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DIES ACADEMICUS 1998

Cérémonie du 13 juin 1998
Uni-Dufour, Auditoire Piaget
Palmarès de l'année civile 1997

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M. Bernard FULPIUS
Recteur de l'Université de Genève

AUJOURD'HUI LES DRAPEAUX FLOTTENT sur l'université et l'ensemble de l'espace des Bastions. Ce n'est pas seulement en raison du Dies academicus, la fête de l'Université, niais aussi parce que notre manifestation coïncide avec la Fête des Bastions qui débutera en fin de journée et qui s'inscrit dans la commémoration du 150e anniversaire de l'Etat fédéral.

Je limiterai à cette remarque préliminaire l'évocation du lien entre Fédéral et Université pensant que M. Charles Kleiber y reviendra lors de son intervention.

Je tiens également à vous signaler que, selon toute probabilité, c'est la dernière fois, en ce siècle, que la présente cérémonie se déroule à Uni-Dufour puisque, l'an prochain, il est prévu d'associer la cérémonie du Dies à l'inauguration d'Uni-Mail dans le cadre d'une grande fête destinée à l'ensemble de la communauté universitaire.

M. Bernard FULPIUS

Recteur de l'Université de Genève

EN EUROPE OCCIDENTALE, L'UNIVERSITÉ est une institution quasi millénaire qui, malgré les transformations successives qu'elle a connues, existe toujours. On peut se demander pourquoi. Peut-être est-ce parce qu'elle est, à l'image de la vie, en équilibre, dynamique, mais aussi instable, entre les contraintes qui lui sont imposées et les libertés qui lui sont offertes. C'est sur ce terrain mouvant, et qui sait, grâce à lui, qu'elle peut développer une recherche et offrir un enseignement, tous deux de grande qualité. Dans un tel contexte de mutations permanentes, une institution de la taille de notre Alma Mater a toujours, simultanément, des dossiers qui progressent remarquablement, alors que d'autres posent aux responsables des problèmes majeurs pour lesquels une solution n'est parfois trouvée qu'après des mois, voire des années d'effort.

Dans le cadre de la présente allocution, il m'apparaît indispensable de faire autant état de certains de nos succès, et des dispositions prises pour qu'ils se prolongent, que de certaines de nos difficultés et des mesures envisagées pour les résoudre.

La qualité et l'originalité d'un nombre important de travaux de recherche récents, menés tant en sciences naturelles qu'en sciences humaines, ont été perçues bien au-delà de nos frontières et leurs auteurs récompensés, par la possibilité qui leur a été offerte de publier leurs résultats dans des revues prestigieuses, par l'octroi de fonds de recherche toujours plus importants destinés à la poursuite et au développement de leurs travaux et par l'attribution de distinctions honorifiques dont les médias se sont largement fait l'écho et dont le détail figure dans le rapport de l'Université. Ces résultats, remarquables, obtenus dans un climat de compétition souvent tendu et avec des moyens parfois limités, doivent être perçus comme un signe d'encouragement qui dépasse nettement les

groupes de recherche concernés et qui devraient toucher l'ensemble des membres de la communauté universitaire.

Aboutissement de travaux menés avec une grande rigueur, ces succès nous renforcent dans notre volonté de défendre le financement, par les pouvoirs publics, d'une recherche fondamentale de haut niveau. Nous sommes, en effet, convaincus que la survie d'une université dont il est attendu qu'elle diffuse le savoir, est impérativement liée à la création, en son sein, de ce dernier. Cette entreprise, on ne le répétera jamais assez, s'inscrit dans la durée et, contrairement à la recherche appliquée, ne peut pas être planifiée de façon précise.

Même s'ils sont parfois moins spectaculaires, à court terme, il nous faut souligner les efforts consentis dans la plupart des secteurs de l'Université pour faire évoluer les méthodes d'enseignement, afin qu'elles puissent être utilisées au mieux et en accord avec nos besoins. Des méthodes telles que l'apprentissage par problèmes ou sur la hase d'examens de cas ont été introduites dans des disciplines liées à la formation professionnelle. Elles impliquent un recrutement accru du corps enseignant et, de ce fuit, la mise à disposition de ressources supplémentaires. A l'opposé apparaissent d'autres méthodes faisant davantage appel aux réseaux informatiques interuniversitaires et offrant la possibilité de toucher, à partir d'un nombre limité d'enseignants, des populations d'étudiants toujours plus larges. Plusieurs projets pilotes vont être lancés dans la direction de l'enseignement à distance et des développements sont attendus ces prochaines années. L'enseignement traditionnel reste bien sûr fort utilisé, et il en sera ainsi encore longtemps. L'évaluation de l'enseignement par ceux-là mêmes auxquels il est destiné, à savoir les étudiants, apparaît de plus en plus comme un critère valable dans l'appréciation de sa qualité. L'idée d'avoir recours à l'évaluation de l'enseignement fait son chemin et les avantages de cette démarche visant à améliorer la qualité de l'enseignement sont reconnus par tous. Le Rectorat a décidé de la généraliser au cours de ces prochaines années.

