université ouvre plus largement sa porte à des étudiants provenant de nouvelles classes sociales, la population augmente et les élèves étrangers sont toujours plus nombreux.» Et comme j'objectais les frais qu'entraîne une université, ce magistrat me fit la réponse suivante: «Sans tenir compte des bâtiments, mon Université ne représente que le 5 à 6 pour cent du budget cantonal.»

Il est probable que ce conseiller d'Etat a raison. On s'adressera toujours davantage à l'Université pour lui demander de former les cadres pour la technique, l'économie, l'enseignement, l'administration.

Mais si les frais d'une université apparaissent actuellement supportables pour un canton riche, ils ne le sont plus si l'on envisage le coût de la recherche dans le domaine de la physique, de la chimie, de la biologie et de la médecine. Nous sommes contraints, en Suisse, si nous ne voulons pas être complètement dépassés, de planifier cet effort de recherche et de concentrer nos moyens dans la création d'instituts nationaux spécialisés.

Malheureusement, il n'existe actuellement dans notre pays, ni désir sincère d'une collaboration sur le plan de la recherche scientifique, ni autorité assez puissante pour l'imposer.

Ainsi, s'il faut admettre le maintien et le développement de nos universités cantonales qui nous fourniront les gradués et les cadres dont nous aurons besoin en nombre toujours plus grand, il faut songer à des instituts nationaux de recherche supérieure, dont la construction et les crédits seront en grande partie à la charge de la Confédération. L'enquête menée par la commission fédérale chargée de faire le bilan actuel de l'actif et du passif de nos écoles supérieures, sera utile dans la mesure où l'on saura en tirer à temps les conclusions — et nous ne sommes pas persuadés qu'il en sera ainsi.

En terminant ce rapport, j'ai à coeur de m'adresser aux étudiants.

Il me faut souligner la bonne volonté et le dévouement dont ont fait preuve les membres du bureau de l'A.G.E. Ce n'est pas une sinécure d'accepter une charge au conseil, car s'il est aisé de hurler avec les loups et de flatter les démagogues, il est beaucoup plus difficile de faire oeuvre utile, positive, raisonnable.

Or le Conseil de cette année, héritier d'une situation déficitaire, et non seulement sur le plan financier, l'a rétablie, il l'a fait avec persévérance, rectitude morale, et c'est probablement de sa réussite que ceux qui cherchent le désordre sont navrés.

C'est une des joies du recteur de se trouver au contact de jeunes qui acceptent les responsabilités et affirment à vingt ans une personnalité que l'on perçoit riche d'enthousiasme, d'idéal et de désintéressement.

L'automne prochain, quand je serai relégué dans mon service de l'hôpital, loin de l'Université, je regretterai le «quart d'heure» qui me permettait, au bar, devant une tasse de café, de me plonger dans la foule bigarrée des étudiants et de participer quasi incognito — car qui connaît le recteur! — à leur conversation. Ces jeunes gens, ces jeunes filles, ils ne se rendaient pas compte des préoccupations dont ils étaient l'objet, de l'intérêt que nous leur portions, et du plaisir que nous avions à nous sentir au milieu d'eux.

Un problème à l'ordre du jour est le syndicalisme estudiantin. J'ai eu l'occasion de donner mon avis à son sujet, de reconnaître l'idéalisme de ceux qui préconisent cette formule, mais de les rendre attentifs à son imprécision et à ses dangers. Je crains que, pour nos étudiants et particulièrement nos étudiants suisses, ce ne soit là le fond du problème. J'aimerais qu'ils ne cherchent pas toujours une inspiration étrangère, qu'ils ne soient pas «Sekoutouristes» ou «Castristes», mais qu'ils méditent sur les responsabilités et les devoirs de l'étudiant suisse dans ce monde en désarroi, mais en même temps riche de tous les espoirs.

Il y a quelques mois, un étudiant de Genève écrivait à un quotidien français en disant qu'il s'ennuyait en Suisse et qu'il «envierait presque les Français avec leur O.A.S. et le F.L.N.» Comme cette allusion est douloureuse à l'heure actuelle et comme cet ennui de l'étudiant genevois, qui demande la bagarre et le plastic, sent son égocentrisme et révèle l'enfant gâté!

Répondant, dans la Gazette de Lausanne, à cet étudiant qui s'ennuie, Frank Jotterand écrit: «Je me demande quel avenir se préparent les jeunes gens qui ont besoin des guerres et des tortures d'autrui pour nourrir platoniquement leur sens de la justice, cependant qu'ils refusent d'examiner ce qui se passe sous leurs yeux. Leur attitude n'est-elle pas dictée par la crainte inavouable d'être amenés à s'engager, plutôt que dans des révoltes stériles et théâtrales, dans des actions difficiles et ingrates, comme le sont toutes celles qui s'inscrivent dans la réalité?»

Je crains que beaucoup d'étudiants étrangers qui viennent chez nous ne soient déçus parce qu'ils ne trouvent pas l'interlocuteur qui leur tienne le langage d'un étudiant suisse, qu'ils se réjouissaient d'entendre.

Je crains que la dernière assemblée générale de l'A.G.E. ne nous ait révélé une jeunesse qui, prompte à critiquer les aînés, ne se prépare pas sérieusement à prendre la relève.

Il m'apparaît que les problèmes que le inonde pose à notre petit pays ont de quoi passionner un jeune et lui permettent de se désennuyer.

Dans le cadre même de notre Université, n'y a-t-il pas des possibilités remarquables et, pour un étudiant qui veut réellement payer de sa personne, lutter contre une existence monotone et trop confortable, des occasions d'élargir son horizon, d'enrichir son expérience, de former sa personnalité et de s'engager?

Nos autorités fédérales, MM. Petitpierre, Wahlen et, récemment, Schaffner, ont souligné comment ils comprennent cette neutralité active qui est notre politique.

Presque chaque semaine, le secrétariat de l'Université reçoit des demandes du tiers-monde qui réclame des universitaires et qui offre des situations d'un intérêt passionnant. Il y a quelques jours, le ministre de la santé du Congo me dépeignait la situation de son pays: 12 millions d'habitants, 94 médecins. Le Dr Lasserre, ancien élève de notre faculté, actuellement chef de l'hôpital de la Croix-Rouge suisse à Léopoldville, nie disait l'expérience humaine et médicale enrichissante qu'il faisait. Il demande que la relève dans son service soit assurée par des assistants suisses. Son appel sera-t-il entendu?

La situation de notre pays n'est-t-elle pas favorable à la création d'un service à l'étranger, qui demande l'engagement de jeunes Suisses en grand nombre et leur donne l'occasion de se vouer à une de ces tâches pour lesquelles la Croix-Rouge,

le Département politique, l'O.M.S., les gouvernements étrangers lancent des appels qui demeurent trop souvent sans réponse?

Et si nos étudiants sont conscients du profit qu'ils retireraient d'une ou deux années au service de cette neutralité active, souvent mal comprise, s'ils acceptent ce petit sacrifice qui serait en même temps une magnifique aventure, je souhaite qu'ils soient fidèles à la devise de nos régiments au service étranger: Honneur et Fidélité.

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