Nous avons précisé, ici même l'an dernier, la priorité que nous avions décidé d'accorder à l'avancement d'un certain nombre dc projets d'enseignement et/ou de recherche considérés sous l'angle de l'interdisciplinarité. C'est ainsi que vont débuter cet automne une série de programmes plurifacultaires sélectionnés dans le cadre d'un concours ouvert à tous. Conçus et gérés de façon relativement autonome, les programmes disposeront d'une enveloppe budgétaire destinée à leur réalisation sur une ou

plusieurs périodes de quatre ans. Ces programmes feront, par ailleurs, l'objet de mandats de prestations établis entre le Rectorat et les responsables de chacun d'entre eux, une première au sein de l'Université. Toujours dans le contexte interdisciplinaire, nous sommes heureux de mentionner le nouveau départ de l'Institut européen qui décernera désormais un seul diplôme dont le programme bénéficiera des prestations d'enseignants rattachés, en particulier, aux facultés des lettres, des sciences économiques et sociales et de droit. Disposant d'un budget propre avec, à sa tête, un directeur faisant partie d'un comité de direction au sein duquel les trois facultés sont représentées, l'Institut pourra non seulement avoir recours au service des facultés pour les prestations qui lui seront offertes, mais également développer en son sein un projet de recherche interdisciplinaire.

Autre thème de préoccupation: les bâtiments universitaires. Après plusieurs années de réflexion, une série d'options viennent d'être prises, d'entente avec l'autorité politique, à propos des bâtiments universitaires, présents et futurs. Rappelons tout d'abord que, avant la fin de ce siècle, le bâtiment d'Uni-Mail sera totalement occupé et très certainement complété par Uni-Pignon et que la construction de la deuxième étape de Sciences III sera reprise. A terme, il s'ensuivra une série de rocades qui permettront de renoncer à des locations et qui libéreront, en outre, des surfaces importantes dans les locaux universitaires. Enfin, divers secteurs seront progressivement transférés sur le site de Battelle. Cette façon de procéder permettra de résoudre d'ici moins de deux ans un des problèmes majeurs qui ont freiné le développement de l'Institut d'architecture qui, comme chacun sait, doit libérer les locaux situés aux Casemates. Cet Institut, dont la force réside principalement dans sa prestation au niveau du 3e cycle et qui doit se faire une place en vue dans notre pays en ne négligeant aucune des collaborations qui lui sont offertes, bénéficiera, enfin et durablement, de locaux sur un site dont le potentiel est devenu considérable depuis que l'Université a acquis, par un échange de terrains avec l'Etat, cinq hectares jouxtant immédiatement à l'est le site de Battelle.

Une des principales critiques adressées à l'exécutif de notre maison concerne sa façon de communiquer, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'institution. Une partie de ce phénomène peut être liée à la difficulté ressentie par chacun des quatre organes de l'Université (Rectorat — Conseil de l'Université —Sénat —Conseil académique) pour retrouver ses marques

suite aux profondes modifications législatives introduites en 1994, lesquelles entraînaient, en particulier, des modifications de leurs prérogatives respectives. Mais de l'avis du Rectorat et du consultant mandaté par lui, le problème était beaucoup plus complexe que ne laissait apparaître cette première analyse. il méritait qu'un nouveau concept de communication soit développé et mis sur pied selon un agenda bien précis. C'est ainsi qu'un nouveau service intitulé Presse-Information-Publications a été mis sur pied. Par réallocations au sein des services administratifs, des moyens ont été dégagés et le personnel nécessaire engagé. Une série de réalisations vont peu à peu voir le jour: CD-Rom présentant l'Université dans son ensemble, journal interne, charte graphique, pour ne donner que trois exemples. En outre, des contacts réguliers et personnalisés vont être instaurés tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la maison. Grâce à ces différentes mesures, nous avons le ferme espoir de voir s'améliorer les problèmes de communication.

Présenter et analyser un certain nombre de réalisations en cours ne saurait occulter les préoccupations d'ordre politique qui sont actuellement celles des responsables de l'Université. Quelques unes ont fait récemment l'objet de prises de position, des étudiants en particulier. Le Rectorat estime utile de s'exprimer publiquement aujourd'hui à propos de trois d'entre elles: le financement de l'Université, l'accès aux études et la collaboration avec l'Université de Lausanne.

Dans les conditions actuelles, le financement public de l'Université, relativement insuffisant eu égard aux tâches et développements attendus d'elle, contraint les responsables à trouver de nouvelles recettes. Dans ce contexte, le recours au financement dit privé suscite passablement d'inquiétudes, compréhensibles d'ailleurs: conduite de travaux de recherche dont la finalité est déterminée par le commanditaire ou le sponsor et choix, tant des disciplines devant donner lieu à un enseignement que du personnel enseignant rattaché à celui-ci, dicté par ces mêmes bailleurs de fonds, pour ne citer que deux exemples. Face à ces questions, légitimes, et vu sa détermination à faire appel au secteur privé pour l'aider à équilibrer le budget, le Rectorat tient à réaffirmer, dans l'esprit de l'autonomie accordée à l'Université, son respect d'un certain nombre de principes:

• C'est l'Université, et l'Université seule, qui décide des matières enseignées au sein des diverses facultés, institut et école et qui veille à ce qu'enseignants et chercheurs jouissent de la liberté académique.

• C'est l'Université, et l'Université seule, qui, dans le cadre des nominations des membres de son corps enseignant, prépare, selon ses règles propres, les propositions qui sont soumises à l'autorité de nomination.

• C'est l'Université, et l'Université seule, qui a la responsabilité de créer les conditions propices à la recherche scientifique et d'imposer le respect des principes scientifiques fondamentaux.

Rechercher dans ces conditions des fonds privés en expliquant clairement aux donateurs potentiels les principes que l'Université défend est une démarche qui ne pose pas, à notre sens, de problèmes majeurs. L'utilisation, en toute connaissance de cause, des nombreux fonds mis à la libre disposition de l'institution en témoigne.

L'augmentation du nombre d'étudiants en une période de difficultés budgétaires fait craindre à beaucoup l'introduction de mesures destinées à limiter l'accès à l'Université. En réponse à cette autre inquiétude, légitime elle aussi, le Rectorat tient à réaffirmer la position qu'il a prise en présentant son programme de politique générale: défense du concept d'une université ouverte à tous. Le maintien d'un accueil à l'Université, non limité, alors que les ressources diminuent, reste délicat. Les options prises, eu égard au développement de nouvelles méthodes d'enseignement, apporteront très certainement une solution en ce sens qu'elles permettront une diffusion du savoir plus large et en même temps de grande qualité, saris nécessiter l'engagement de personnel supplémentaire. Ceci devrait, par ailleurs, permettre aux enseignants ainsi soulagés de certains cours dispensés à de grands auditoires de consacrer du temps à des discussions et des entretiens avec les étudiants. Pour ce qui est des enseignements dont le caractère formatif professionnel est prédominant (médecine —traduction et interprétation — droit —pédagogie), il restera nécessaire de mettre au point des dispositions réglementaires, applicables en cours d'études, dans le but de veiller à ce qu'une formation professionnelle de qualité soit offerte à chacun de ceux qui ont les capacités de l'acquérir.

L'accent mis sur le développement de la collaboration avec l'Université de Lausanne a suscité, suscite et suscitera certainement encore beaucoup «appréhension dans tous les corps concernés. Les véritables raisons d'initier un processus de rapprochement avec l'Université suisse la plus proche ont été d'emblée exprimées: de l'avis du Rectorat, trouver une alliance étroite avec une autre université généraliste devrait permettre

à l'Université de Genève de rester, en Suisse, une université généraliste de haut niveau, susceptible d'attirer les meilleurs professeurs, les meilleurs chercheurs et les meilleurs étudiants au coeur d'une Europe favorisant la libre circulation des intelligences et offrant aux étudiants la meilleure formation possible. Le message contenu dans les nombreuses réactions qui se sont manifestées suite à l'initiation de cette période de rapprochement est clair: si une meilleure collaboration avec diverses universités est souhaitée, ce sont les modalités envisagées jusqu'à présent pour sa réalisation qui sont critiquées. Le message contenu dans les réponses aux consultations successives lancées par le Rectorat vont dans le même sens, tout comme le résultat du scrutin sur le RHUSO. Le Rectorat va désormais veiller à ce que l'accent principal soit mis sur les collaborations existantes et à en développer de nouvelles au niveau du terrain et avec l'aide des personnes directement concernées.

Il y a tout juste quarante ans, le 5 juin 1958, le professeur Paul Wenger, recteur, commençait son allocution du Dies de la façon suivante:

«Notre maison voit chaque année le nombre des étudiants augmenter, les manifestations se multiplier et les obligations du recteur s'étendre à des domaines de plus en plus variés et je sais que mes auditeurs, aujourd'hui, désirent que j'abrège le plus possible cette allocution. Il est cependant des faits essentiels que le devoir m'oblige à relater si mon auditoire désire avoir un aperçu de la vie universitaire en cours de cette année».

Ce préambule est une bonne illustration de la permanence de certaines questions et de la constance de certaines situations. Il m'incite à m'arrêter là.

Je vous remercie.